Trombinoscope, sociabilité ambiante et habitus d’appartenance.

Voilà près d’un mois que je teste le livre des visages. Complice donc 😉 Et je maintiens mon impression initiale, celle de n’y avoir pas (encore ?) trouvé "mon" intérêt, "mon" usage. Mais j’y reste inscrit, à des fins d’observation participante. Deux aspects me frappent pourtant.
Primo, l’expérience immersive et addictive que propose Facebook (ledit service n’ayant effectivement d’intérêt que s’il reste ouvert en tâche de fond pour y autoriser de fréquents aller-retours) me semble relever d’une sociabilité ambiante (de la même manière que l’on parle "d’informatique ambiante"). Il abolit en effet une frontière, une distance dans l’établissement de contacts, et au-delà, dans une certaine forme de relations interpersonnelles. J’ai actuellement une quarantaine de "contacts" dans Facebook. Des amis, des collègues, des connaissances, des stars de la blogosphère. Et la fonctionnalité que j’utilise le plus souvent, c’est celle me permettant de leur poser une question directement, à ces quarante là, de manière instantannée, sans l’entrave du forum, de la liste de diffusion ou du mail.
Deuxio, je suis surpris par le haut niveau des fonctionnalités proposées par un grand nombre des micro-applications de Facebook. Qu’il s’agisse de faire circuler du texte, de l’image, de la vidéo, on se retrouve avec en main des interfaces que ne renieraient pas la plupart des applications bureautiques "en-ligne". D’où la question suivante, est-il idiot d’imaginer que la question du webOS, ce système d’exploitation "webifié" reposant sur la panoplie de services encadrant nos nouveaux comportements informationnels en ligne, que le webOS disais-je, ne trouve-là un terrain de déploiement tout à fait approprié et enrichi d’un niveau de sociabilité d’appartenance qui suffira à faire tomber les dernières réticences  à l’usage des mêmes applications en ligne ? Pour le dire autrement, ce qui manque à la bureautique en ligne, ce sont les collègues de bureau en ligne. Si l’on implante dans Facebook non seulement les outils de travail mais également les habitus sociaux qui les accompagnent, on aura très certainenment marqué un point. Au-delà de la simple monétisation et du nombre hallucinant et exponentiel d’utilisateurs de cette plateforme, c’est peut-être là une autre explication à l’intérêt de Google et Microsoft pour ce "trombinoscope".

10 commentaires pour “Trombinoscope, sociabilité ambiante et habitus d’appartenance.

  1. Bonjour
    Donc pour le dire à ma manière, il s’agirait d’un environnement particulièrement favorable aux usages…bref une nouvelle approche stratégique : la stratégie environnementale ?

  2. Florence> Oui, il y a de ça 🙂 Mais d’autres acteurs (Google, Yahoo, MSN) ont également une stratégie d’encerclement environnemental. Ce qui est nouveau avec Facebook, c’est que – à mon sens – plus qu’une plateforme de « services » (ce qui est l’aspect le plus fréquemment décrit par l’ensemble des commentateurs), ce me semble être d’abord un « générateur d’environnement ». Sa logique intrusive (absorbtion de tous vos carnets d’adresses mail à l’inscription) n’y est d’ailleurs pas pour rien.

  3. Google et Microsoft ont compris (un peu tard) l’enjeu qui se cache derrière les réseaux sociaux. Il faut les voir comme un sorte de point de convergence ultime d’un grand nombre d’outils passés (journaux, TV, radio) et récents (blog, chat, mailing-list, forum,…). Je crois que dans un proche avenir une grande part des choses circulants sur le web se fera à travers les réseaux sociaux. Cela grâce à une fonction fondamentale, mais pas suffisamment exploitée dans les solutions existantes, la fonction « Propager » qui est la base de la communication décentralisée. J’en parle ici :
    http://blog.kindalab.com/2007/09/29/how-to-revolutionize-social-networks/

  4. « Si l’on implante dans Facebook non seulement les outils de travail mais également les habitus sociaux qui les accompagnent, on aura très certainenment marqué un point. »
    Et si l’on implantait des fonctions sociales dans les outils de travail à l’inverse ?
    Effectivement, Facebook est techniquement bien plus abouti que tous les outils de travail collaboratifs auxquels on est confronté. Mais cela implique-t-il ce déport sur les serveurs ? La robustesse du web tient dans la possibilité pour tout noeud d’être client et serveur (sauf incompétence de ma part). Le webOS induirait une inégalité de moyens à considérer prudemment, me semble-t-il.
    Pour ma part, je me refuse à charger la moindre adresse de mon carnet sur FB.

  5. Alain> Vous avez raison de poser la question du WebOS et du risque de l’inégalité de moyens qu’il pourrait occasionner. En la matière, Google possède d’ores et déjà l’infrastructure technique, la puissance calculatoire et les réseaux lui permettant de créer un « second internet » … propriétaire. La seule question reste hélas de savoir … « quand » ?

  6. Olivier> «créer un « second internet »»
    Pour le coup, ça me paraît difficile : leur puissance réside dans le foisonnement de serveurs et de domaines à indexer. Il leur faudrait faire basculer sur leur réseau une multitude d’acteurs.

  7. Alain> Non, ce n’est pas difficile. Je ne parle que de l’infrastructure technique, c’est à dire serveurs, puissance de calcul et fibre optique et autres câblages. Le dernier bouquin de Daniel Ichbiach (« Comment Google mangera le monde ») décrit très bien les différentes opérations d’achat de la firme qui rendent ce scénario hélas plus que probable.

  8. bien d’accord sur cette vigilance, et cete notion de toile de fond
    avantage : lien direct et non public (ou pas trop) entre webmasters, ce qui est une nouveauté en ce qu’elle constitue la totalité de nos blogs comme réseau social empirique ?
    paradoxe : misère de ces échanges pollués par l’interface (de bouc) avec ses « cadeaux » et autres singeries
    vigilance : pourquoi réserver une info à nos 40 « amis » (de bouc) alors que nos blogs sont ouverts bien plus largement sur la place virtuelle ?
    exemple : groupe Bourdieu sur 2nd Life, ils font un excellent travail, ils m’invitent à les joindre mais voilà, suis totalement réticent à me déguiser en « avatar » pour aller partager une vidéo, ou échanger « en direct »

  9. Jean-Jacques Rousseau et Jérôme K Jérôme sont dans un bateau

    C’est une (petite) histoire de Facebook [pour tout savoir en société BBS, voyez ici là et là], où pourrait fermenter une « social attitude ». Le groupe BFF (Bibliothécaires Francophones sur Facebook) naissant et emmené par Marlène pourrait devenir la pla…

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