Si vous gravitez un tant soit peu par conviction, par affinité ou par obligation autour du petit monde des bibliothèques, vous n'avez donc pas pu manquer "the big thing", le truc dont tout le monde parle (encore), je veux bien sûr parler de la Copy-party du 7 mars 2012 organisée à la bibliothèque universitaire du pôle universitaire yonnais (= la roche sur yon). Chose promise, chose dûe, un billet pour faire le point et répondre à la question :
Que retenir de tout cela ?
C'EST PAS MOI C'EST EUX. Avec mes deux petits camarades, Silvère Mercier et Lionel Maurel, on s'est gourmandement partagé les diverses interventions médiatiques (j'y reviens plus tard). Mais il faut ici rappeler que si j'ai été enchanté de jouer au GO (gentil organisateur), c'est à eux et à eux seuls que revient l'entière paternité du concept (là c'est plutôt Silvère) et surtout le cadrage juridique de l'opération (là c'est plutôt Lionel). Le coup de génie, c'est eux, l'opportuniste de terrain, c'est moi 😉 Rappeler également que si mon nom est associé à l'événement (et il l'est), il doit alors l'être avec deux autres : celui de Sandrine Lorans, responsable de la BU de La Roche sur Yon et celui d'Hélène Grognet, directrice du SCD de Nantes. Sans leur accord et leur enthousiasme immédiat, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
LA COUVERTURE MEDIA (et le rôle de twitter) Je ne vais pas vous faire un dessin, mais niveau couverture médiatique, on est plutôt contents 😉 Cette couverture médiatique (en tout cas pour la partie nationale) est uniquement dûe à l'activisme de Lionel Silvère et moi sur les réseaux sociaux (enfin sur Twitter) les 15 jours précédant l'événement (Baptiste, chargé de communication du pôle Yonnais, se chargeant du harcèlement – fécond – de la presse locale). L'occasion de mesurer à quel point l'outil est viralement et relationnellement puissant, a fortiori quand on tient quelque chose de "vraiment" original et/ou innovant (ou en tout cas présenté comme tel pas ses organisateurs 😉 Même si l'on n'a pas atteint les "trending topics France" le jour J, le hashtag officiel #copyparty a parfaitement rempli son rôle de catalyseur.
Au-delà du seul Twitter, et comme le rappelait récemment Lionel Maurel :
"L'information de la tenue de la Copy Party a été relayée sur les sites de l'ABF, de l'ADBU, de l'ADDNB, de l'ADBS, de l'IABD ; elle a été signalée par l'ENSSIB, Archimag et le site Actualitté ; elle a été reprise par les principaux médias s'intéressant aux questions numériques : le site Ecrans de Libération, Numerama, PCInpact, OWNI ; elle a surtout percé jusque dans les médias traditionnels : France Info, France Bleu, France Inter (par 2 fois sur 2 jours différents), Europe 1, Le Mouv' (sur 2 jours), France 3, Ouest France (à 3 reprises). Des reprises de l'information ont été constatées en Italie, en Belgique, en Angleterre et au Québec. Nous avons reçu des dizaines de manifestations de soutien de collègues et il est fort probable à présent que des Copy Parties aient lieu dans d'autres bibliothèques."
A ma connaissance, et si l'on excepte les – heureusement – rares cas d'expositions censurées, c'est la toute première fois qu'un événement organisé PAR une bibliothèque (qui plus est UNIVERSITAIRE et SUR un sujet juridique c'est à dire correspondant à l'idée qu'un journaliste normalement constitué se fait de la double peine), la toute première fois, disais-je, qu'un événement organisé par une bibliothèque réussit à percer ainsi dans les médias et permet à ses 3 organisateurs de faire passer correctement le message qu'ils entendaient bien faire passer : oui, les bibliothèques ont un rôle essentiel d'émancipation à jouer dans la révolution numérique et la diffusion de savoir.
POURQUOI UN TEL RELAI ?? C'est vrai quoi, après tout, on est dans une petite ville de province (la Roche sur Yon), dans un département – la Vendée – que 2 français sur 3 ont du mal à situer sur une carte de France (le troisième étant celui qui est déjà allé au Puy du Fou), sur un sujet j-u-r-i-d-i-q-u-e (donc forcément intraitable dans un papier de 1500 signes ou dans une chronique ou un reportage d'1 minute 30). Donc même si les 3 organisateurs peuvent s'enorgueillir d'un Klout plus gros que la moyenne, d'un nombre de followers qui a eux trois cumulé représente le quart du centième de celui de Justin Bieber, et comptent également un large public captif dans les lecteurs de leurs blogs respectifs – avec l'avantage de connaître par son prénom ledit public captif -, même en prenant en compte tout ça, on s'est effectivement demandé, mes 2 compères et moi, pourquoi cet événement avait tant intéressé les médias au point que pour n'en citer que quelques-uns, Ouest-France à fait 3 articles sur le sujet dans 3 éditions différentes, et que France Inter et Le Mouv' ont repris là aussi sur 2 ou 3 journées différentes l'info dans des "chroniques de chroniqueurs" mais également dans les "flash infos" traditionnels.
DONC POURQUOI ? Ben pour une raison simple. Pour avoir eu le temps de discuter avec certains journalistes après interview, nous avons tous les trois été frappés – Ouch! – de constater à quel point ils étaient heureux de pouvoir, pour une fois, parler d'un point juridique (le droit d'auteur et le droit de copie) qui aille dans le sens des usagers plutôt que dans celui des ayants-droits, et qui autorise une "respiration" dans l'usage et l'appropriation des oeuvres plutôt qu'une énième fermeture et/ou restriction. Bref, ravis de faire un peu de discrimination positive sur le sujet.
DONC ON RETIENT QUOI DE CETTE PREMIERE COPY-PARTY ?? Ah oui. Côté négatif, l'absence ce jour-là des représentants "politiques" locaux. Certes en ce moment ils ont d'autres sujets de préoccupation et/ou conversation mais comme l'un des objectifs était – aussi – d'interpeller "le" politique, nous n'avons pas réussi à le faire le 7 mars. Mais à mon avis, l'interpellation viendra bientôt et à une échelle beaucoup plus grande 🙂 Car c'est là la principale satisfaction que je garde de cette journée : le sourire d'abord interrogateur puis l'éclair de connivence, de plaisir et de bonheur dans leurs yeux quand en discutant avec plusieurs des 80 participants** de la soirée copy-party, ils comprenaient enfin que "OUI", "pas besoin qu'une copy-party soit organisée pour aller faire des copies – privées – dans n'importe quelle bibliothèque / médiathèque." Et quand je dis "bonheur dans leurs yeux", je dis "bonheur dans leurs yeux".
** 80 selon la police, 90 selon les organisateurs, et "tout plein tout plein de monde" selon ma collègue Claudine, qui n'est ni organisatrice, ni CRS.
BEATIFIES. Soyons clairs, il y en eût assez peu mais leur contribution mérite également d'être signalée, il s'est tout de même trouvé quelques esprits chagrins pour nous prédire mille maux, nous mettre en garde sur ces hordes d'usagers venant piller le temple saint du savoir, nous prévenir de l'ire légitime des ayants-droits et autres rois des éditeurs, nous alerter sur la confusion des genres et autres brouillage du message (ne réveillez pas une bibliothèque qui dort), nous jouer la poule devant le couteau ("vous allez faire des photos ?? de bouquins ??"), nous mettre en garde sur nos devoirs de réserve de fonctionnaires (ne réveillez pas un fonctionnaire qui sommeille), bref nous apporter leur entier soutien psychologique et moral pour le cas improbable où nous aurions l'étourderie de persévérer dans cette erreur de jeunesse et finirions lapidés en place publique.
Et puis il y eut, le lendemain ceci. Et ce fut ceci qui acheva de nous convaincre et de rendre explicite ce que nous avions tous les 3 ressenti un peu confusément : ce qui venait de se passer le 7 mars 2012 à la bibliothèque universitaire de La Roche sur Yon était bien plus qu'une copy-party. Morceaux choisis :
"L'avenir dira si le 7 mars 2012 restera comme une date importante dans l'histoire des bibliothèques françaises, mais ce qui est sûr c'est que la copy party imaginée par Silvère Mercier, Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid à la bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon a été un succès par sa tenue, son déroulement et plus encore par l'écho qu'elle a suscité dans les médias.
Il faut en féliciter les promoteurs et les remercier d'avoir montré par l'exemple et l'action que la parenthèse Gutenberg était bien en train de se refermer et que les bibliothèques, comme elles l'ont toujours fait dans l'histoire, avaient un rôle à jouer dans ce mouvement sans le subir ni s'y laisser enfermer, en laissant croire que l'interprétation étroite des uns du droit de la propriété intellectuelle était l'alpha et l'oméga, ou en courant sans réfléchir derrière les propositions numériques chatoyantes, mais verrouillantes des autres.
(…) Aujourd'hui une nouvelle page de leur histoire est en train de s'écrire. Silvère Mercier, Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid en y inscrivant copy party ont suggéré une entrée stimulante qui a le mérite de maintenir la bibliothèque dans sa tradition de média du temps long, du partage, qui retire le document du circuit commercial pour le proposer à ses lecteurs, tout en l'inscrivant dans les développements du numérique à partir de la lecture et non de la diffusion. Ce n'est sûrement pas la seule piste à suivre, mais elle a le mérite supplémentaire de redonner l'initiative aux bibliothécaires. Souhaitons que ces premiers mots soient aussi le départ d'une pensée renouvelée de la profession." Jean-Michel Salaün sur son blog.
"JE VOULAIS AUSSI REMERCIER MON PRODUCTEUR". Ah ben non. Par contre je m'en voudrais de terminer ce billet sans rappeler le plaisir que j'ai eu à bosser avec Lionel et Silvère sur ce coup-là. Et surtout je m'en voudrais de ne pas rappeler ici à quel point le boulot qu'ils effectuent (ils ne sont pas les seuls, mais ils ne sont pas si nombreux que ça non plus), le boulot qu'ils effectuent, disais-je, pour l'un sur la question de la médiation numérique (principalement) et pour l'autre sur les analyses juridiques de l'environnement numérique des bibliothèques (mais pas que), rappeler à quel point leur boulot est essentiel, déterminant et fécond. Et rare. Et essentiel. Et déterminant. Et fécond. Et rare. Je n'ai donc aucunement été surpris de rencontrer et de passer la soirée avec deux bons camarades et avec deux gars qui savent parfaitement où ils vont et ce qu'ils veulent, et qui ont – surtout – une vision claire et passionnante de ce vers quoi les bibliothèques pourraient et devraient aller.
BREF. Bref. Ce fut une belle journée. La 2ème copy-party doit se tenir très bientôt la "cantine numérique" de Nantes. Une énième aura lieu l'année prochaine en Belgique (un gros clin d'oeil et un gros merci et une grosse bise à notre participante Belge, qui a réussi, à elle seule, a conférer un rayonnement international à la copy-party). Au moment même où j'achève ce billet, on parle de la copy-party à Toulouse, hier, et davantage encore demain, des honnêtes gens vont entrer dans des bibliothèques pour y faire des copies, sans aucun sentiment de culpabilité, en pleine lumière, pour le plaisir gourmand et fécond d'y appliquer simplement et légitimement l'un de leurs droits. Nul n'est censé ignorer la loi. Nul n'est surtout censé ignorer ses droits.
Veni. Vidi. Copy.
P.S. lisez aussi ce que Silvère "a retenu de la 1ère #copyparty de l'univers".
Mon commentaire ne sera porteur d’aucune information, mais je m’ajoute au concert des félicitations. 😉
C’est bientôt la saison de la chasse aux oeufs, et comme en fin de billet, j’espère que l’évènementiel sera fécond pour essaimer sur les autres campus !