Impossible de rater la dernière rumeur en date au sujet de Google. Celui-ci s’apprêterait à lancer son propre "PC". L’info est relayée (notamment) sur l’Atelier, sur The Register, et sur bien d’autres grands et petits médias. Après l’article du LA Times qui a tout déclenché, Google s’est empressé (une fois n’est pas coutume) de démentir : voir ici ou là.
On le sait, jouer de la rumeur fait partie intégrante de la stratégie de communication de Google. Quelques rumeurs se sont avérées fondées quand d’autres (la plus persistante étant celle du Google Browser) sont restées lettres mortes. La marque se sert de la propagation de ces rumeurs (étayées le plus souvent par de tonitruantes politiques de recrutement ou d’alléchants achats de noms de domaine) pour analyser en temps réel les réactions de son public captif ou de ses plus ardents détracteurs. Alors sans revenir sur les analyses citées plus haut, dont la plus complète est celle de l’Atelier, je pense, que Oui, Google lancera bientôt (mais peut être pas vendredi comme tout le monde l’annonce) son propre "laptop". Un "PC" façon "Network Computer", une boîte noire de connexion à Internet avec juste ce qu’il faut de logiciels pour accéder aux désormais incontournables services bureautiques et personnels en ligne (courrier électronique, agenda, etc.) La raison est (trop ?) simple :
- D’abord, toute la stratégie de diversification de Google tend vers cette pierre d’achoppement : le déploiement des services personnalisés en ligne bien sûr (offre portail) mais également l’intérêt très marqué pour le Wifi, sans oublier les partenariats et les recrutements divers de développeurs venant du monde de l’Open Source. Toutes les briques sont donc là.
- Ensuite, il y a l’éternel rival, Microsoft, qui tout en reconnaissant la "valeur" du moteur Google, se complaît à stigmatiser l’arrogance de la firme californienne, entretenant également les petites phrases assassines tendant à démontrer qu’en dehors de son moteur, tous les services et application de Google ne sont que de pâles copies de stratégies et d’outils Microsoft.
- Enfin il y le nerf de la guerre. Car c’est bien cela qui constituera l’argument décisif. Avec une capitalisation boursière qui frôle l’aberration**, Google a les moyens. Ceux de la réussite comme ceux de l’échec. A la différence de la guerre qui opposa jadis Netscape à Microsoft, Google est suffisamment positionné comme leader sur certains secteurs et services, il dispose d’un modèle économique que Microsoft a repris à son compte. Netscape n’avait qu’une corde à son arc et qu’une seule flèche dans son carquois. La situation de monopole de Microsoft sur les OS étant ce qu’elle est (déjà à l’époque) il était impensable qu’un navigateur "indépendant" puisse constituer un levier de chute pour tout un système d’exploitation.
Pour autant, à l’image du démenti publié ("il y a déjà des acteurs qui font cela très bien et avec qui nous avons des partenariats"), Google lancera probablement son "PC" conformément à l’historique de développement qui fait la marque de sa culture d’entreprise. Pas de frontal. Pas d’entrisme tonitruant. C’est chaque fois la même chose : on laisse à une rumeur savamment orchestrée le soin d’annoncer un grand bouleversement ("next big thing"), on dément, et on lance quelques temps après, par la bande, un service en béta, censé ne pas payer de mine, disponible uniquement sur invitation ou pour des usages très ciblés et qui progressivement va devenir l’étendard, le principal point d’attraction du public captif de la marque (souvenez-vous du lancement de GMail), ainsi qu’un redoutable fer de lance pour monétiser d’autres services. Le tout étant, pour Google, "de ne pas avoir l’air de faire ce que l’on est pourtant en train de faire". Ainsi du lancement de Google Print/Books. On entre comme jamais personne n’avait jamais osé le faire sur le marché de l’édition et de la diffusion de contenus en ligne, mais on dit que l’on ne fait que de l’aide à la localisation de contenus.
Alors pour en revenir à la rumeur … Il y aura donc bien un jour un "Google PC". Parce que les mentalités ont changé, que Microsoft n’est plus incontournable, que des applications et des services gratuits et open source font aussi bien et parfois mieux que les outils Microsoft. Parce que les acteurs ont également changé : Apple via son Ipod et son positionnement sur la marché de la musique en ligne est redevenu un concurrent de premier plan, même si sur certains points il appartient désormais un peu à Microsoft. Parce qu’ensuite les habitudes informationnelles ont changé avec l’avènement du "tout en ligne". Parce qu’enfin les modèles économiques ont changé avec cette fois l’avénement du "tout gratuit financé par la pub". Donc il y aura un Google PC. Parce qu’il est à ce jour économiquement et stratégiquement aberrant qu’il n’y en ait pas.
**selon certains analystes, l’action devrait (encore) s’envoler pour atteindre cette année la barre des … 600 $