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Où il est question de "technologies de l’artefact", "d’éthique hacker", de "perte du sens", "d’intelligence des données", de "traçabilité positive" et de quelques autres babioles …
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Ecrans nous offre un beau panorama d’outils relevant du champ des technologies de l’artefact. Fake is a Fake vous permet de détourner (presque) n’importe quel site officiel. L’outil est à la fois robuste et astucieux : il utilise la plateforme WordPress avec des thèmes (gabarits) reprenant la charte graphique des grands quotidiens (Le Figaro, New-York Times …) de sites institutionnels (Maison Blanche, Elysée …) ou événementiels (Pékin 2008 …).
Dans une autre catégorie, permettant celle-là d’atténuer les technologies de l’artefact par le développement d’une heuristique "technologisée" de la preuve, Logo-Wiki (qui s’inspire de Wiki Scanner) permet de suivre les "Big brother Editors" de Wikipedia, en remplaçant le logo de l’encyclopédie, par celui de la compagnie ou de l’institution à l’origine d’une modification d’article. Pour une démo, voir ici.
Et donc ??
Tout cela fait écho a ce qui s’est raconté lors des dernières rencontres d’Ars Industrialis et notamment à l’intervention d’Alain Mille : il est (heureusement) encore possible d’inventer une ingénierie "positive" de nos traçabilités numériques. Echo également à l’intervention de Peter Norvig indiquant que l’avenir était à une formule du web contenant de moins en moins de "code" et de plus en plus de "données" (le fameux "less code, more data"). Or seul le code, seule l’écriture peut donner "un" sens à l’alignement et à l’empilement des données. Leur seul recoupement ne leur confère que "du" sens, différemment interprétable, différemment "compilable", différemment instrumentalisable, et en tout cas seulement lisible de ceux qui peuvent et pourront disposer d’une agrégation, d’une représentation suffisamment vaste desdites données. Donc accepter de se priver du "code", de le laisser tomber en désuétude, reviendrait – pour nos sociétés numériques – à s’interdire l’écriture et tout ce qu’elle autorise : le détournement parfois, l’explicitation souvent. Et à l’heure où le web se dirige effectivement vers une "intelligence des données", il faut redonner ses lettres de noblesse à l’écriture, au code. A ce titre, le rôle des Hackers est tout à fait salutaire. Ils disposent pour l’instant d’une maîtrise suffisante du code pour interpréter les données d’une manière "différante". Ce faisant, ils offrent une alternative à la fois possible et crédible – parce qu’incarnée – à l’agglomérat mainstream de données dans lequel nous engluent chaque jour davantage les multinationales du net, dans lequel nos pratiques, coupées de l’écriture, nous engluent tout autant. Et c’est probablement dans cette articulation complexe que le Web 2.0 prend sa vraie mesure : en nous offrant des outils nous permettant de ne nous soucier que des contenus, il nous conforte dans l’illusion d’entretenir une écriture alors que nous n’entrons que des données. Web2dizzaster (également repéré par Ecrans) illustre parfaitement ce paradoxe : quand les contenus s’effaceront, quand les données s’effondreront sous leur propre poids, seule subsistera l’écriture, le code. Mais cette écriture en sera réduite à sa plus simple expression : elle ne sera plus qu’ornementale. Et il y aura longtemps qu’en acceptant d’en perdre la maîtrise, nous en aurons perdu la profondeur, nous en aurons perdu le sens.
Et donc pour résumer le tout en une deux trois phrases ? Il faut que le Skywriting (et pas seulement académique ou universitaire) trouve sa place dans l’univers du Cloud Computing. Que "l’écriture dans le ciel" rivalise de présence avec "l’informatique en nuage." Attendons nous sinon, à de très fortes précipitations dans la manière dont nous y prêterons (notre) attention, dans la manière dont cela modèlera toute une économie de l’attention.
// Temps de rédaction de ce billet : 45 minutes //