D’abord il y le savoir. La connaissance. Livresque. Immense et universelle. A portée de clic. Et ce qu’en fît Google.
Ensuite il y a la planète. Immense. A portée de clic. Et ce qu’en fît Google.
Enfin il y a la démocratie. Et l’ombre qui plane sur elle de ces machines électroniques à voter.
Google contrôle déjà l’accès à l’information, et il est en passe de contrôler celui de l’accès au savoir. Il est donc logique qu’il s’intéresse au contrôle de la démocratie. Aujourd’hui sur le blog officiel de Google, un billet intitulé : "Le guide du vote sur Google Earth". Il est signé par Hans Riemer, "directeur politique" d’une organisation baptisée "Rock the Vote", organisation dont le slogan est "Political power for young people" (pour plus d’informations sur cette association, voir cet article de l’Humanité). Nous y reviendrons, mais notons déjà que ces deux là partagent la même cible marketing : les jeunes.
A l’origine du billet en question, il y a une nouvelle fonctionnalité de Google Earth qui permet en cliquant sur les étoiles du drapeau américain, de vous inscrire sur les listes électorales du district concerné. Le même clic vous permet également d’afficher des liens (organiques ou sponsorisés ?) vers les onglets "news, image et web" du moteur de recherche concernant les différents candidats. Et le billet de préciser : "But an educated vote does require some Google searching, especially when candidates try so hard to blur the differences." (= un vote bien informé nécessite une recherche sur Google, particulièrement quand la frontière entre les discours des candidats tend à s’effacer (sic …)). Le billet se conclut alors en ces termes : "J’attends avec impatience le jour où les outils de participation électorale ("voter participation tools") seront partout et en ligne."
Que penser de ce billet ? Il n’est pas rare que Google invite des gens extérieurs à publier un billet sur son blog. Mais cette démarche n’est jamais neutre …
Il est déjà suffisamment inquiétant, pour ne pas dire alarmant, que Google se pose en guichet d’accès unique (ou presque) à l’information et bientôt à la connaissance. Il est tout aussi alarmant de constater que les puissances politiques publiques gardent là-dessus un silence déjà coupable, qui finira par devenir complice.
Considérant d’une part la masse d’information relevant de la sphère de l’intime que le moteur collecte et conserve dans une planétaire base de donnée des intentions, et considérant d’autre part sa récente entrée dans une certaine forme de démocratie par le biais d’une institutionnalisation du lobbying politique, il serait alarmant que Google puisse ne serait-ce qu’envisager de prendre le contrôle d’une centralisation du vote, par la biais des machines électroniques à voter. Ce scénario n’a aujourd’hui rien plus rien de fantaisiste. Google dispose des financements, des appuis politiques et de l’architecture informatique qui lui permettraient d’organiser le vote planétaire à l’échelle de chaque pays le désirant. Ce ne serait là ni le premier ni le plus fou de ces rêves de démesure. Nos sociétés occidentales n’hésitent par ailleurs plus – et ce depuis déjà assez longtemps – à confier à des sociétés privées la gestion d’intérêts et d’énergies fondamentales, qui sont le bien commun des 6 milliards d’êtres qui peuplent la planète. Hésiteront-elles longtemps avant de lui confier la démocratie ? La somme considérable des liquidités de la firme de Mountain View, son ancrage et sa stratégie de lobbying politique, la poudre au yeux educativo-philantropique dont il a l’habileté de se parer sont autant d’arguments qui doivent nous amener de toute urgence à redéfinir le cadre d’exercice de ces multinationales, et la marge de manoeuvre que nous souhaitons leur laisser. La connaissance, la planète et la démocratie sont à portée de clic. Le cauchemar Orwellien librement consenti, l’est également.
Et pourtant, aussi dangereux que cela puisse paraître, il n’en reste pas moins que le temps internet peut aussi jouer dans l’autre sens. La vitesse avec laquelle Google s’est propulsé vers le sommet n’est peut-être aussi que l’anticipation de la vitesse de sa propre chute. Il suffit qu’un discours anti-google se mette en place aussi agressif et violent que celui qui jadis fit vaciller Micosoft, pour que les utilisateurs se détournent de ce site et le remplace par d’autres. Je crois, je suis même persuadé que malgré leur réussite, les « faiseurs » de Google en sont conscients et font tout pour retarder ce moment. Aucun géant n’est immortel…
Si ça peut te rassurer : http://www.michelleblanc.com/2006/10/24/diebold-se-fait-voler-code-source-votation/
J-M 🙂
C’est en effet très préoccupant. Non seulement Google – avec Google Books – permet d’accéder à des informations écrites dans des livres ( et on sait l’effet délétère de ces nouvelles technologies : myopie, taches d’encre sur les doigts, etc. ), mais voilà que maintenant il risque de permettre à des gens de s’inscrire sur des listes électorales ! Là, je dis halte !
J’ai pas tout compris à ce monstrueux et machiavélique projet « Google Books »… Mais pour que la BnF commence à cette occasion à se poser des questions sur la numérisation et la mise en ligne de son fonds, il faut surement que ce soit une menace grave et imminente !
Et Google Earth, parlons-en de Google Earth… Gravissime, Google Earth ! Tellement grave que ça a donné à l’IGN l’idée de mettre ses cartes en ligne au lieu de les vendre sur CD-ROM à 29€ pièce !
Mais bien entendu, le pire est encore à venir :
http://dvanw.blogspot.com/2005/09/065-google-purge.html
Bref, je dois vieillir, mais j’ai de plus en plus de mal à me sentir en phase avec la Googlephobia ambiante…
Dvanw> La question n’est pas celle de la Googlephobie ou de la Googlemanie. La question est celle du monopole. La mise à disposition de livres via Google Books est, dans l’absolu, une bonne chose (même si la BnF avait en la matière plutôt de l’avance que du retard sur le sujet, la seule différence – de taille – étant celle des moyens financiers à disposition). Mais la situation quasi monopolistique de Google présente un risque si le seul modèle de classement retenu est celui du nombre d’accès. Il faut être réaliste : de plus en plus de gens fréquentent et fréquenteront Google, ce qui n’est pas le cas pour les bibliothèques. Pour tous ces gens, toute la valeur ajoutée, toute l’essence du métier des bibliothèques concernant la sélection, la diversité des points de vue, l’acquisition et la conservation des livres, toutes ces questions sont purement zappées. Idem pour Google Earth qui permet aux gens de s’inscrire surl es listes électorales. OK c’est très bien. Mais qu’un service d’une société privée puisse envisager d’être en situation de monopole sur ce créneau me paraît effectivement alarmant. Le billet de Google que je signale est ce que l’on appelle un « signal faible », c’est à dire une information qui par elle-même n’a pas grande importance, mais qui, corrélée avec d’autres (ce que je m’efforce de rappeler dans le billet) doit nous amener, non pas à jeter le bébé avec l’eau du bain, mais à s’interroger sur les objectifs réels de ce genre d’opération avant d’être tous et toutes mis devant le fait accompli.
Je pense comme toi que la question problématique est celle du monopole. Microsoft -par exemple- se conduit très mal sur ce terrain, avec la fameuse doctrine du « Embrace, extend and extinguish ». C’est à dire : je me glisse dans les standards existants, je les manipule à ma sauce et, dès que je peux , je les transforme en technologie propriétaire. Ils font ça très bien, et ils sont en procès avec la planète entière pour ça.
Mais ou est la conduite monopolistique chez Google ? Qu’est-ce qui empêche les autres de construire d’autres index, de meilleurs catalogues ? Je rappelle quand même que quasiment tous les outils Google sont ouverts au travers d’APIs Open Source… Ce qui est tout de même une attitude un poil différente de celle d’un Microsoft, non ?
Si tu veux programmer toi-même ta propre interface d’inscription sur les listes électorales, tu peux le faire en te servant des outils mis à ta disposition par Google.
Alors bon bien sur, tout ça est un plan machiavélique pour dominer le monde, bien sûr, mais en dehors de ça, qu’est-ce qu’on peut leur reprocher concrètement ? D’être gros ? D’avoir du succès ? De ne pas être un organisme public ?
J’ai le plus grand respect pour le catalogue Opale, et pour le travail des bibliothécaires, mais je ne vois pas vraiment en quoi l’existence d’un outil supplémentaire leur fait du tort ? On est tous pour la diversité non ?
Dvanw> OK. On doit être d’accord sur le fond. Disons alors simplement que le devoir de vigilance et le droit de regard que les citoyens et les chercheurs doivent exercer vis à vis de ces mastodontes doit être directement proportionnel à leur taille. Précisément pour mieux préserver la diversité et éviter qu’elle ne s’estompe.
(Pour ce qui concerne la programmation des API, je serai plus réservé, les citoyens lambda n’ayant ni les moyens ni le temps de regarder ce genre de trucs … l’état ou les administrations pourraient bien entendu prendre le relai sur ce genre d’initiatives, mais ils/elles préfèrent en général développer leurs propres usines à gaz – sauf exception notable, dont le géoportail)
En cherchant la petite bête – sans chercher à démontrer une paranoïaque théorie du complot -, doit-on voir un lien entre ce billet et les récentes déclarations de George W. Bush, confessant utiliser Google Earth sur CNBC ?
(voir le blog du Wall Street Journal : http://blogs.wsj.com/washwire/2006/10/23/googler-in-chief/)
La situation de monopole actuelle de google est celle que ses utilisateurs lui donnent. Un outil Google est dangereux? On a « qu’à » en développer un autre, mieux et plus « safe ».
En fait, un réel danger pour la démocratie n’existe que si aucun concurrent n’arrive à fournir une solution comparable d’inscription au vote ou si aucune autre solution d’inscription en ligne n’existe.
Le fait de laisser à une entreprise privée le soin de développer une solution technique pour le vote électronique m’inspire la métaphore suivante: Depuis l’apparition de la voiture, l’état a laissé à un constructeur privé le soin de construire le véhicule de ses chefs d’état successifs. Cependant, toutes les mesures de contrôles de ces véhicules ont été mises en place et suivies régulièrement dans le but de garantir que le véhicule en question ne comportait pas un risque pour la vie de son utilisateur.
Laisser à un constructeur privé la capacité de développer une solution de vote électronique pour l’état est normal. Ce à condition de disposer d’un cahier des charges précis et de mettre en oeuvre des procédures de vérification du produit fournis (et, bien entendu, de disposer de la capacité de les mettre en oeuvre).
Donc, que l’état demande à Google de développer un système de vote électronique, pourquoi pas, à condition qu’il soit sur de savoir vérifier que son cahier des charges est suivit (et que dans le cahier des charges on retrouve des points liés à la protection de la vie préviée, off course).
Ceci dit, la vraie question concernant le respect de la démocratie se pose dans la hiérarchisation des résultats de recherches dans google concernant les partis (et la transparence des processus de hiérarchisation. Histoire d’être bien sur que google ne mette pas systématiquement son chouchou dans le top 10 des résultats (et inversément, sa bête noire au rang 2800).
Politburo motorisé : Goobama ou MicroCain ?
Dans la série le politique et son reflet motorisé, et dans une quête éperdue de notoriété mise à mal, je vais donc sacrifier à la tradition médiatique. Teasing A la fin du billet que vous êtes en train de lire,