Les noces du Figaro.

Que le Figaro soit la Pravda du Sarkozysme n'est pas une découverte. Que la manipulation de l'opinion soit l'arme préférée de toutes les Pravda, de droite comme de gauche n'est est pas une non plus.

Mais entre deux soutenances, une grève, et une loooooooooooongue série de billets à venir – façon feuilleton de l'été – sur le livre numérique, mais, disais-je, l'édition de ce jour du Figaro est un modèle du genre, à montrer en exemple dans toutes les écoles de journalisme, dans tous les cours de sémiologie de l'image, et naturellement dans toutes les agences de communication propagandistes.

L'image la voici. 

Figaro

Et voici maintenant le triple effet Kiss Cool

  • 1. Je t'enfume : l'art du glissement sémantique
Tout est à lire sur le site d'Arrêt sur images (profitez-en c'est gratuit, et tant que vous y êtes, profitez-en pour vous abonner, en ces temps d'ORTFisation de l'antenne, c'est plus que recommandé). En gros, il s'agit de proposer des questions très très très très très orientées, à la fin desquelles on demande si les sondés "acceptent" l'idée de la retraite à 62 ans. Puis de remplacer le verbe "accepter" par le verbe "approuver" à la Une.
  • 2. Je t'endors : l'art du glissement illustratif
Dans un cours de première année d'université on apprend les rudiments du rapport texte/image. Ici, le texte "62% des français approuvent la retraite à 62 ans" est servi par l'image de notre sélectionneur national. L'image n'est théoriquement pas illustrative (à l'appui ou en complément du texte) mais la photo-composition de la Une du Figaro lui assigne ce rôle. On est ainsi naturellement amené à opérer une association entre une réforme politique (les retraites) et un fait médiatique (la retraite de Domenech). Une image valant 1000 mots, on ne lit ainsi le texte plus du tout de la même manière, du fait de la connotation métaphorique véhiculée dans le choix de l'image "associée". Et l'on se demande s'il faut retenir l'explicite (= les français approuvent la retraite à 62 ans) ou l'implicite (= les français approuvent la retraite de Domenech). Soient les 2 faces d'une même propagande au sens premier du terme.
  • 3. Je t'embrouille l'écoute : l'art de la contamination iconique

Dans un bon rapport texte/image, les effets d'illustration (image) et d'explicitation (texte) sont à double-sens. Ainsi, après que l'image a biaisé l'explicite du texte (les français approuvent la retraite de Domenech), le texte à son tour, biaise l'implicite de l'image : le contenu (réforme des retraites) est métaphoriquement vidé de l'essentiel par la contamination de l'image du retraité (Domenech) ; le texte vient implicitement "illustrer" l'image : c'est la totalité des "français" qui "approuve" la retraite de Domenech.

La persistance de l'image de Une fera le reste. Séquentialité de la lecture et du dispositif iconique oblige, on lira le fameux sondage avec encore présente à l'esprit l'image du retraité le plus désapprouvé de France. Et l'escroquerie sémantique ("acceptent" au lieu de "approuvent") n'en sera que plus diluée et – à défaut d'être "approuvée" – encore mieux acceptée.

Moralités et immoralités.

Primo, les noces gouvernementales du Figaro sont ainsi une nouvelle fois scellées. Du grand art vous dis-je. Deuxio, faudrait pendre tous les sondeurs à des crocs de boucher. Et découper leur carcasse sur l'étal (l'autel ?) des pages du Figaro.

4 commentaires pour “Les noces du Figaro.

  1. J’adore 🙂
    Merci de l’avoir noté !
    Sans oublier l’article juste en dessous « Les armes se banalisent en banlieue », qui prend encore plus de saveur dans un journal financé par un vendeur d’armes (et un sujet sans lequel le Figaro ne serait pas le Figaro!).
    L’ère des « corps gras » et de la manipulation sémiotique à encore de beaux jours devant elle ?!…

  2. Justement j’étais restée interloquée devant cette une, sans penser plus loin, entre une visite de collège et un plein d’essence, merci de l’avoir ainsi dépecée …

  3. Contradictions du Figaro et collision entre presse, monde politique et monde des affaires…
    Avant quelques jours des derineres élections législatives de 2008 au Liban, on pouvait lire dans le Figaro, un entretien de Marwan Hamadé, deputé druze, homme d ‘affaire, dirigeant du quptidien de référence libanais « annahar », anti syrien(il était pro-syrien pendant l occupation syrienne du Liban de 1990 à 2005!), ou il fustigeait les positions du Général chrétien Michel Aoun(qui lui était le chqntre de la lutte anti-syrienne, pendant que celle ci occupait le Liban, et qui depuis son retrait et plutôt proche!), jugeés proches dy Hezbollah (donc de la Syrie et de l Iran).
    Ce qui est étonnant, c est que le Figaro parlait plutôt de présence syrienne au Liban, et n accordait que rarement des entretiens avec le Général Michel Aoun, farouche opposant à la Syrie, ni au chrétiens libanais, pourtant très proches de la droite française.
    Ceci est à relier peut être à l’amitié entre l ancien président français Jacques Chirac et le richissisme homme d’affaire et 1er ministre libanais (assassiné depuis(je doute fort que le tribunal international, monté pour élucider le crime, aboutira à quoique ce soi!).
    mais suite à l’assassinat de Hariri, les choses ont changé, Chirac commença à traiter la Syrie de force d ‘occupation-le même Chirac, qui quelques années auparavant, dans le parlement libanais, disait que la présence syrienne au Liban est nécessaire!
    Remarque: Malheuresement, je n ai pas de preuves de ces collisions

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