Contrat californien et eugénisme documentaire

(Theory of document eugenism : how books downloading on Google will cause the suicide of libraries.)

Ita est. Ce qui était inéluctable vient d’arriver. Peter Suber et Didier Durand (entre autres) ont été parmi les premiers à se faire l’écho de la dépêche d’Associated Press sitôt reprise par la BBC : Google vient d’autoriser le téléchargement en .pdf des ouvrages libres de droit disponibles dans Google Books. Les deux blogs officiels de Google en font évidemment des gorges chaudes ("Download the Classics" et "Public Domain Treasures now available for downloading").

Que penser de cela ? S’en réjouir au nom de l’accès facilité à la culture ? Non. Trois fois non. Et voici pourquoi.

Je vous parlais dans ma note de rentrée des rumeurs du contrat liant Google à l’université de Californie pour la numérisation de millions d’ouvrages. Et bien le Chronicle of higher Education s’est procuré un exemplaire des treize pages (.pdf) dudit contrat. Très instructif. On y apprend :

  • "engagement de l’université à fournir au moins 2 500 000 volumes à raison de 600 livres par jour pour commencer jusqu’à atteindre 3000 unités/jour"
  • "les ouvrages concernés ne pourront pas sortir du campus pour plus de 15 jours ("business days")"

Suit un chapitre sur les coûts assumés par les deux partenaires qui se termine par un paragraphe indiquant que le mise en place du budget pour chaque phase du projet doit prendre en compte la possibilité pour chaque partie de faire des recherches sur le contenu numérisé, d’effectuer également des recherches sur les droits des oeuvres concernées, ainsi que des opérations de conservation et de développement de métadonnées.
Le chapitre suivant concerne précisément les droits afférents : quelques points résument à eux seuls la stratégie de Google en la matière, étant entendu que "les ouvrages concernés sont pour partie dans le domaine public et pour partie sous copyright" :

  • les deux parties s’engagent à respecter les règles du copyright MAIS (c’est moi qui ajoute le "mais")
  • "chaque partie sera seule responsable du choix de traiter chaque oeuvre, dans chaque juridiction, et ce à son entière discrétion.
     
  • Mais si une des deux parties estime qu’une oeuvre (ou partie d’une oeuvre) est couverte par le copyright, l’autre partie, après en avoir été informée et dans un délai de 48 heures, devra la traiter comme telle, en fonction des usages en vigueur aux Etats-Unis ou dans d’autres juridictions. (…)
  • Google s’engage également à mettre en place un outil permettant à toute personne ou entité de saisir le moteur concernant un oeuvre protégée et de cesser de la mettre à disposition, jusqu’à ce que Google puisse déterminer si la personne ou l’entité en question est bien dépositaire des droits de l’oeuvre.

Jusque là rien à signaler, la morale est sauve même si la règle de l’opt-out continue de prévaloir. Et en plus, concernant l’exemplaire numérique de Google :

  • "Google s’engage à ne facturer aucun coût à l’usager final pour la recherche et la consultation du texte intégral des oeuvres dans le domaine public"

Vraiment sympa ce Google. Oui mais là, vient une surprise de taille :

  • "Pour les oeuvres dans le domaine public ou pour lesquelles Google aura obtenu une autorisation, il aura le droit, à sa seule discrétion, de rendre disponible le texte intégral pour impression ou téléchargement." La messe est dite. Confère le début de ce billet. On est définitivement dans une toute autre optique que celle annoncée au lancement de Google Books, garanti à l’époque sans possibilité de téléchargement ni d’impression … Les bibliothèques ont du souci à se faire concernant la fréquentation de leurs sites, et je ne parle même pas de leurs OPACs par trop opaques pour les usagers … Et s’il ne s’agissait encore que de fréquentation …
  • il (Google) aura également le droit de "faire des copies de sa copie et de les distribuer ou de les vendre (y compris et sans limitation à ses "syndication partners"") Là encore c’est très fort. Google ne facture aucun coût à l’usager final, mais s’autorise toute marchandisation possible sur des copies de copies. Faut bien vivre. Marchandisation rime décidément bien avec redocumentarisation …

Concernant la copie digitale rendue à l’université, elle se composera :

  • "d’une version image et d’une autre OCR, plus titre, auteur et date de la numérisation" (métadonnées)
  • Elle ne doit naturellement pas être indexable par les autres moteurs.
  • Et là c’est encore très fort, pour ce qui est de son exemplaire, l’université doit "s’engager à ne pas le revendre à d’autres tiers" (normal), "empêcher le téléchargement de tout ou partie de l’oeuvre à des fins commerciales, y compris des copies en mode image disponibles sur le site de l’université" (ce que Google s’autorise pour lui-même …), et elle doit enfin s’assurer que "sa copie digitale ne soit pas téléchargée ou disséminée auprès d’un large public" (sic, argh !) Soit j’ai mal lu ou mal traduit (mais je ne pense pas), soit c’est un mauvais remake du pacte de Faust qui équivaut à renoncer à la première mission des bibliothèques, celui de la mise à disposition des oeuvres auprès d’un public le plus large possible.

Comme le souligne, dans le Chronicle, Brewster Kahle de l’Internet Archive (partie prenante du projet concurrent OCA), "while each
of the institutions that have partnerships with Google will get
digitized versions of their own books, they will not be able to share
those versions to build a digital library. Only Google will have the
most comprehensive collection
". CQFD
Rappelons que l’université de Californie dispose également d’un partenariat avec l’OCA, mais là encore, en un mois l’OCA a numérisé ce que Google numérisera en une seule journée (soit 3000 ouvrages)

Au final le marché de dupe est le suivant : chacun des 2 partenaires reçoit "sa" copie, une copie à usage interne si l’on veut. Mais le marchand (Google) s’ouvre tous les droits sur la sienne et les copies de la sienne (impression, téléchargement, revente …) et impose au bibliothécaire un usage fermé et stérile de la sienne (pas de revente ni de cession, pas de téléchargement depuis les sites universitaires, etc.). Une forme revendiquée d’eugénisme documentaire. On appréciera le cynisme du billet annonçant la nouvelle sur le blog de Google : "Now, with the help of our wonderful library partners, we’re able to offer you the ability to download and read PDF versions" …
Chaque nouvelle bibliothèque contractante, en même temps qu’elle assure une visibilité de ses fonds et à l’impression de contribuer à la dissémination mondiale de la culture, fait faire un irrémédiable pas en arrière de plus à l’ambition d’une bibliothèque universelle. Et pour parachever le tout, nos chères bibliothèques n’ont d’autre choix que d’accepter le cadeau "empoisonné" de Google qui consiste à opter pour une solution hébergé, le temps de la numérisation : c’est à dire que les oeuvres seront disponibles sur le site de Google uniquement, le temps que les université aient mis en place les capacités de stockage et de bande passante nécessaires … Vous imaginez bien qu’une fois que vous aurez consulté une oeuvre sur Google Books (qui entre temps aura largement communiqué sur l’augmentation de l’offre disponible) vous vous enpresserez (si vous êtes au courant que "ça y est, la bibliothèque à récupéré son exemplaire et le propose dans son Opac"), vous vous empresserez, disais-je, d’aller trouver le site de la bibliothèque de l’université qui possède l’ouvrage, puis de trouver sur ce site comment est-ce qu’on fait pour accéder à leur p—–n d’Opac, puis de rechercher de nouveau l’ouvrage en question, puis de vous empresser de mettre ce si beau site de bibliothèque dans votre liste de favoris qui en comporte déjà 250 pour pouvoir y revenir quand bon vous semble. Hein ? Quoi ? Vous ne ferez pas ça ? Vous irez plutôt interroger directement Google Books ? Ooooh, ben oui mais alors si personne ne fait d’efforts …

Allez assez de sarcasmes … mais espérons que nous décideurs administratifs et politiques sauront tirer les enseignements de ce qui n’est pas une fable pour doter les enseignements du supérieur et tout particulièrement leurs bibliothèques de politiques budgétaires seules capables de garantir une véritable exception autonomie culturelle.
La bibliothèque universelle, cette utopie que le numérique que nous
avait mis à portée de main, vient de mourir. Les politiques culturelles
publiques ont patiemment creusé sa tombe. Et ce sont les
bibliothécaires eux-mêmes, de bonne foi, qui ont signé le pacte de Faust.
A moins que les politicothécaires n’aient déjà décidé que seuls comptaient le nombre d’accès possibles et le nombre d’ouvrages accessibles, auquel cas je m’engage à leur garder des places en amphi dans le cours de bibliothéconomie que je donne aux premières années de l’IUT de La Roche sur Yon.

(Via The Chronicle. Voir aussi sur OANews)

P.S. : je viens de télécharger Les fables d’Esope. Voici un extrait de la page 2 :
"Ne pas supprimer l’attribution : Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas."
Aaaah les fables d’Esope … Il en est une dont la morale est la suivante : "Chez les hommes aussi, ceux-là sont déraisonnables qui dans
l’espérance de plus grands biens laissent échapper ceux qu’ils ont dans
la main."
Pour la retrouver, rien de plus simple. C’est celle rossignol et de l’épervier. Ou peut-être celle du policothécaire et du moteur. Allez savoir …

Update du lendemain : je découvre à l’instant cette analyse très approfondie des différences entre les contrats passés avec l’université de Californie (UC) et celle du Michigan (UM). J’en reprends ici les lignes essentielles (nota-bene : le contrat avec l’université du Michigan est antérieur à celui de Californie).

  • (Google est gagnant) : fin de la possibilité d’un contrôle qualité pour l’UC (=droit de rompre le contrat et d’arrêter la numérisation si celle-ci n’est pas jugée conforme aux attentes). Seul est maintenu l’engagement de Google à remplacer les exemplaires abimés suite à leur numérisation.
  • (L’université est gagnante) : sur la version numérique rendue à l’université figure la possibilité d’obtenir un "image coordonnée au texte" permettant par exemple de surligner un mot-clé dans le fichier image numérisé. Cela se fera à condition …
  • (Google est gagnant) que l’université tienne les cadences annoncées, c’est à dire garantir la fourniture de 3000 ouvrages par jour.
  • je vous laisse découvrir la suite 🙂

 

31 commentaires pour “Contrat californien et eugénisme documentaire

  1. Hmm, donc la bibliothèque prête les livres, Google les scanne pour rien, et rend les livres plus une version électronique que la bibliothèque peut utiliser en interne (à la place d’un prêt papier par exemple ?). Google demande à ce que la version électronique ne soit pas revendue / distribuée massivement.
    D’une part ça me parait une mesure évitant que des ouvrages non encore libres de droit ne partent dans la nature. D’autre part je n’ai pas l’impression que la bibliothèque ait cédé quelque chose de vital (elle a toujours accès aux livres), et l’accès en interne à la version électronique me semble un plus.
    Qu’est-ce qui est Faustien là dedans ?

  2. Contrat californien et eugénisme documentaire

    Google vient d’autoriser le téléchargement en pdf des ouvrages libres de droit disponibles dans Google Books. (…) La bibliothèque universelle, cette utopie que le numérique que nous avait mis à portée de main, vient de mourir. Les politiques…

  3. Bonjour Olivier,
    Un autre élément à signaler, qui a aussi son importance, est lié à Google traducteur automatique ( http://adscriptum.blogspot.com/2006/04/google-et-la-traduction-automatique.html ), puisque le système Google se base sur la linguistique de corpus (parallèles, alignés ou non), en associant des corpora monolingues à des bi-textes, etc.
    Or la numérisation des traductions des grands classiques va considérablement alimenter la base de données… C’est gigantesque ! Et ça personne n’y verra rien car ça restera enfoui dans les entrailles informatiques du monstre, sans que jamais un traducteur ne voie arriver le moindre centime, ce qui va finir par être le propres des traducteurs 🙁
    Jean-Marie

  4. Qu’est-ce qui interdisait à quelque librairie que ce soit de faire ce que Google fait aujourd’hui ?
    Qu’est-ce qui lui interdit aujourd’hui de le faire plutôt que de signer avec Google ?
    Rien.
    Alors, pourquoi les innombrables qui choisissent de ne pas signer avec Google ne font-ils rien pour leur « mission de service public » ? Qu-y-a-t-il d’irrémédiablement perdu . Voire même, le coup de pied au cul salutaire donné aux innombrables bibliothécaires brutalement sommés de refaire le point sur le rôle social n’est-il pas salutaire ? Si oui, merci Google, et quel dommage d’avoir attendu si longtemps depuis les campagnes contre le « photocopillage »…
    Le choix des moyens par lesquels les citoyens du monde peuvent accéder à leur patrimoine augmente et vous trouvez à vous en plaindre ? J’avoue ne pas comprendre.

  5. Bonjour, avant tout bravo pour votre message et votre sens de l’anticipation à faire pâlir H. G. Wells et J. Verne (votre message est daté du 3 septembre 2006!)
    Ceci dit, je ne peux qu’être, du moins partiellement, d’accord avec les commentaires postés. Malheureusement toutes nos réflexions et, j’ose dire, nos reflexes culturels pavloviens sont conditionnés par notre cadre mental idéologique. Google fait du « bizness » à sa manière? Oui. Cela est-il mauvais pour les bibliothèques, la lecture publique et la diffusion du savoir? Je n’en suis pas si sûr. (Presque) tous les chemins mènent à Rome, même de manière détournée…mais c’est quoi notre « Rome », en fait?

  6. Il est vrai que tout n’est pas perdu puiisque tout le monde va être désormais au courant.
    la solution consiste à mieux négocier avec ce diabolique Google, à passer par un autre intermédiaire ou bien à espérer que la BNE ne soit efficace.
    Mais il est clair que Google a pris de l’avance sur le futur marché du livre électronique qui ne va pas tarder à s’ouvrir…

  7. Mis à côté des atermoiements du projet BNUE, il y a de quoi s’arracher les cheveux. Je ne parle même pas de l’application de la Dadvsi qui révèle déjà quelques chausse-trappes dignes de l’Inquisition.

  8. Je dirais ceci : ET ALORS ?
    Vous lisez souvent des livres à l’écran ?
    Vous vous voyez en train d’imprimer « les misérables » puis de relier la liasse de feuilles A4 générées pour ensuite les relier afin de pouvoir les lire comme un vrai bouquin ?
    Les « vrais » livres continueront à se vendre autant voyons !
    Ca m’énerve ces corporations qui ch.. dans leur froc à chaque fois qu’on met à disposition du plus grand nombres des oeuvres dont ils s’estiment les seuls régenteurs autorisés.
    N’oubliez pas que dans « DOMAINE PUBLIC », il y a « PUBLIC » et non « CLIENTS » !

  9. D’accord avec les commentaires de Fred et Gli.
    La bibliothèque a peut être mal négocié le contrat mais en tout cas, elle ne perd rien dans l’affaire. Elle gagne à pouvoir distribuer sur demande et en interne une version électronique.
    Par ailleurs, Google, société commerciale, a droit à une rétribution sur les dépenses engagées. S’il trouve des partenaires, c’est que le projet intéresse.
    Pour le role des bibliothèques, on a compris depuis longtemps que sa mission n’est plus d’attendre que l’usager fréquente la bibliothèque mais nous devons proposer des services, et des services en ligne. Je ne vois pas de contre indication au projet Google Books ni même à l’existence de Google qui est tout de même un leader en terme d’innovation

  10. Préambule avant de répondre à vos divers commentaires.
    Premièrement : La numérisation massive des oeuvres libres de droit et leur mise à disposition est UNE BONNE CHOSE. Et ce indépendamment du fait que ce soit une société marchande ou un organisme public qui s’en charge. Notamment, s’il ne fallait citer qu’un seul exemple, pour l’appropriation qui peut en être faite dans les pays émergents ou en voie de développement et les milliards d’êtres qui les peuplent. Si on se place à cette échelle de raisonnement, je vous accorde que le fait d’avoir un filigrane Google sur la version numérique des Misérables d’Hugo est plus qu’anecdotique. Quand bien même le logo de Google se retrouverait en en-tête de toutes les pages, cela ne me gênerait pas.
    Deuxièmement : L’incurie des pouvoirs publics, leurs incessants atermoiements, leur manque de clairvoyance, le dédale politico-administratif dans lequel les différents projets de bibliothèques numériques se sont empêtrés est, de mon point de vue, avéré et désastreux. On pourra m’objecter que « la critique est aisé mais l’art est difficile » et que « Rome ne s’est pas faîte en un jour », il n’en reste pas moins que cela fait bientôt dix ans que l’on parle de numérisation. Ne pas avoir su voir la formidable richesse que constituerait un projet massif de numérisation du patrimoine littéraire et artistique libre de droit et ne pas avoir su doter les projets afférents de fonds à la hauteur de cette ambition DEMEURE UNE ABERRATION et la preuve d’une logique à courte vue.
    Quatrièmement : indépendamment de mes penchants politiques personnels, je m’efforce de me situer en dehors des stéréotypes du genre : « le libéralisme et l’économie de marché (=Google) c’est mal. La culture c’est réservé à la caste des bibliothécaires. » Admettons un instant que Google ne soit pas une société aux actifs mirobolants et à la cotation boursière titanesque mais une grande bibliothèque nationale, si cette dernière avait contracté avec d’autres un contrat dans les mêmes termes que celui passé entre Google et l’université de Californie, la teneur de mon billet n’en eût en rien été changée.
    Quatrièmement : mon rôle d’universitaire n’est pas de taper à loisir sur le plus en vue, le plus innovant et le meilleur des moteurs de recherche (si, si, vous avez bien lu), mais d’essayer de me placer à un niveau de réflexion « n+1 ». Traduction : aujourd’hui Google numérise massivement et propose de télécharger massivement, et C’EST TRES BIEN. Si, si. Mais demain ?
    Ce (long) préambule étant terminé, j’en viens à vos commentaires 🙂
    Fred> la bibliothèque a bien cédé quelque chose de vital. Ou plus exactement elle est revenue sur l’une de ses principales raisons d’être. La diffusion auprès du plus grand nombre d’ouvrages choisis, valorisés en tant que patrimoine. On est de facto dans une situation de délégation de service public qui si elle se confirme et s’étend à l’ensemble des biens culturels de la planète va s’avérer désastreuse. La « rentabilité » est un concept qui n’est en soi ni bon ni mauvais (selon le point de vue idéologique duquel on se place) mais appliquée aux biens culturels, elle est un absolu contresens. Et qu’on ne vienne pas m’expliquer que Google ne cherchera pas à « rentabiliser » un tel service. Pour citer un billet de Manue : « il faudrait encore qu’elle (la bibliothèque) ne se retrouve pas ensuite, comme c’est parfois le cas aujourd’hui avec les microfilms, obligée de payer pour disposer de ses propres collections. »
    Jean-marie> Oui les traducteurs ont du souci à se faire. Ainsi que les bibliothécaires, les éditeurs, les libraires, et bien d’autres encore …
    Gil> la réponse à vos pourquoi tient en un mot : « l’argent ». La numérisation à cette échelle et à cette vitesse est un budget énorme. Et je ne me plains pas que de plus en plus de gens puissent accéder à ces ouvrages (cf le préambiule de ce commentaire) mais je pose la question des conditions dans lesquelles, demain, ces accès se feront. Rien de plus.
    Benide> Merci pour la date. C’est corrigé (une mauvaise saisie dans mon interface).
    Olivier> la question des intermédiaires est effectivement un bon angle. Mais je n’en voie guère aujourd’hui en mesure de poser quelque condition que ce soit. A moins que les bibliothèques et les politiques n’ouvrent en même temps leurs yeux.
    Anne Hecdotte> votre intervention me confirme dans l’idée de supprimer tous les commentaires anonymes dont on ne peut pas dire qu’ils apportent grand chose au débat ni qu’ils témoignent d’un grand courage. Deux précisions cependant : je ne suis pas une corporation mais un individu et ne parle qu’en mon nom et certainement pas au nom de quelque corporation ou institution que ce soit. Quant à mon fond de culotte se porte admirablement. Et si Google n’avait que du public et non des clients, nous ne serions pas en train d’argumenter par blog interposé. Pour le reste, 2 tranxènes et vous vous sentirez mieux. Une dernière chose encore sur la lecture sur support numérique : on en reparle dans 3 ans. Vous verrez que les misérables sont tout à fait lisibles sur écran.
    DLH> le problème vient précisément des services en ligne qui pourront être proposés … vu les termes du contrat, la marge de manoeuvre des bibliothèques en est réduite à peau de chagrin …

  11. S’il fallait résumer toute l’affaire en une formule, disons qu’auparavant, ces ouvrages appartenaient à tout le monde car ils n’étaient plus à personne. Maintenant, ils appartiennent à tout le monde et aussi un peu à Google avant peut-être d’appartenir d’abord à Google et aussi un peu à tout le monde. Et cette appartenance risque fort de tout changer.

  12. Salut Jean-Michel,
    l' »indigné » du « brûlot » avait noté ton billet 😉
    Sur le fond j’aimerais bien avoir ton avis sur les croisements – polémiques et féconds – entre redocumentarisation et versioning selon Google … Sinon j’espère qu’on trouvera 5 minutes pour en recauser à Fribourg durant mon passage éclair (le 20 et le 21) …
    Amitiés

  13. Et la fonction ‘Google Book Search’ dans tout ça, ça marche ou ça ne marche pas ?
    Google finance son projet de numérisation par les sommes colossales qu’il a su trouver sur les marchés financiers. Le jour où la BNE en aura trouvé le dizième auprès de la Commission européenne, tout le monde s’en réjouira je pense et moi le premier. A ce sujet, d’accord avec vous Olivier pour ouvrir sur le Web un monumental Mur des lamentations pour toutes les occasions manquées et les erreurs pharaoniques de programmation des équipements publics :o)
    Mais si Google a quelque espoir d’obtenir un jour un retour sur investissement (ce qui reste encore à prouver concernant ledit projet), c’est en fournissant aux usagers internautes un service utile et performant, non ?
    Les algorithmes de fouille plein texte et ceux du Pagerank sont-ils aussi efficaces sur un corpus imprimé que sur des textes en réseau ? J’ai encore des doutes très sérieux là-dessus…
    Car je n’imagine pas une seconde que le projet de Google soit de fournir une énième version en ligne des Fables d’Esope ou de faire vendre des madeleines quand on tape ‘Proust’… La mémoire de l’imprimé et l’actualité brûlante des textes en réseau sont deux choses très différentes et je doute que des revenus publicitaires ou d’audience puissent en être tirés de la même façon, de l’un et de l’autre. Wait & see.
    A part ça, je pense que la polémique anti-Google est un peu vaine. Les bibliothèques partenaires ont la maitrise des choix de numérisation et il aurait sans doute été plus efficace d’envoyer quelques poissons pilotes négocier malicieusement avec Google que de lui claquer la porte au nez. Mais peut-être est-il encore temps ? Ca ne coûte rien ou presque, ça rapporte 600 livres numérisés par jour et c’est juste pour voir…

  14. Les faits actuels me paraissent plutôt une bonne nouvelle, quant au futur, je pense que nous saurons assez vite ce que compte en faire Google. J’aimerais également savoir ce que compte faire l’université qui a collaboré avec Google. Je pense qu’elle a également un rôle à jouer, et que celui-ci est loin d’être négligeable.
    En ce qui concerne l’usage alternatif de ce corpus (par exemple pour la traduction), je me pose la question de sa mise en place. Ayant déjà travaillé dans le domaine, il existe déjà pas mal de corpus, et le travail nécessaire pour aligner des corpus est non négligeable. De plus, si on compare ce nouveau corpus à ceux déjà disponible dans les bases de données de Google, on peut se demander quel est le bénéfice.

  15. Je ne vois pas où est le problème (si ce n’est que Google cherche à accaparer le trafic – devenir un « réflexe » pour l’accès à une oeuvre numérisée du domaine public, mais çà, c’est du business).
    La bibliothèque ne peut pas diffuser l’oeuvre numérisée par Google, soit.
    Mais elle peut la numériser elle-même et la diffuser.
    Google ne réserve ses droits de diffusion que sur le travail qu’il a fourni (la numérisation).
    C’est une démarche commerciale, évidemment : si ce qu’on reproche à Google, c’est de faire du commerce, alors là, le reproche est justifié !
    La démarche a quand même un avantage : pour le grand public, le nombre d’oeuvres numérisées et accessibles va augmenter.
    Quand bien même ces oeuvres auraient été choisies par Google au détriment d’autres oeuvres, plus il y en a d’accessibles et mieux c’est…

  16. Vous êtes sûr que la bibliothèque de l’université de Californie ne pourra pas diffuser sa copie en ligne ?
    Si j’ai bien lu, Google interdit toute exploitation commerciale et demande à la bibliothèque d’empêcher le pillage massif et systématique en ligne.
    Pour les oeuvres du domaine public, je ne vois rien qui empêche les bibliothèques d’utiliser leur copie pour diffuser en ligne à la demande…
    Ou bien me trompe je ?

  17. A propos du contrat Université de Californie – Google

    Difficile de passer à côté : le contrat qui va lier l’Université de Californie et Google (en vue de la numérisation de millions d’ouvrages) est source d’un bon nombre de posts actuellement dans la blogosphère « scinfo ».
    Par exemple, sur affordance.in…

  18. Il se trouvera toujours des fonctionnaires pour se plaindre d’une trop grande diffusion d’Homère ou de Platon.
    Plaire aux bibliothécaires est-il désormais nécessaire pour diffuser des reproductions du patrimoine de l’humanité ? les bibliothèques sont-elles les propriétaires et ayant-droit des diverses éditions qu’elles colectionnent ?
    Revenez un peu sur terre : quand s’est lancé, dès 1996, le projet Perseus (qui visait à mettre en ligne l’intégralité du corpus connu de textes authentiques de grac ancien) personne n’y trouva rien à redire. Expliquez-moi donc ce qui justifie aujourd’hui quelque réflexion que ce soit autour d’une diffusion plus étendue du savoir ?
    Je le dis comme je le pense : vos arrière-pensées corporatistes me semblent absolument écoeurantes. Bonne nuit.

  19. Mais je rêve> Plaire aux bibliothécaires n’est absolument et heureusement pas nécessaire pour diffuser des reproductions du patrimoine de l’humanité. (nota-bene : je ne suis pas bibliothécaire mais enseignant chercheur). En revanche il sera peut-être un jour nécessaire de plaire à Google pour y avoir accès. C’est sur cet aspect là que porte le fond de mon billet que vous n’avez visiblement pas pris le temps de lire, tout au plus de survoler. Il est vrai qu’il est un peu long.
    Signé : « Mais je je sais même pas pourquoi je prend le temps de vous répondre. » Bonne nuit également et au plaisir de débattre sereinement quand vous aurez eu le somme toute très relatif courage de lever votre anonymat.

  20. Bonjour
    Je suis professeur de français en Angleterre et j’ai trouvé votre article en consultant sur Internet le Journal de Ma ville car je suis de La Roche sur Yon, avant de me reconvertir dans l’enseignement, j’étais bibliothécaire, et je trouve vos articles très intéressants. Merci pour ce travail que vous faites sur le blog, j’y reviendrai souvent pour avoir des nouvelles de la Vendée et des nouvelles technologies.
    Vous êtes les bienvenus sur mon website sité ci-dessus, bien cordialement
    Marie

  21. ReBonjour Olivier,
    Peut-être as tu vu cette annonce :
    http://chronicle.com/free/2006/08/2006083101t.htm
    (repérée par le blog de P Suber).
    En résumé la bib de l’univ du Michigan met en ligne pour les utilisateurs qui se connectent à partir du Campus les copies des livres du domaine public scannées par Google, avec un accès à partir du catalogue et autorise le copier/coller, ce que ne permet pas Google.
    Sans doute, l’accès n’est pas ouvert sur l’ensemble du Web, mais pour le local le plus est appréciable, ce qui est cohérent avec l’économie de la bibliothèque. Ma comparaison avec l’économie de la télé se confirme.
    Il faut rester prudent dans l’analyse et ne pas condamner trop rapidement.

  22. Au sujet de :
    http://chronicle.com/free/2006/08/2006083101t.htm
    Si j’ai bien saisi, la bibliothèque du Michigan ne propose plus l’accès direct aux copies numériques (pour les livres sous copyright) mais un simple repérage des mots clés du genre :  » 3 occurrences de ce mot à la page 115… « . La cause semble en être les limites du fair-use et non pas une restriction de la part de Google.
    Ce qui devient un peu curieux, c’est que l’usager de la bibliothèque, installé dans les murs de la bibliothèque, retrouve ni plus ni moins le service que Google lui offre directement depuis l’extérieur du campus !
    Autrement dit, l’appartenance au campus ou à la bibliothèque s’efface et c’est Google qui offre aux lecteurs un service de fouille plein texte sur les livres de la bibliothèque, un service de ‘lecture augmentée’ en quelque sorte.
    Ce service me semble bien correspondre aux missions d’une bibliothèque et donc, il ne me semble pas ahurrissant qu’elle ait permis la mise en place d’un tel service en passant cet accord avec Google.
    La prochaine étape me semble être clairement l’intégration du filtre par mot clé directement sur l’OPAC de la bibliothèque et vraissemblablement une amélioration du service offert : repérer et dénombrer les occurrence de mots par chapitre plutôt que par page, par ex.

  23. Quelle furie anti-Google !
    Après avoir lu votre long billet, on se demande quel est le reproche véritable que vous faites à Google ?
    Vous lui reprochez d’autoriser le téléchargement des oeuvres du domaine public ?
    Pensez-vous que seules les bibliothèques et les institutions auraient une sorte de ‘monopole’ sur les oeuvres du domaine public ?
    Vous lui reprochez de vouloir rentrer dans ses frais en tirant profit du service de numérisation qu’il a offert gratuitement aux biobliothèques, alors même qu’il s’est engagé à ne jamais faire opayer l’utilisateur final ?
    « Faut bien vivre » comme vous dites… Google ne vit pas de fonds publics comme vous ou les bibliothèques. En tout cas, on pourrait attendre d’un universitaire comme vous une analyse critique un peu moins partiale et mieux construite !

  24. Bonjour,
    Google voit ce qu’il a à y gagner, je ne vois pas ce que je peux y perdre.
    Il n’y a pas de clause indiquant qu’il faudra détruire les ouvrages après numérisation par Google ni que cette opération ne sera pas reproductible avec quelque autre acteur demain ?
    Le livre numérique devait tuer le livre papier. Je ne pense pas que la population internaute (vieillissante dans nos sociétés) lira plus de 20 pages à l’écran ni ne lira les Classiques sur une ramette de papier gondolé imprimée sur l’imprimante du salon ou du boulot.
    Je ne parle volontairement pas de bibliothèques universitaires, dont une grande partie est traditionnellement fermée à la majorité du public, un bien pour un mal, bref.
    Les bibliothèques (municipales) reçoivent un public de jeunes, d’étudiants, de retraités et de chômeurs (je l’ai été). Cet accès à distance hors des 20 heures d’ouverture de ma bibliothèque municipale me proposant un fond vieillissant de livres collants est un apport. Et je continuerai à acheter des livres dans les librairies ou en ligne.
    Bref je ne vois pas où il peut y avoir eugénisme dans un projet qui ne propose pas de supprimer des laissés pour compte mais d’ouvrir à tous. Internet est tout le contraire de l’eugénisme humain ou documentaire tant on y trouve de tout (!)
    A moins de céder à la facilité de Google Books, la même élite qui aujourd’hui à accès à certains documents y aura toujours accès (physiquement) ou au travers de la version numérisée de l’établissement.
    Cette suspicion n’est-elle pas un peu universitaire finalement ? 😉
    Cordialement,
    D.VDA

  25. Qui a peur de Google Print ?

    Dans son article, Contrat californien et eugénisme documentaire, Olivier Ertzscheid (Affordance.info) émet ses craintes face au projets de numérisation de Google en renvoyant dos à dos la notion de mise à disposition et surtout de ra…

  26. A propos des contrats Google Books (bibliothécaires et négociation)

    Olivier Ertzscheid a publié mercredi sur Affordance, en réaction à lannonce de la mise à disposition de pdf sur Google Books, un long et énergique billet analysant les contrats liant Google à deux universités partenaires. Le billet a déc…

  27. Il y a quelque chose qui ne me paraît pas suffissamment documenté dans votre billet, c’est la phrase « Elle ne doit naturellement pas être indexable par les autres moteurs. ». C’est la seule phrase où vous ne vous appuyez pas sur le contrat Google en le citant. Comment se traduit concrètement cette interdiction ? Un moteur comme MSN ne peut-il spontanément « moissonner » le texte mis en ligne par la bibliothèque ? Pouvez-vous nous en dire plus?

  28. AlexM> VOus avez répondu vous-même 🙂 La copie numérique de l’oeuvre demeure effectivement inaccessible à tout autre moteur. Et cela vaut pour la copie remise à la bibliothèque, et naturellement aussi pour celle diffusée par Google.

  29. Olivier, deux commentaires :
    1) sur ma précédente question ci-dessus, je cherche un complément de réponse, sur les procédés notamment. Comment concrètement peut-on empêcher MSN de crawler les pages de livres numérisés par Google et figurant sur le site UofM ou BMLyon ? Le site américain auquel vous renvoyez mentionne l’utilisation de robots.text, tout en indiquant que c’est une mesure technique légère et non fiable. J’ai entendu le dir. de la BM de Lyon évoquer dans un colloque l’instruction informatique « noindex ». Parle-t-on de la même chose ? Vous qui enseignez les sciences de l’information avez-vous une idée sur la faisabilité et la validité technique de telles mesures ?
    2) tout à fait d’accord avec votre paragraphe 2 ci-dessus en réponse aux commentaires, sur la lenteur des pouvoirs publics à mettre en place qqch de valable. J’en sais quelque chose. Mais quand vous indiquez à un lecteur « je vois le coup d’après côté Google », n’y-a-t-il pas aussi nécessité de voir le coup d’après du côté des bibliothèques ? Il me semble qu’il y a une réelle difficulté à imaginer une bibliothèque virtuelle sur Internet du côté des bibliothécaires. Ils sont réactifs et non « proactifs » comme on dit maintenant. Sauf la BnF qui avait fin 2004 une réelle avance avec Gallica (quels que soient ses défauts!) et qui l’a perdue.

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