Steve Rubel est un bloggueur reconnu qui anime Micro Persuasion, un blog dédié aux rapports qu’ils (les blogs) entretiennent avec le journalisme, les relation publiques et quelques autres considérations technicistes. Steve Rubel vient d’apprendre qu’il était atteint d’un cancer de la peau. Et il a ouvert un blog, SkinCancerBlog, dans lequel il lance l’appel suivant : "Please link on the words skin cancer so that it begins to get some Google Juice and ranks highly on the right searches." ‘Right searches’, littéralement "les bonnes recherches".
J’avoue ne pas trop savoir quoi penser de cette initiative. La notoriété de Steve Rubel, son initiative, le suivi et les informations grand public qu’il a déjà posté sur son blog peuvent, j’en suis convaincu, aider à la prévention de cette maladie. En appeler au "Google Juice" (= le nombre de liens pointant vers un site et permettant de le positionner en bonne position sur tel mot clé, en l’occurence "Skin Cancer") atteste de ce rapport particulier à l’information désormais inscrit dans l’inconscient collectif. Cela me rappelle le témoignage (évoqué dans ce billet) du créateur d’Ask Jeeves, qui se demandait :
- "Qu’arrivera-t-il si nous répondons mal
à des requêtes comme "amour" ou "ouragan" ?"
En effet, qu’arrivera-t-il si Google répond mal à la requête "Cancer de la peau" ? Pour l’instant, la requête en anglais pointe sur les sites de la Skin Cancer Foundation et sur une page ressource de Medline. Et cela est à coup sûr indépendant du ‘Google Juice’ de ces deux pages. Qu’arrivera-t-il si Steve Rubel réussit son ‘coup’ et si son ‘Google Juice’ relègue en bas de page les deux sus-citées ? Est-il possible pour un moteur comme Google de calculer de la même manière que toutes les autres les réponses à de telles requêtes ? Je pense que non. Evidemment non.
A titre personnel, le blog de Steve Rubel m’a laissé une étrange impression, au delà bien entendu de l’empathie spontanée que l’on peut ressentir suite à son initiative. Une impression de malaise tant sa maladie est présentée de manière ‘souriante’, totalement dédramatisée, aux couleurs de Google.
D’autres témoignages sont plus éloquents et ne réclament aucun ‘Google juice’. Ils font partie de ces quelques billets qui n’appellent pas au ‘pathos’ mais bouleversent tout individu normalement constitué.
Celui-ci en est un. Lisez jusqu’au bout ses commentaires. Et ensuite allez lire ce billet de Francis Pisani. 3 récits numériques : l’initiative d’un bloggueur, lui-même atteint, sur le cancer ; le témoignage d’une mère ; les enjeux du libre accès aux connaissances scientifiques. 3 récits. 1 seule histoire : celle de l’information. L’information pour que la vie l’emporte sur la maladie. Un même "écosystème informationnel". POUR la connaissance.
La « bonne recherche » sur Internet et la médecine ne font pas, à mon sens, un très bon mariage:
*Certains médecins ne sont pas très chauds: ils considérent que le grand public ne devrait pas avoir accès aux informations spécialisées car nous sommes incapables de les comprendre.
*Puis il y a un problème d’accès à l’information: comment rédiger une bonne recherche? dans quelle langue chercher? qui peut nous aider à comprendre? qui peut cheminer dans Google avec nous si notre médecin refuse? quelles sont les sources d’information crédibles? pourquoi le grand public, à la recherche désepérée d’informations, devrait-il debourser 30 ou 40$ pour accéder à un article médical de 4 pages… juste pour savoir si celui-ci est le bon, ou pour dénicher l’email d’un médecin dans je-ne-sais-quel-pays?
Tout à fait d’accord avec vous et c’est bien dans ce sens qu’allait mon billet. Peut-être faudrait-il envisager, pour certains services hospitaliers amenés à traiter de pathologies lourdes et/ou rares de mettre en place une sorte de « centre de documentation » ou en tout cas une personne (documentaliste, et spécialiste de la recherche sur le Net) qui pourrait assurer ainsi l’interface entre les tour d’ivoire dans lesquelles certains médecins s’enferment complaisamment et les demandes des familles. Certes l’hopital (public) souffre de bien d’autres mots qu’il serait urgent de combler par une vraie politique de santé publique. Mais votre message témoigne de l’importance de l’information (y compris spécialisée) dans la prise en charge des patients et de leur famille. A vous et à Priel Amaranta, tout le meilleur.