"Appel des Cordeliers
: Pour une politique de service public pour l’enseignement supèrieur et la recherche."
Tout est expliqué là, et toutes les organisations syndicales sont d’accord.
J’avoue avoir tendance à brider aussi souvent que possible mon envie de poster quelques billets "trop" politiques ou "trop" engagés, pour garder à ce blog un semblant de devoir de réserve (qui a dit "perdu" ?) … mais depuis Juin dernier (en fait depuis beaucoup plus longtemps), le vent d’inconséquence qui souffle sur le navire des politiques universitaires n’est pas loin de battre des records. Il vous sera aisé de retrouver ici ou là divers billets ou articles sur la question. Mais ce qui me frappe c’est que tous les collègues que je croise depuis Juin dernier, ayant tous différents niveaux de responsabilité (qui dans des écoles doctorales, qui à la tête de "gros" laboratoires de recherche, qui directeur de composantes ou d’UFR, qui responsable de projets scientifiques ou directeurs de petites équipes émergentes), tous les collègues que je croise, et y compris ceux qui ne sont pas franchement de dangereux gauchistes, tous s’alarment de l’inconséquence qui risque de finir de mettre à mal ce qui subsiste encore – de plus en plus péniblement – des missions de l’université: l’enseignement et la recherche. La réalité du terrain est à l’opposé des effets d’annonces gouvernementaux ou des pseudos-autonomies annoncées : la paperasse n’a jamais été aussi abondante, les délais demandés pour certaines procédures d’habilitation (d’équipes de recherche par exemple) sont une pure goujaterie (courier envoyé le 18 Juillet, dossier à rendre pour le 1er Septembre, si vous ne renvoyez pas le dossier, votre équipe est dissoute), on va compter de plus en plus de membres "nommés" (et non plus "élus") à tous les niveaux décisionnels qui "font" l’université (évaluation et recrutement des enseignants, mais aussi validation des formations, délivrance d’habilitations à délivrer des diplômes …), et je ne vous parle même pas de la mise en application programmée du rapport Belloc qui tuera dans l’oeuf la spécificité du métier d’enseignant-chercheur, c’est à dire la capacité à se revendiquer autant enseignant que chercheur, en apportant ainsi ce "plus" aux étudiants devant lesquels on officie (pas le temps de développer, mais en gros, dans un avenir très proche, si vous ne faîtes pas assez de recherche, c’est à dire si vous ne publiez pas assez là où on vous dit de faire de publier, vous verrez vos heures d’enseignement quasiment doubler, puni, au coin, je ne veux voir qu’une seule tête, rompez). Autre exemple : à l’heure ou l’ensemble de la communauté scientifique internationale se met progressivement d’accord pour constituer des procédures d’évaluation spécifiques aux sciences humaines et sociales (qui ne peuvent être évaluées sur la même base que les sciences "dures"), et même si la définition de ces indicateurs et de ces procédures risque encore de prendre un peu de temps (à moins de doter ceux qui y réfléchissent de réels moyens …), on s’apprête à appliquer, dans l’urgence, une sorte de modèle unique d’évaluation de la science, de la recherche et de ceux qui la font, au nom de la "communication" et des "promesses à tenir". Urgence et communication sont les deux mamelles de la crise de réformite aigüe qui secoue le sommet de l’état. Là où l’enjeu mériterait une réflexion soutenue sur les moyens et les missions de l’université, on préfère hâtivement passer l’éponge de l’arbitraire. Menée à son terme, cette politique aboutira à l’effet inverse de celui qu’elle (prétend) poursuivre : quelques ilôts d’excellence subsisteront à grand renfort de subventions et de juteux contrats-recherche, pour l’université dans son ensemble c’est la chronique d’un nivellement par le bas annoncé.
Donc …