"En brisant le lien ancien noué entre les discours et leur matérialité,
la révolution numérique oblige à une radicale révision des gestes et
des notions que nous associons à l’écrit. Malgré les inerties du
vocabulaire qui tentent d’apprivoiser la nouveauté en la désignant avec
des mots familiers, les fragments de textes qui apparaissent sur
l’écran ne sont pas des pages, mais des compositions singulières et
éphémères. Le livre électronique ne donne plus à voir par sa forme matérielle sa
différence avec les autres productions écrites. La lecture face à
l’écran est une lecture discontinue, segmentée, attachée au fragment
plus qu’à la totalité. N’est-elle pas, de ce fait, l’héritière directe
des pratiques permises et suggérées par le codex ?" Roger Chartier, leçon inaugurale au Collège de France, extraits à lire dans Le Monde, en attendant et en espérant que tout cela puisse être intégralement retransmis en ligne.
Du même bonhomme, relire et revoir aussi :
- CHARTIER Roger, “Du codex à l’écran : les trajectoires de l’écrit”, Revue SOLARIS, n°1, en ligne, http://biblio-fr.info.unicaen.fr/bnum/jelec/Solaris/d01/1chartier.html
- Entretien vidéo avec Roger Chartier sur l’histoire du livre, du 14ème siècle à nos jours.
très bon papier, je me suis dit en le lisant qu’il ne t’échapperait pas… 🙂
Ça me fait tellement penser au palimptexte, cette définition. Surtout cette phrase : « Malgré les inerties du vocabulaire qui tentent d’apprivoiser la nouveauté en la désignant avec des mots familiers, les fragments de textes qui apparaissent sur l’écran ne sont pas des pages, mais des compositions singulières et éphémères. »
Mais bon, …
J-M 🙂
P.S. Le lien http://biblio-fr.info.unicaen.fr/bnum/Solaris/d01/1chartier.html ne fonctionne pas
Voilà le bon lien :
http://biblio-fr.info.unicaen.fr/bnum/jelec/Solaris/d01/1chartier.html
Jean-Marie> c’est corrigé. Merci
Bonjour Olivier et merci pour ce lien : c’est effectivement un texte très riche et magnifiquement écrit !
Pour ma part, je retiens ce « bout » :
Le croisement inédit de disciplines longtemps étrangères les unes aux autres (la critique textuelle, l’histoire du livre, la sociologie culturelle) a ainsi un enjeu fondamental : comprendre comment les appropriations particulières et inventives des lecteurs, des auditeurs ou des spectateurs dépendent, tout ensemble, des effets de sens visés par les textes, des usages et des significations imposés par les formes de leur publication, et des compétences et des attentes qui commandent la relation que chaque communauté de lecteurs entretient avec la culture écrite.
C’est un axe de travail qui me semble fondamental aujourd’hui !