Juste avant les vacances de Noël, j'ai été interviewé par Marion Ripault, ancienne étudiante du DUT infocom de La Roche sur Yon et actuellement en master MICO (métiers de l'information et de la communication organisationnelle) à l'université de Rennes II, qui rédige un dossier de spécialisation consacré à la veille en e-réputation et à ses outils. Le fil rouge de cet entretien téléphonique (enfin avec Skype) était le suivant : "Dans un processus d'intelligence économique, quelle est la pertinence d'une pratique de veille au service de l'e-réputation en organisation ?"
Voici, avec son accord, la retranscription effectuée par Marion.
Quelle définition donneriez-vous de l’e-réputation ? L’e-réputation c’est l’image qu’une organisation, qu’une entreprise ou qu’un individu va arriver à donner de lui au travers des résultats visibles dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.
Tout le monde est concerné par cette e-réputation ? Oui, aujourd’hui, tout le monde est concerné à partir du moment où on commence à entrer et à utiliser des outils numériques et à dire des choses sur soi ou à accepter que d’autres éventuellement disent des choses sur nous.
Les entreprises de toutes tailles doivent-elles prendre en compte leur e-réputation et sont-elles prêtes pour le faire ? Doivent-elles prendre en compte leur e-réputation ? Oui. Est-ce qu’elles sont prêtes pour le faire ? Ca dépend, il y a des entreprises qui sont déjà plus où moins sensibilisées à ce genre de problématiques. Ce qui est sûr, c’est que même celles qui sont encore sur la réserve vont finir par y venir parce que de toute façon la plupart de leurs salariés sont déjà présents sur les réseaux sociaux. Après c’est une question de culture d’entreprise, il y en a qui sont plus ou moins préparées à ça, qui vont accepter d’y passer du temps pour défendre ou entretenir son e-réputation, il faut quand même mobiliser un peu de ressources internes à l’entreprise, mais je pense que globalement elles vont finir par être toutes sensibilisées à cet aspect-là de leur communication.
Le premier risque en e-réputation pourrait venir de l’interne ? Non, le risque peut venir de l’interne ou de l’externe, avec des témoignages de clients mécontents. Il y a plein d’exemples comme ça où l’e-réputation de petites entreprises, ou même de grands groupes a été rapidement dégradé, parce que des clients mécontents se sont fait entendre et qu’ils n’ont pas suffisamment répondu. Mais étant donné qu’aujourd’hui la plupart des salariés sont présents à titre personnel sur des réseaux sociaux par exemple et étant donné qu’on finit, a un moment donné, qu’on le veuille ou non, par toujours parler de son patron ou de sa boîte dans les conversations sur les réseaux sociaux, les entreprises conscientes de cette réalité là, vont être obligées d’accompagner ou de devancer un certain nombre de d’expressions qui les concernent.
Quel est l’apport de la pratique de veille en e-réputation ? Est-elle nécessaire à la pratique du community management ? Il y a plusieurs choses, la veille, l’e-réputation, le community management… ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas de d’action possible en termes d’e-réputation si il n’y a pas derrière la prise en compte de tous les aspects veille : veille image, veille stratégique, veille concurrentielle, etc. La meilleure preuve c’est que les entreprises les plus en pointe sur le domaine de l’e-réputation, je parle des entreprises qui fabriquent des logiciels pour surveiller son e-réputation, sont au départ des entreprises qui fabriquaient des logiciels de veille. Donc ces deux problématiques là sont très intimement liées. On ne peut pas de toute façon mesurer, défendre ou contre attaquer sur le terrain de l’e-réputation si on n’a pas derrière une cellule de veille qui fait son boulot correctement. Après, le community management, c’est encore autre chose, c’est plus une problématique en aval, c'est-à-dire que quand une entreprise est attaquée, ou même quand elle est au contraire félicitée, il faut être capable de capitaliser la dessus, et de faire bosser des community managers pour entretenir les commentaires positifs ou pour diminuer l’impact des commentaires négatifs. La veille serait plutôt en amont, le community management en aval et puis l’e-réputation entre les deux.
La veille est e-réputation est-elle une discipline à part entière ou une branche de la veille globale ?
Alors ce qu’on observe c’est qu’en général, les gens qui travaillent en interne en entreprise dans le domaine de l’e-réputation, ou les entreprises qui font appel à des prestataires de services externes en e-réputation, ce sont la plupart du temps des gens qui sont spécialistes de la veille, veilleurs en général de la veille image, donc ça fait parti du travail de veille, ce n’est pas une discipline à part. Il y a des techniques qui changent, c’est principalement les sources qui sont surveillées dans le panorama de la veille parce que les terrains où vont se faire et se défaire les e-réputations, ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux d’une veille concurrentielle par exemple. Pour l’e-réputation, on ira plutôt surveiller les forums, les pages Facebook…
Qui sont donc les veilleurs d’aujourd’hui ? Ca dépend, je n’ai pas d’études nationales sur le cursus des veilleurs à vous citer, ce qu’on sait, ce qu’on observe, c’est que ce sont quand même pour l’essentiel des personnes qui viennent du monde de la documentation, qui ont une formation solide au départ sur la documentation avec ensuite une spécialisation en veille. Après il y a aussi tous les profils qui sont liés à la discipline qui est l’intelligence économique, et là il y a des écoles, des formations supérieures, niveau licence 3 jusqu’au niveau master, qui forment les gens dans ce domaine-là et après il y a beaucoup d’entreprises qui, en interne, essayent de capitaliser sur des compétences qui sont déjà présentes, en co-optant effectivement des gens qui étaient d’avantage sur des problématiques marketing, ou de communication en général et qui étaient de fait obligés de faire un petit peu de veille sur ces questions-là et qui du coup se retrouvent parfois à gérer la stratégie de veille de l’entreprise.
A quelles nouvelles problématiques les professionnels de la veille et notamment de la veille en e-réputation sont-ils confrontés ? D’abord, il y a l’étendue des sources à surveiller, ce n’est pas récent, ca fait déjà longtemps qu’on est installé dans un phénomène de surcharge, de surabondance de l’information. La première problématique c’est d’arriver à circonscrire le périmètre des sources qu’on veut surveiller qui est de plus en plus vaste. La deuxième problématique c’est le côté de plus en plus fragmentaire et atomique de l’information. C'est-à-dire qu’aujourd’hui il faut être capable de repérer des signaux faibles, des statuts Facebook, noyés dans les milliards de statuts des 850 millions de membres du réseau social, qui va critiquer votre produit ou votre entreprise. Il faut être capable de repérer cette information-là. La dernière problématique importante, peut être la plus importante pour l’e-réputation, c’est la réactivité. C'est-à-dire que non seulement il faut repérer ces micro-sources d’informations, mais en plus il faut être capable tout de suite d’aller réagir là où un coup est porté à l’e-réputation de l’entreprise. Il faut réagir si possible en temps réel.
La réactivité est donc un point clef, le community management et la cellule de veille doivent travailler en étroite collaboration. Oui, dans un fonctionnement idéal, si on considère que la veille, l’e-réputation et le community management font partis d’un même cœur de métier, il faut que ces trois entités là puissent travailler ensemble. Et le rôle du community manager c’est précisément d’être réactif à partir des informations signalées ou repérées dans le cadre du processus de veille.
La sérendipité est elle le moyen de faire face à la multiplicité des sources sur internet ? C’est encore autre chose, la sérendipité c’est le fait de trouver un peu par hasard des informations qu’on ne cherchait pas au départ et qui vont s’avérer utile à l’entreprise. C’est un phénomène qui est assez naturellement connu et pratiqué par tous les gens qui font de la veille. C'est-à-dire que lorsqu’on fait de la veille, on décide d’un périmètre de sources à surveiller, on fait tourner des outils là-dessus qui analysent ce qui se passent dans ces sources-là, mais on est amené aussi, par un effet un peu aléatoire, à tomber parfois sur des sources d’informations, et des portions d’informations qu’on ne s’attendait pas à trouver à cet endroit là et donc après on va intégrer ces informations dans le cadre du processus de veille. Mais, il ne faut pas trop compter sur la sérendipité pour mettre en place une stratégie d’é-réputation ou de community management efficace, il faut accepter qu’on ne va pas pouvoir tout contrôler, donc forcement il y a des informations qu’on va découvrir au fur et à mesure. Mais la définition même de la sérendipité c’est qu’on ne peut pas la prévoir. Par contre il faut être une nouvelle fois réactif et pouvoir s’adapter en temps réel.
Quels sont selon vous les outils indispensables à la pratique de veille en e-réputation ? Ca dépend du périmètre, de l’enjeu, des moyens… Ca dépend de plein de facteurs. En gros, on arrive à mener des stratégies de veille en e-réputation a peu près efficaces avec quelques outils gratuits. Je pense au système d’alertes de Google, je pense aux flux RSS quand on est par exemple un individu ou une petite entreprise dans un domaine assez spécialisé, il y a assez peu de sources à mettre sous surveillance, il y a des outils gratuits qui fonctionnent très bien et qui peuvent être amplement suffisants. Après, si on se place dans la logique de la stratégie d’e-réputation d’un grand groupe, d’une grosse entreprise, d’une grosse organisation, là il faudra à un moment donné peut être faire la bascule vers des solutions de logiciels payantes. Il y a tout un marché de l’e-réputation, il y a la société Digimind notamment qui travaille beaucoup sur ces questions-là avec des outils de veille et d’e-réputation qu’elle vend à des entreprises. Ca dépend de plein de facteurs, ça peut aller du simple bricolage avec des outils gratuits, jusqu’à une professionnalisation complète avec des progiciels intégrés, payants et mis en place avec une méthodologie précise dans l’entreprise.
Quel regard portez-vous sur le marché de l’e-réputation ? C’est un marché qui globalement est encore en émergence, c'est-à-dire qu’on voit arriver des outils, il y a un certain nombre d’outils fiables et sérieux qui sont pour la plupart simplement des progiciels de veille qui ont été un petit peu « re-designés », réorientés vers des problématiques d’e-réputation. Après, il y a aussi beaucoup, comme sur tous les marchés, qui émergent et se construisent, d’outils qui sont à mon avis d’avantage de la poudre aux yeux que des outils efficaces. Donc, il y a, à la fois des progiciels qui sont très bons, ou très complets, mais qui sont aussi relativement chers, et après, il y a beaucoup d’entreprises, de prestataires en e-réputation, qui vendent plutôt un service qu’un outil. C'est-à-dire qu’ils vont proposer effectivement de mettre deux personnes qui vont créer des alertes Google sur un certains nombre de mots-clefs relatifs au secteur d’activité d’une entreprise et ils vont vous envoyer un petit mail, un rapport hebdomadaire pour vous alerter sur un certains nombre de choses. Il y a un peu de tout, à mon avis il faut encore attendre un petit peu, deux, trois ans pour que le marché arrive à maturité et qu’on voit vraiment se dégager des sociétés un peu leader et qu’à la base il y ait aussi un peu d’écrémage sur tous les gens qui vendent de l’e-réputation aux entreprises ou aux particuliers, alors qu’il s’agit en fait de prestations de service de veille parfois très basiques.
L’externalisation de la veille n’est peut être pas la meilleure solution pour les PME ? C’est compliqué comme problématique. Idéalement, il vaut mieux avoir une internalisation plutôt qu’une externalisation de la veille. Exception faite où par internalisation, j’inclus aussi la mise en place d’un logiciel qui est fourni par une société de services et qui va permettre ensuite en interne de gérer les sources d’informations, d’éditer des rapports et de mettre en place des stratégies. Après, il y a la question des moyens, la question du temps, la question des ressources internes. Toutes les boîtes et notamment un certain nombre de PME, n’ont pas toujours des ressources humaines ou les sous pour traiter ça en interne. Donc c’est bien aussi qu’il y ait des prestataires externes qui puissent aider ces sociétés-là avec une vraie approche professionnelle. Je crois qu’il faut les deux mais, pour dire les choses plus simplement, que ça dépend surtout de la taille de l’entreprise et de l’éventail des sources à surveiller et voir si on veut faire ca de manière systématique et contrôlée ou si on veut faire ça au coup par coup et avoir une vision globale sans rentrer dans le détail.
Les petites entreprises sont souvent frileuses pour faire des investissements en e-réputation car le retour sur investissement parait difficile à évaluer, mais est-il impossible à évaluer ? Impossible à évaluer, non. Vous n’avez qu’à poser la question à tous les groupes qui ont été confrontés à des problèmes sévères d’e-réputation. Ils vous diront très facilement qui s’ils avaient investi sur ces problématiques-là, ils auraient évité de perdre parfois plusieurs millions d’euros. Le problème du marché de l’e-réputation pour l’instant c’est qu’on ne voit que les risques, on se dit finalement, si je ne suis pas attaqué ou si vraiment on ne dit pas énormément de mal de mes produits, ca ne vaut peut être pas le coup que j’investisse pour essayer de détecter des choses qui ne se produiront pas, sauf que le jour où elles se produisent, quand on ne les détecte pas, qu’on est pas capable d’intervenir dessus, ça peut très vite avoir des impacts financiers considérables sur l’entreprise. C’est cette approche là qu’il faut essayer de faire passer auprès des décideurs, que ce soit des grands groupes, même si eux l’ont compris, et auprès des PME, en leur expliquant que le budget de l’e-réputation ce n’est pas forcement un budget très élevé, mais que sur le long terme le retour sur investissement est largement intéressant. Mais c’est vrai que c’est difficile à calculer concrètement.
Les réseaux sociaux sont-ils perçus par les entreprises comme un outil novateur ou une source de risque supplémentaire pour l’e-réputation ? Là, je crois que la réponse est claire, c’est plutôt une source de risque qu’un créneau porteur d’innovation. La plupart des dirigeants d’entreprise que je rencontre ont la même approche, c'est-à-dire sont tous relativement frileux et ont un peu peur en terme de circulation de l’information de ce qui peut se dire sur ces réseaux sociaux, en même temps c’est aussi une crainte, une frilosité qui est renforcée par les exemples qu’on peut lire tous les jours dans la presse. Ils sont plutôt frileux la dessus et ils essayent de contrôler au maximum l’utilisation qui est faite par leurs employés sur leur temps de travail et même en dehors de l’entreprise sur ces réseaux sociaux.
Pensez-vous que les réseaux sociaux d’entreprise sont une réelle nouveauté pouvant apporter quelque chose en termes d’e-réputation? Je suis assez pessimiste sur les réseaux sociaux d’entreprise, même si il y a des solutions logicielles qui sont assez intéressante. Mais les réseaux sociaux d’entreprise s’inscrivent dans une double tradition, qui est celle à la fois des vieux intranets que personne n’utilisait parce que ce n’était pas très convivial ni très ergonomique, et l’autre tradition c’est celle de la gestion des connaissances ; c'est-à-dire ce que les anglo-saxons appellent le knowledge management, qui sont des problématiques qui ont déjà quinze, vingt ans. Je me rappelle très bien, il y a dix ans de ça, toutes les entreprises réfléchissaient au meilleur moyen de faire de la gestion des connaissances en interne, comment valoriser le capital humain de l’entreprise, comment faire remonter les informations plus facilement, comment aider les gens à travailler entre eux. Donc c’est toutes ces problématiques qu’on retrouve aujourd’hui dans des outils qui sont un peu près équivalents mais qui ont changé de nom et qui s’appellent maintenant des outils de réseaux sociaux d’entreprise. Mais je crois que la raison d’être, le succès de sites comme Facebook, ou d’autres, je pense aussi à des réseaux sociaux plus professionnels comme LinkedIn par exemple, la raison d’être de ces sites, c’est précisément que l’on n’est pas dans une approche centrée sur l’entreprise, on est plus dans une transversalité qui permet à des gens venus d’horizons complètement différents de se retrouver sur des centres d’intérêt, sur des compétences, sur des envies communes. Donc je suis assez pessimiste pour l’instant, mais je peux me tromper, sur l’avenir des réseaux sociaux d’entreprise.
Quelles recommandations feriez-vous à une entreprise subissant un bad-buzz ou des rumeurs négatives ? C’est de se demander pourquoi subit-elle ce bad-buzz, aurait-elle pu éviter cet effet de dénigrement si elle avait mis en place cette stratégie d’e-réputation en amont. Après une fois que le bad-buzz est là, il faut le gérer, la seule recommandation c’est de ne pas laisser passer le temps, c'est-à-dire de réagir tout de suite et après d’appliquer des méthodologies qui sont connues, qui sont les méthodologies de communication de crise et de gestion de crise. Etre attentif, être réactif et aussi être ouvert, c'est-à-dire accepter aussi de jouer, ce qui est très difficile aujourd’hui pour les entreprises car elles ne sont pas prêtes, accepter de jouer le jeu d’une certaine forme de transparence, en acceptant de reconnaitre parfois que l’on s’est planté, que le produit n’était peut-être pas aussi bon que ce que l’on espérait, que ça va s’arranger, que l’on est désolé, et surtout réagir le plus rapidement possible.
Que pensez-vous de l’évolution de la législation comme solution de préservation de l’e-réputation ?
En termes législatifs, les seules choses qui peuvent concerner l’e-réputation, c’est la question de la vie privée pour les individus par exemple, où là il y a des choses qui peuvent être faites au niveau législatif pour, par exemple, obliger des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux à anonymiser après un certain temps les données personnelles ou à ne pas garder d’historiques de recherche sur le long terme. Après pour les entreprises, le cadre législatif de l’e-réputation, il est déjà défini, il ne bougera pas, c'est-à-dire du moment où il n’y a pas ouvertement diffamation, c’est très compliqué de se retourner juridiquement contre quelqu’un qui dit du mal de vos produits. Jusqu’à preuve du contraire, quand on n’est pas dans le registre de la diffamation, on peut encore dire du mal, donc je vois mal comment la législation pourrait intervenir, à part pour les particulier pour des questions de vie privée, sur la question de l’e-réputation pour les entreprises.
Que vous évoque le terme de curation ? C’est l’un de ces « buzz words », un de ces mots à la mode, qui ont créé pas mal de commentaires sur Internet. Franchement ca ne m’évoque pas grand-chose, c’est une manière différente de nommer des métiers qui étaient des métiers du rédactionnel, de la qualification d’information. Toutes les entreprises depuis longtemps font de la curation à chaque fois qu’elles rédigent des communiqués de presse qu’elles les diffusent sur les réseaux sociaux, qu’elles font circuler de l’information, à destination de leurs commanditaires. Ce qui change peut-être un petit peu c’est les outils, c'est-à-dire qu’on a aujourd’hui des outils de mise en forme automatique d’information à partir des sources de la veille mise en place. Toutes les petites revues de presse qu’on voit sur internet sont générées automatiquement à partir de billets de blogs ou de sources internet. Ca ce sont des outils objectivement nouveaux en termes d’automaticité, mais c’est des processus, des méthodologies qu’on connaissait déjà. Tous les veilleurs vous diront qu’ils avaient l’habitude de collecter des sources et d’éditer des petites revues de presse à destination de l’entreprise ou de l’organisation qui leur commanditait des prestations de veille.
Pourtant les avis divergent quant à la curation, donc selon vous la veille n’est pas morte au profit de cette nouvelle discipline ? Je ne crois pas trop aux formules du type la veille est morte ou le community management est mort. Je crois que ce qui ne changera jamais pour une entreprise, un individu ou une organisation, c’est la capacité à mettre en place une méthodologie qui est de l’ordre de la veille, c'est-à-dire que ça ne bougera jamais, ou pas avant très longtemps. Après que sur cette méthodologie de base, qui consiste à se renseigner du mieux possible et le plus rapidement possible sur ce qu’on va dire de vous, de vos produits ou de votre entreprise, sur ce cœur de métier, sur cette compétence fondamentale là, se mettent en place des outils de diffusion, qu’on peut appeler de curation, qu’on peut appeler autrement aussi, et qui seront peut être intégrés ou qui sont déjà intégrés en compétences sur des profils métiers d’entreprise qui recrutent. Mais pour moi, la compétence de base fondamentale, ça reste la compétence de veille et la curation c’est un service en plus, une valorisation en plus sur un service de veille.
Les PME perçoivent mal l’intérêt de la veille en e-réputation, quel pourrait être l’élément détonateur ? Si je le savais, je monterais une entreprise de conseil en e-réputation. L’élément déclencheur ça peut être l’accident, être confronté à la réalité d’un bad-buzz ou d’une action en dénigrement sur internet, ça c’est évidemment un facteur déclenchant. Après je crois que l’autre facteur déclenchant c’est tout bêtement le temps. C'est-à-dire qu’il me parait aujourd’hui impossible que même les petites PME très rétives à ces questions-là, avec l’engouement toujours plus marqué pour les réseaux sociaux, avec les réalités des pratiques individuelles de tous les salariés, si vous êtes, j’avais encore l’exemple l’autre jour, d’un chercheur, enfin d’un salarié d’une toute petite entreprise, où il y a quatre personnes qui travaillent dans le domaine très pointu des biotechnologies, et ce salarié a été débauché parce que cela faisait deux mois qu’il était sur LinkedIn et qu’il cherchait à partir, ce qui peut faire bouger les entreprises, c’est ça. Ce n’est peut-être pas la question de l’e-réputation en elle-même, c’est la question de l’utilisation des réseaux sociaux dans le domaine du recrutement et pour éviter qu’on vienne vous piquer des salariés auxquels vous tenez. Et quand on commence à s’intéresser à ça, forcement derrière on est forcer d’embrayer sur des problématiques d’e-réputation, c'est-à-dire, si je ne veux pas qu’on me pique mes salariés, il faut que je sois présent en tant qu’entreprise ou en tant qu’individu, sur les réseaux sociaux qu’ils fréquentent eux-mêmes et si je suis présent sur ces réseaux, il va falloir que j’y défende l’image de mon entreprise, que je la valorise et petit à petit on a mis le doigt dans l’engrenage et on s’aperçoit vite de l’intérêt de construire quelque chose d’un petit peu pérenne.
On peut donc imaginer des créations de postes autour des professions de l’intelligence économique, de l’e-réputation et de la veille ? Des créations de postes, je ne sais pas trop, parce qu’il y a quand même un contexte global international qui est un peu difficile, mais en tout cas je ne vois pas de risque de crise particulier pour tout l’éventail des métiers de la veille. Au contraire, je reste convaincu que ces métiers là, ces compétences là vont continuer d’être de plus en plus centrales pour toutes les entreprises, des PME jusqu’au grands groupes.
Merci Olivier pour cette synthèse très claire sur la veille et l’e-réputation. Et merci pour la citation dans les logiciels de veille e-réputation. Juste : nous, c’est Digimind (Esprit Digitale) plutôt que DigiminG 😉 Bonne Année 2012 !
Sorry,, c’est corrigé. Bonne année à toi aussi 🙂