La bibliothèque et la tortue.

Cet article d’Infotoday est tout simplement incontournable pour qui prétend comprendre et analyser le volet "bibliothèques" du projet de numérisation de Google.
Il rappelle utilement :

  • que le choix des actuelles bibliothèques contractantes n’est pas innocent, et que, Université du Michigan en tête, toutes les signataires sont non seulement à la tête de collections incontournables (qualitativement et quantitativement) mais également qu’elles furent pionnières en matière de numérisation (et ce dès le début des années 80, un peu comme le fût notre Gallica national, qui s’il n’a pas signé, a très probablement été approché par les VRP de Mountain View). L’article revient à cette occasion sur les différents autres projets de numérisation des contractantes.
  • qu’une nouvelle et essentielle question se pose, du fait de l’énormité de l’échelle de numérisation initiée par Google : celle des infrastructures de préservation (ce qui, malgré des partenariats en cours, notamment avec Sun, risque d’ouvrir une nouvelle porte à Google pour revenir avec une autre offre vers les bibliothèques : "Bon ben maintenant qu’on vous a tout numérisé gratos vos 2 millions d’ouvrages et que vous n’avez pas de place pour stocker vos copies  (sourire carnassier) … et ben on va vous en vendre ou vous en louer un peu … d’espace" … et là, paf, ce qui était une garantie – chaque bibliothèque reste dépositaire et propriétaire d’un exemplaire numérisé – risque de faire tomber le masque d’un marché de dupe, Google raflant habilement la mise, car détenant ainsi sa copie, et l’espace de stockage de la copie propre des bibliothèques, va falloir être un solide rhétoricien pour m’expliquer comme lesdites bibliothèques de sont pas, in fine, perdantes sur toute la ligne … A moins, à moins bien sûr, que les pouvoirs publics après avoir pathétiquement loupé l’enjeu politique des moyens de la numérisation, prennent soudain conscience de cet autre enjeu qu’est l’utilité publique d’un stockage numérique "d’état" … mais je suis peu enclin à y croire …)
  • qu’outre-atalantique, les bibliothèques (et particulièrement les contractantes) ont l’habitude de travailler avec des partenaires privés, et que certaines d’entre elles multiplient d’ailleurs lesdits partenariats, travaillant aussi bien avec Google qu’avec le projet concurrent de l’OCA. Quant à celles (comme Harvard) qui ne travaillent pour l’instant qu’avec Google, elles mentionnent que le contrat qui les lie ne dispose d’aucune clause d’exclusivité.

L’article revient également en détail sur la question centrale de la numérisation d’ouvrages soumis au copyright avec l’état des lieux suivant :

  • "Libraries sticking with public domain (at least for now):
    • University Complutense of Madrid
    • Harvard University
    • The New York Public Library
    • Oxford University
    • Princeton University
    • University of Wisconsin-Madison
    • National Library of Catalonia and affiliates
  • Libraries open to scanning materials regardless of copyright status (at least until the courts decide):
    • University of California
    • University of Michigan
    • Stanford University
    • University of Texas
    • University of Virginia"

L’article se conclut par l’annonce d’un scoop qui fait écho à l’interrogation suivante : "Quand l’OCLC (=Worldcat) se décidera-t-il à suppléer l’absence d’un catalogue-maître pointant vers l’ensemble des ouvrages numérisés dans le cadre du projet bibliothèque de Google ?" Et bien c’est apparemment en train d’être fait, et une maquette du projet pilote devrait être visible en Juin 2007. Et ça, c’est VRAIMENT une bonne nouvelle (qui risque d’enterrer un peu plus encore les éternels atermoiements et autres faux-départs de Dame Europeana). Des atermoiements qui, comme le rappelle la coda de l’article, sont, tous pays confondus, la principale motivation des signatures avec Google, se basant sur des chiffres édifiants : ainsi et malgré un partenariat avec un partenaire privé (GlaxoSmithKline), l’université de Complutense "a numérisé un peu moins de 3000 ouvrages en 12 ans. Avec Google elle espère atteindre un volume qui sans lui, aurait pris 100 ans." La bibliothèque et la tortue.

(Via SearchEngineLand)

4 commentaires pour “La bibliothèque et la tortue.

  1. J’ai lu l’article en question, et je ne comprends pas votre 2d paragraphe sur les infrastructures de préservation.
    Vous dites: « cet article d’infotoday […] rappelle […] qu’une nouvelle et essentielle question se pose, du fait de l’énormité de l’échelle de numérisation initiée par Google : celle des infrastructures de préservation ».
    Et en vérité, même si ce n’est pas évident à vous lire, c’est tout ce que dit l’article d’Infotoday à ce sujet.
    Tout le reste du paragraphe est de vous… et tout à fait discutable.
    * Le « risque d’ouvrir une nouvelle porte à Google pour revenir avec une autre offre vers les bibliothèques ». Il est possible en effet que Google fasse une offre dans ce sens. Vous choisissez par principe (càd avant de voir l’offre) de considérer que c’est un « risque ». Mais ce 2d dossier n’a pas grand chose à voir avec le 1er (numérisation) et les bibliothèques, j’espère, chercheront à négocier, avec un partenaire ou un autre, ce qu’elles considéreront pour elles-mêmes comme la meilleure solution. Google, Sun, Microsoft… mais à mon avis pas l’Etat (vu la liste des bibliothèques concernées, je doute beaucoup qu’elles se tournent vers l’Etat).
    * « comment lesdites bibliothèques de sont pas, in fine, perdantes sur toute la ligne »? Dale Flecker, dans l’article, le dit lui-même: on n’aurait jamais pu le faire avec nos propres moyens, il n’avait aucune autre offre crédible à l’époque; avant nos fonds ne sont pas numérisés; après ils sont numérisés. Il faudra être solide rhétoricien pour m’expliquer en quoi des fonds non numérisés seraient mieux que des fonds numérisés par Google.
    * « A moins, à moins bien sûr, que les pouvoirs publics […] prennent soudain conscience de cet autre enjeu qu’est l’utilité publique d’un stockage numérique d’état ». Pffff… Vous n’y croyez pas vous-même. Et c’est une formulation du problème tellement française que s’en est désespérant: utilité publique = Etat. Cette solution ne sera à mon avis même pas envisagée par les bibliothèques concernées… dont je vous rappelle d’ailleurs qu’elles sont privées et que leurs collections sont privées. Il est bon de rappeller par exemple que la New York Public Library, malgré son nom, est une entité privée.

  2. Nicolas>Oui « c’est tout ce que dit InfoToday », oui « tout le reste est de moi » et oui « c’est parfaitement discutable » 🙂 Oui encore le stockage n’a rien à voir avec la numérisation (quoique), stocker n’est pas archiver et tout le toutim. Oui il vaut « encore mieux des fonds numérisés que pas de fonds numérisés du tout ». MAIS … au vu de la manière dont se sont noués les contrats avec Google, et s’appuyant sur cette expérience, est-ce une raison pour ne pas pointer les dangers éventuels que pourraient présenter une numérisation et un stockage « maître » sur l’ensemble (ou en tout cas une partie plus que significative) du patrimoine culturel de l’humanité ? Oui je croie que l’eugénisme documentaire (cf un vieux billet éponyme là dessus, la flemme de chercher) auquel se livre Google est dangereux et doit être dénoncé. Si j’ai peut-être un peu parfois le recours facile à un étatisme béat, je crois qu’il faut également faire attention à la béatitude inverse dans laquelle on oublie que Google c’est d’abord des actionnaires et un modèle économique basé entièrement sur la publicité et la « monétisation » de TOUS les services (y compris ceux qui ne le sont pas aujourd’hui … suivez mon regard …). Je continue de clamer que la bévue étatique d’Europeana, pardon, Galliflan, est doublement pathétique. Et je continue d’espérer que les pouvoirs publics mettront à disposition de TOUS (acteurs publics et marchés privés) des politiques ambitieuses de stockage, de préservation et de numérisation. Et je crois que je peux encore attendre :-((

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