Je suis en train de préparer une intervention que je ferai ce vendredi 12 Septembre lors d’un séminaire organisé à Rennes. Le thème est le suivant : "Contextes est enjeux de la culture informationnelle, approches et questions de la didactique de l’information."
Mon intervention "Redocumentatisation du monde et culture informationnelle", peut être ainsi résumée : "quelles grandes évolutions affectent les processus documentaires, les technologies et les usages informationnels ? Quelles leçons peuvent en être tirées pour la réflexion sur la culture informationnelle ?"
Vaste programme donc … L’occasion d’aborder deux "notions" qui m’apparaissent aujourd’hui essentielles et que je vous livre "brutes de décoffrage".
La première c’est le passage des "technologies de l’intelligence" (pour reprendre l’expression de Pierre Lévy), aux "technologies de la capillarité". La capillarité, nous apprend Wikipédia, est "l’étude des interfaces entre deux liquides non miscibles, entre un liquide et l’air ou entre un liquide et une surface." Cette emprunt au vocabulaire de la physique me permet de décrire la logique actuelle d’enregistrement et de conservation par les moteurs de recherche, de toutes les traces, actions, documents et comportements qui caractérisent et marquent notre présence connectée. Captation, par capillarité donc, de tout ce que rend possible la confusion des pratiques que génère la redocumentarisation globale du net et la dérive des continents documentaires qui le composent. L’objectif est simple : la constitution d’une base de donnée des intentions. Dernier exemple en date, le lancement très controversé de Google Chrome qui, par capillarité, agrège, rassemble et mixe des informations en provenance de sphères informationnelles jadis distinctes et non-miscibles.
La seconde c’est le passage des artefacts technologiques (navigateurs et interfaces d’accès au sens large + programmes (algorithmes) et bases de données et d’index au sens large) aux technologies de l’artefact. Ces technologies de l’artefact sont celles qui rendent possible, pour l’amateur, la création de représentations volontairement altérées et artificielles de la réalité dans une recherche (une "mimesis") de la vraissemblance. Parmi ces technologies de l’artefact (de l’artefacture dirait probablement Bruno Bachimont), on pourra citer en exemple les "Photoshop Naked Contest", les "Fake Vidéos" (comme celle de l’étoile noire volant au dessus de San Francisco), cette application permettant à tout le monde de vieillir instantanément une photo, les guerres d’édition et les tentatives de redocumentarisation déviantes sur Wikipedia. Ces technologies de l’artefact réclament d’urgence la construction d’une heuristique de la preuve, de la traçabilité de la preuve, une heuristique qui tienne compte de ces phénomènes, qui les explicite, et qui permette (c’est le plus délicat) de les « monitorer » non pas tant en temps réel mais bien a posteriori, c’est à dire dans l’optique d’une rétro-ingénierie documentaire. Une approche enfin qui tienne compte de la babélisation des expertises et qui redonne à chacun, à chaque contenu, à chaque fragment de contenu, la part d’autoritativité** qui lui incombe, et celle-là seule.
Naturellement si cela vous inspire des commentaires, ils sont ouverts 🙂
**Définition de l’autoritativité par Evelyne Broudoux : "attitude consistant à produire et à rendre public des textes, à s’auto-éditer ou à publier sur le web, sans passer par l’assentiment d’institutions de référence référées à l’ordre imprimé."
> la construction d’une heuristique de la preuve, de la traçabilité de la preuve
…
> redonne à chacun, à chaque contenu, à chaque fragment de contenu, la part d’autoritativité** qui lui incombe
Après décryptage, implémenter une traçabilité comme dans l’alimentaire pour trouver la source et les étapes de sa fabrication si j’ai bien compris votre idée. De là on a plus d’éléments pour juger s’il s’agit d’une preuve ou d’un artéfact volontaire ou involontaire.
« construire » une heuristique de la preuve.
Ça me rappelle un billet de Martin Lessard sur ce qui donne de l’autorité à un blogueur. C’était intéressant mais à double tranchant quand c’est publié car on peut abuser même des spécialistes pressés quand on connait bien ces apparences d’autorité (compétence). Délicat d’évaluer à priori le bilan des avantages et inconvénients.
Ça me rappelle un bon documentaire humoristique « The Yes Men » qui ont utilisé des apparences d’autorité et des artéfacts technologiques.
http://www.imdb.com/title/tt0379593/
il y a les sciences dites exactes qui peuvent sanctionner par la démonstration toutes ces dérives et d’autres qui sont +/- obligés de composer avec.
Bon séminaire !
PS: j’ai repris votre définition d’artefact.
Une application qui illustre de ce que tu appelles les technologies de l’artefact :
http://sylvaindrapau.com/web2/spinspotter-modifier-texte-site-web-screencast/
Salut Olivier…
J’ai besoin de quelques éclaircissements, car j’avoue ne pas tout comprendre. Je ne vois pas bien le passage que tu dessines entre les « technologies de l’intelligence » et les « technologies de la capillarité ». J’ai un peu l’impression que tu parles de deux choses différentes, et ne vois pas en quoi le second empiète sur le premier. Pour le dire autrement, j’ai du mal à voir en quoi les technologies de « traçage » remettent en cause celles de la coopération.
Sur la seconde notion, j’ai un peu l’impression également que les deux vivent en parallèle. Les technologies de l’artefact ont toujours existées, elles ne font que se répandre un peu plus profondément en allant toujours un peu plus loin d’ailleurs dans les artefacts technologiques (on peut tromper des algorithmes et des bases de données désormais).
Quant à la construction d’une heuristique de la preuve, j’ai un peu l’impression que c’est un vain rêve… Un peu comme si la technologie pouvait résoudre des enquêtes. Hormis dans les séries télé, on sait bien que c’est extrêmement rare quand la vérité (la preuve) vient de la technologie. La plupart du temps, c’est l’aveu qui tient lieu de preuve.
Comme quoi quand on ne fait qu’aborder, on laisse toujours des choses en suspend.
@paul et florence > Merci pour les liens
@hubert>
1. ce billet était un petit teasing à chaud de l’intervention que je suis en train de préparer (laquelle intervention sera plus explicite … enfin j’espère) … je ne vais pas t’apprendre que j’aime bien me servir d’Affordance pour tester des concepts et des idées 😉
2. Sur ta première remarque (et étant entendu que le contexte du séminaire dans lequel je cause demain est celui de l’enseignement d’une culture de l’information), j’indique en fait – à destination du public de formateurs et de didacticiens qui assistent à ce séminaire – que les technologies de la capillarité et du traçage me semblent aujourd’hui dominer (ou être prédominantes) par rapport aux technologies de l’intelligence/coopération. Mon idée plus complète est de mettre en balance 2 « indices » : celui de la coopération (dont tu sais qu’elle est faible même si « la force des coopérations faibles … ») et celui du traçage, qui s’amplifie dans tous les outils à vocation coopérative, et ce pour de bonnes ou de mauvaises raisons (c’est un autre débat)
2. sur ton second point, les technologies de l’artefact ne sont effectivement pas « nouvelles ». Il y a toujours eu des détournements de média, quelque soit le media. Ce qui me semble nouveau c’est la banalisation « technologique » de ces technologies et leur large bascule dans des usages de plus en plus massifs (les photoshop naked CONTEST étant à ce titre et de mon point de vue, assez caractéristiques)
3. sur l’heuristique de la preuve en revanche, pas d’accord. Tout au moins pour la sphère documentaire. Pour ne prendre qu’un exemple, toute la « génétique documentaire » (analyse des brouillons et manuscrits d’auteurs) a permis de déboucher sur d’importantes « preuves » littéraires. Il ne s’agit pas (dans mon esprit) de laisser à la technologie le soin de fournir les preuves, mais de « réinstrumentaliser » les outils technologiques pour venir étayer un faisceau plus étendu de « preuves » et de traces documentaires.
Bref comme tu l’auras compris, tout cela est encore un peu confus, mais j’ai heureusement toute la nuit pour finir de préparer mon exposé 😉
Merci à toi de veiller au grain et de me rappeler qu’on n’est pas sur un Skyblog :-))
Séminaire GrCDI du 12 septembre
Le GrCdi(groupe de recherche sur la culture et la didactique de linformation) dont je suis membre a tenu récemment un séminaire de haute tenue sur la culture de l’information.
Olivier Ertzscheid qui a l’art de couper les cheveux en quatr…
hum. On connaît la difficulté de la génétique documentaire à l’heure des outils électroniques qui tend à faire disparaître beaucoup de traces (écrasant le versionning notamment), mais en même temps permettant de chercher dans des corpus de données plus nombreux et plus facilement (par leur numérisation).
Reste que la preuve va tout de même être de plus en plus difficile à faire saillir, avec des technologies de l’artefact de plus en plus généralisées, non pas seulement au niveau logiciel (photoshop), mais au niveau matériel : voir par exemple, ces innovations dans le domaine de la photo, notamment l’appareil qui prend 10 photos de groupe à la suite pour créer une photo où tout le monde sourit : http://technology.newscientist.com/channel/tech/dn14736-the-future-of-photography-part-2.html).
André Gunthert nous dirait certainement que la photographie a toujours été utilisée pour nous mettre en scène (peut-être pourrait-on dire d’ailleurs la même chose de l’écriture). Les preuves me semblent-ils vont être vraiment difficile à établir. A moins que nous forcions ces appareils à devoir garder trace de ce qu’ils font (par la loi ou la réglementation). Encore faudrait-il que ce soit la priorité d’une instance de régulation quelconque… Mais je ne vois pas laquelle ?
Quand les technologies de lartefact nous submergerons
Le Face swapping (léchange de visages) nest pas quun petit groupe dutilisateurs de Facebook qui samusent avec les images, mais cest désormais un logiciel qui modifie des parties de visages depuis une biblioth…
Du cigare de Churchill à celui de Christian Blanc. Et retour
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