Vous aimez le Patriot Act ? Alors vous aimerez le Numéric Act à la française. La presse papier et en ligne s’agite depuis quelques jours – à raison – autour d’un projet de décret (.pdf) dans le cadre de la déjà très controversée LCEN (Loi pour la confiance dans l’économie numérique). Il s’agit de transformer éditeurs de sites en ligne, FAI (fournisseurs d’accès Internet) et opérateurs de téléphonie en auxiliaires de police, en les obligeant à livrer aux ministères de l’intérieur et de la défense toutes nos données de connexion internet ou téléphonique, mots de passe compris, lesquelles informations pourront alors être conservées par ces ministères pendant … 3 ans … A l’heure où les poids lourds de l’internet font en ce domaine spectaculairement machine arrière, la situation serait surréaliste si elle n’était hélas pas hyperréaliste. Naturellement, nul besoin pour la captation et le stockage desdites données, de l’intervention préalable d’un juge. "Pourquoi ? Je vais vous le dire …" : au cas où cela retarderait la procédure. De toute façon c’est bien connu, les juges ne sont qu’un ramassis de droitsdel’hommistes gauchistes niant la toute puissance du gène de la délinquance innée.
Il faut d’urgence lire et faire lire la tribune de Philippe Jannet dans le Monde, "L’état veut-il tuer l’Internet en France ?" pour comprendre à quel point ce décret, s’il était adopté, aurait comme première conséquence une "confusion entre le renseignement d’Etat et la justice, qui relègue la séparation des pouvoirs au rang de fiction juridique".
Les plus pressés ou ceux qui n’auront pas le temps de consulter l’article pendant les 8 jours où il est en accès libre, pourront toujours se reporter à celui de l’Atelier qui rend compte de l’essentiel des faits ou encore à l’e-x-c-e-l-l-e-n-t article de l’e-x-c-e-l-l-e-n-t site Ecrans.
Cette politique d’encadrement et de contrôle sécuritaire sous couvert de menaces terroristes (il y a deux ans que je n’ai plus la télé, mais je l’ai remise en marche ce dimanche, le temps d’une soirée électorale de premier tour : ceux qui ont vu la tête, l’attitude et le discours de Christian Estrosi – notre très potentiel futur ministre de l’intérieur – nous expliquer comment le terrorisme était partout, en ont encore des sueurs froides … ), cette politique d’encadrement et de contrôle sécuritaire sous couvert de menaces terroristes, disais-je, n’est pas seulement une aberration du point de vue économique – même si l’on comprend mieux du coup, pourquoi le même Christian Estrosi agissant sur ordre de son ministre candidat, s’était engagé dès 2005 à ce que 100% des communes françaises aient accès au haut débit et
à la téléphonie mobile – elle témoigne d’une méconnaissance majeure des enjeux du Net, de ses mécanismes de régulation et des spécificités de l’écosystème qu’il représente.
Le passage dudit décret est pour l’instant suspendu au résultat du second tour de la présidentielle. Si Nicolas Sarkozy est élu, il n’aura en la matière que 2 issues : le passage en force ou le passage en douce (pendant l’été par exemple). Une seule chose est rassurante en la matière : les techniques de contournement et les outils permettant de déjouer l’essentiel des mesures de traçabilité concernées existent déjà 🙂
En attendant, et en écho à cette supposée loi de confiance en l’économie numérique, souvenons nous qu’à chaque fois que le mot confiance apparaît à la commissure de certaines lèvres, … le mot trahir n’est jamais loin …
Update du lendemain : sur le même sujet, voir aussi "Nous sommes tous des FAI". (via KotKot)
Très bien, mais alors qui va lancer une PETITION en ligne CONTRE cette loi…
Je ne vois pas d’autre moyen pour lutter contre ce type d’encadrement pour « notre bien »… Avec en contre-point l’ajout d’un recours devant la CNIL et la commission européenne…
attention pas trop d’affolement et évitons tout excès en cette période d' »excitation ». Le projet de décret ne semblerait visé que le 1et2 du I de l’article 6
http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEBX.htm
donc les hébergeurs uniquement semble t il et non comme il est dit dans l’article du Monde les éditeurs de site (blogueurs…). Faire examiner ce projet de décret par un service juridique pour en faire une synthèse de portée exacte serait une bonne démarche avant tout buzz et autres pétitions… (même s’il ne concerne que les hébergeurs, le système d’un contrôle a priori est critiquable même si toutes les données sont déjà actuellement mis à la disposition de la justice).
bonjour
je dois avouer que la prestation de Estrosi m’a moi aussi estomaquée…
Libertés et Communications : l’Exception Numérique
Le gouvernement a pris l’habitude de faire passer ses lois liberticides aux périodes où il se fera le moins remarquer, que ce soit pendant les fêtes de fin d’année, durant les vacances ou, pour ce décret d’application de la LCEN, en pleine…