Tel est le titre de l'appel à témoignage publié dans le journal Le Monde avec le texte suivant :
- "Le projet de décret modifiant le statut
d'enseignant-chercheur soulève une opposition grandissante dans les
universités, notamment en raison des nouvelles procédures d'évaluation
qui doivent donner plus de place aux présidents d'université. Dans
votre université, qui vous évalue et comment ? Les procédures de
promotion sont-elles transparentes ? Les étudiants ont-ils leur mot à
dire ? Une sélection des meilleurs témoignages sera publiée sur Le
Monde.fr. Merci de laisser des coordonnées les plus précises possible,
afin que la rédaction puisse éventuellement vous contacter pour obtenir
plus de précisions." - Vous noterez au passage le subtil glissement sémantique entre le titre ("votre quotidien") et le chapeau ("l'évaluation comme sujet qui fâche") … mais bon, au final une volonté d'ouverture qui permet d'oublier que parfois, le Monde a aussi "La voix de son maître" …
Bref, vous me connaissez, comme faux-témoin je me pose là. J'ai donc témoigné en envoyant ça (contrainte : 1500 caractères).
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8h30. IUT de province. Arrivée au bureau, pas de cours aujourd'hui. Chercheur. Coup de fil à deux collègues pour boucler deux articles dans des revues "de rang A". Penser à sa carrière. Evaluation. Puis 2 heures de travail sur lesdits articles. Reste une heure avant la pause, l'occasion de mettre en ligne son cours sur la pateforme de formation à distance de l'université. Enseignant. Pause déjeuner. L'occasion d'une mini-réunion de labo. Chercheur. 13h. Retour au bureau. Convocation d'étudiants de 1ère année pour "absences injustifiées". Chercheur, mais aussi un peu conseiller principal d'éducation. Dans la foulée, gestion des emplois du temps des collègues du département. Tâche très lourde et très prenante en temps. Mais il faut bien pallier les carences en personnel administratif. Chercheur, mais aussi secrétaire, directeur des études. 15h30. Coups de téléphone aux entreprises qui accueillent ses étudiants en stage. Puis visite sur place pour deux d'entre eux, pour voir si tout se passe bien, pour faire connaître notre formation. Chercheur mais aussi VRP. 17h, retour à l'IUT pour une réunion de jury de passage. Les "conseils de classe de l'université". 18h. Fin de journée. Demain même chose, avec un peu moins de tâches administratives, un peu plus de cours "en présentiel". 21h30. Les enfants sont couchés. La deuxième journée commence : répondre aux mails de ses étudiants, avancer sur ses articles, préparer cours et TP, corriger des copies. Pas eu le temps dans la journée.
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Ecrit tel quel c'est vrai disons à 95% (je ne fais pas tout ça tous les jours et toujours dans cet ordre, je ne suis pas directeur des études, je m'occupe juste de l'emploi du temps d'une formation, occupation suffisant largement à me convaincre de tout mettre en oeuvre pour ne JAMAIS devenir directeur des études … bénis soient-ils). Je me suis juste planté dans le titre. J'ai appelé ça "Une journée à l'université". Je voulais appeler ça : Le mépris.
(Temps de rédaction de ce billet : 15 minutes)
Ceux qui comparent la recherche française et la recherche étrangère feraient bien de comparer le temps passé par les chercheurs à régler des problèmes d’intendance.
Voir ici: http://david.monniaux.free.fr/dotclear/index.php/2009/01/29/371-quasimodo-en-triple-exemplaire
Je constate que des professeurs des universités, des directeurs de recherche au CNRS doivent passer du temps à régler des problèmes comme:
* Faire venir un plombier pour déboucher les WC. (*)
* Trouver un moyen légal de verser des indemnités à un stagiaire étranger.
(*) Dans d’autres établissements de ma connaissance, obtenir que les services généraux fassent assurer le ménage dans les WC a mobilisé des directeurs de département et nécessité des courriers à la direction.
Dans un monde normal, ces problèmes devraient être réglés par le personnel dont c’est la fonction. Visiblement, ce n’est pas le cas.
Je partage vos points de vue sur le métier, du moins le constat. Par contre, j’ai une autre vision sur ce point (je cite):
« Dans la foulée, gestion des emplois du temps des collègues du département. Tâche très lourde et très prenante en temps. Mais il faut bien pallier les carences en personnel administratif. »
A vouloir pallier les carences en personnel dues à une politique calamiteuse de l’emploi (ressources humaines disent-ils), nous – les universitaires – remplissons des tâches dévolues à d’autres métiers – personnels administratifs bien moins rémunérés à ancienneté équivalente (donc on pique du boulot pour pas cher). Et quand je dis cela, je ne dis pas « je ne veux pas salir mes mains à faire ces tâches » mais que nous sommes recrutés pour des missions autres et qu’elles sont diluées dans un amas de tâches annexes (Cf surveillance par ex. il y a 20 ans quand j’étais étudiant à Rennes des appariteurs surveillaient…). En disant cela, je suis conscient mettre fait avoir lorsque j’ai débuté, « bon élève » mais pas longtemps, au grand dam des collègues ! L’Etat s’en tire à bon compte, avec un petit budget par étudiant (4500 €/étudiant de 1e cycle/Licence général, 12000 € pour classes prépas, par ex.), les collèges grognent et râlent dans les couloirs, mais si responsables – des cadres hein ! ;-)) ils continuent à œuvrer pour que vaille que vaille la boutique puisse tourner – ce qui peut valoir des médailles républicaines certes. Puis, un beau jour – serait-ce en ce moment – ça pète. Ils récoltent dans la goule les pratiques qu’ils ont semées. Comptabiliser les tâches administratives – qu’ils confondent avec responsabilités d’administration de l »enseignement, quelle nuance mes camarades ! Voilà ce que disent les « gouvernants » et autres collègues proches de la retraite : il faut tout comptabiliser ; et à vouloir comptabiliser, on arrive à la … modulation de service car à moyens constants, il n’y a pas d’autres solutions. Ah, on est malin maintenant ! A vouloir endosser la responsabilité incombant au Ministère (ministres successifs d’ailleurs, cf Allègre & co), à vouloir éponger les carences de l’enseignement supérieur (choix involontaire des électeurs ?), on va avoir du mal à justifier notre statut qui, certes, est mal fagoté mais à quand même l’avantage de garantir aux universitaires LE TEMPS LIBRE pour construire les savoirs (eh oui, j’ose !) !
J’ai démissionné début janvier de ma responsabilité de filière M1 chimie car aucunes heures n’étaient comptées dans mon services statutaires (et non en heures sup’, qui tuent l’emploi ! ;-))
Je l’avais annoncé en AG de département lorsque j’ai été élu à ce poste, néanmoins les collègues tirent la goule…
J’invite tous les enseignants-chercheurs à faire de même, à refusr toutes tâches administratives non statutaires – bref à mettre en place la GREVE du ZELE (non pas de l’enseignement ni de la recherche – quoique – mais de toutes ces tâches non reconnues afin de faire fléchir le gouvernement sur la LRU, la LOLF, les emplois, la précarité institutionnalisée – sympas pour nos étudiants doctorants ou pas, etc
ouf, y’a du boulot.
A bientôt
Gilles Frapper, ens. chercheur (MC Chimie théorique Poitiers, blog privé mais un peu sur mon boulot depuis peu …
http://prof-john-akapulco.blogspot.com/)
@ John Akapulco :
Non seulement je suis bien d’accord, mais j’irais même plus loin : c’est autour de cette question précise que nous avons, comme EC (enseignants-chercheurs), des sujets de colère communs avec les personnels BIATOSS (les personnels administratifs et techniques des facs). Dans les secrétariats pédagogiques de mon Université (Tours), on trouve plein de personnels administratifs recrutés en catégorie C (dans la fonction publique, « C », ça signifie « travail d’exécutant, formation minimale (pré-bac), salaire minable »). On trouve à ces postes des secrétaires payé(e)s moins de 1000€/mois, et qui passent leur temps, jour après jour, à régler des problèmes informatiques ou pédagogiques, à coordonner des questions d’emploi du temps ou de salles trop petites, à écouter des étudiants paumés qui ont besoin de se confier, etc. (bref, à faire un travail qui ne relève évidemment pas des fonctions d’exécution, mais bien de la catégorie « B » de la fonction publique).
J’y vois la même logique que parmi les EC : sous-évaluer le travail, donc le sous-payer, donc le mépriser, c’est aussi habituer la population toute entière à une fausse estimation du coût du savoir (de même que les journaux gratuits habituent à cette idée fausse que l’information ne coûte rien, de même que le téléchargement habitue à cette autre idée fausse que la musique, la poésie ou la littérature ne coûtaient rien). Notre président, il l’a répété avant-hier soir, dit avoir été élu pour revaloriser l’idée de travail. Ce n’est pas un peu bizarre de le voir faire exactement le contraire ?
Tout le monde le sait: les universitaires sont des grosses feignasses! Et ils le prouvent sur http://www.lagrossefeignasse.blogspot.com/