La Silicon Valley et le monde entier se souviendront longtemps du mercredi 27 Avril 2016. L'annonce qui suit est une véritable bombe. Les deux fondateurs de Google, Serguei Brin et Larry Page viennent de déclarer, lors d'une conférence qui se termine à l'instant, qu'ils renonçaient définitivement à la régie publicitaire du moteur de recherche. Oui, vous avez bien lu !!! Dès demain aux Etats-Unis et dès le mois de Juin en Europe, Google cessera d'afficher des résultats issus de sa régie publicitaire. Nul ne sait encore comment ni par quoi cette régie, qui représente tout de même plus de 95% des revenus du moteur, sera remplacée, personne n'est ce soir capable de dire quel sera le nouveau modèle économique qui sera mis en place, mais en tout cas les deux fondateurs sont longuement revenus sur les raisons de ce tournant historique de la Silicon Valley. Voici une retranscription de la fin de cette conférence (déjà historique !) qui dura à peine plus de 15 minutes. Et à en juger par les fluctuations actuelles du cours de bourse de l'action Google, les prochains jours vont être assez incroyables à suivre !! Moi qui publiais il y a quelques jours un billet pour m'interroger sur la possible fermeture prochaine de Facebook je n'imaginais pas que ce soir serait peut-être la fin définitive de Google tel que nous le connaissons … Mais voici donc l'extrait de la fin de cette conférence. Accrochez-vous !
A l'heure actuelle, le business model prédominant pour les moteurs de recherche est celui de la publicité. L'objectif de ce modèle publicitaire ne correspond pas toujours à la capacité de fournir des résultats de recherche de qualité pour les utilisateurs. A titre d'exemple, dans notre moteur de recherche, lorsque l'on tape "téléphone mobile", l'un des 1ers résultats organiques est un article de recherche "Les effets de l'usage du téléphone portable sur la capacité d'attention des conducteurs", qui détaille les raisons pour lesquelles il est dangereux de téléphoner en conduisant. Ce résultat est sur la 1ère page du fait de sa pertinence calculée par notre algorithme. Il est clair qu'un moteur de recherche dont la régie publicitaire bénéficierait de l'argent versé par des annonceurs qui vendent des téléphones portables aurait des difficultés à justifier la présence de cet article en première page de résultats. C'est actuellement le cas de Google. Pour cette raison et du fait de notre longue expérience avec d'autres médias, nous déclarons que les moteurs de recherche reposant sur un modèle économique de régie publicitaire sont biaisés de manière inhérente et très loin des besoins des utilisateurs.
S'il est vrai qu'il est particulièrement difficile, même pour les experts du domaine, d'évaluer les moteurs de recherche, les biais qu'ils comportent sont particulièrement insidieux. Une nouvelle fois, le Google de ces dernières années en est un bon exemple puisque nous avons vendu à des entreprises le droit d'être listé en lien sponsorisé tout en haut de la page de résultats pour certaines requêtes. Ce type de biais est encore plus insidieux que la "simple" publicité parce qu'il masque l'intention à l'origine de l'affichage du résultat. Si nous persistons dans ce modèle économique, Google cessera d'être un moteur de recherche viable.
Il est pourtant vrai que des biais moins flagrants sont encore tolérés par le marché. Par exemple un moteur de recherche pourrait ajouter une petite variable pour favoriser les résultats des entreprises "amies" ou partenaires, et déclasser de la même manière les sites de ses concurrents. Ce qui est exactement ce que nous reproche l'union européenne. Ce type de biais est très difficile à détecter mais peut avoir un effet très significatif sur le marché. De plus, la publicité est le plus souvent une incitation à fournir des résultats de recherche de mauvaise qualité. (suit ici une série d'exemples autour des points reprochés à Google par la commission européenne). En général et du point de vue de l'utilisateur, le meilleur moteur de recherche est celui qui nécessite le moins de publicité possible pour lui permettre de trouver ce dont il a besoin. Ce qui, bien sûr, condamne le modèle de régie publicitaire de la plupart des moteurs de recherche actuels. De toute façon, il y aura toujours d'énormes quantités d'argent investies par des publicitaires soucieux d'orienter le consommateur vers leurs produits ou de créer chez lui un besoin de "nouveauté". Mais nous croyons que le modèle publicitaire cause un nombre tellement important d'incitations biaisées qu'il est crucial de disposer d'un moteur de recherche compétitif qui soit transparent et transcrive la réalité du monde.
Et voilà.
Incroyable non ?
S'il est un article que toutes celles et ceux qui s'intéressent au web en général et aux moteurs de recherche en particulier ont lu, c'est probablement "The Anatomy Of A Large-Sclae Hypertextual Web Search Engine", paru en 1998 et rédigé par deux jeunes diplômés de Stanford, Serguei Brin et Larry Page. Cet article jette les bases du moteur de recherche Google, à l'époque encore hébergé sur les serveurs de l'université de Stanford.
On y trouve par exemple pour la première fois ce qui deviendra l'une des formules mathématiques les plus célèbres de l'histoire, celle du Pagerank :
"We assume page A has pages T1…Tn which point to it (i.e., are citations). The parameter d is a damping factor which can be set between 0 and 1. We usually set d to 0.85. There are more details about d in the next section. Also C(A) is defined as the number of links going out of page A. The PageRank of a page A is given as follows:
PR(A) = (1-d) + d (PR(T1)/C(T1) + … + PR(Tn)/C(Tn))
Note that the PageRanks form a probability distribution over web pages, so the sum of all web pages' PageRanks will be one."
A la fin de cet article scientifique, juste après la bibliographie, il y a (c'est la coutume aux States) une petite "bio" des deux auteurs et une série d'annexes regroupées dans le point 8. Dont "l'annexe A" : "Advertising and Mixed Motives".
Voilà. Vous avez compris. C'est cette annexe que j'ai littéralement traduit pour vous faire cette petite blague. A l'exception des (très rares) passages en italique et de la parenthèse sur les reproches adressés par l'union européenne à Google Shopping, j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une traduction littérale de ce que pensaient et écrivaient Serguei Brin et Larry Page en 1998. La preuve.
18 ans après, l'écart avec la réalité des pratiques et de la philosophie du Google d'aujourd'hui est réellement … vertigineuse.
j’y ai cru…Je m’a fait eu…
🙂
Précisons à Brin et Page que, selon les filtres qui me correspondent (langue française etc.), la requête « téléphone mobile » sur Google me donne 38 premiers résultats de nature commerciale et publicitaire. Et rien sur l’usage du téléphone mobile ne voiture.
Faut lire jusqu’à la fin, Diogène.
Bah c’est pas drôle j’y ai cru moi 😛
Inversion du rapport « information » / « publicité » dans Google, le parcours d’une idée.
http://www.webcontentspinning.com/adwords-plus-pertinent-que-pagerank-pour-la-recherche-dinformation/