Je n'ai rien à dire du lancement de "Google Now".
Voir quand même les articles de Rue 89 pour une présentation générale et un rappel succinct des principaux enjeux, et voir aussi cet article de Computer World pour mesurer la compétition vocale entre Google -now – et Apple – Siri. Je n'ai rien à dire car vous savez déjà tout. Car vous ne pourrez pas dire que vous n'étiez pas prévenus. Des moteurs de divination aux moteurs de prescription, il n'y aura plus que des réponses. La voix du web sera omniprésente. A force de lire des réponses avant même que nous ne posions des questions, nous souffrons tous aujourd'hui du complexe du scribe. De la conquête du far-web à celle du near-me, nous sommes tous en passe de devenir des autarcithécaires, à la limite d'un autisme informationnel ("filter-bubble") auto-renforçant.
Juste une réflexion complémentaire.
Ou plutôt un sentiment. Le sentiment que nous avons finalement sauté l'étape du "langage naturel", c'est à dire celle d'un outil capable de comprendre et de répondre à nos demandes telles que nous les formulons habituellement et explicitement (c'est à dire sans avoir à les reformuler sous forme de mots-clés et/ou sans s'asujettir à des règles syntaxiques ou vocales pré-programmées). Le sentiment, disais-je, que nous avons finalement sauté l'étape du "langage naturel" (remember ces pubs pour le minitel qui vantaient – déjà – la prodigalité du requêtage naturel et de la recherche "d'amis"), non pas tant par incapacité technologique à la mettre en oeuvre mais parce que les acteurs du search ont très tôt mesuré son faible rendement, et lui ont préféré le profit, au profit d'un escamotage expressif censé permettre d'anticiper l'essentiel de nos désirs, de nos requêtes, censé faire l'économie de leur formalisation. Tant il est effectivement plus simple et pus rentable de proposer des réponses plutôt que d'écouter des questions (et c'est le prof qui vous parle 😉 En supprimant la nécessité de la question, on supprime du même coup la possibilité même d'une rationalisation, d'un "sur-moi" du requêtage, lequel requêtage cède alors pour le meilleur à une pragmatique de l'urgence suggérée ou de la recurrence assistée (les questions les plus souvent posées) et, pour le pire, au pulsionnel.
Le graal d'un world live web enfin atteint a presque effacé les enjeux technologiques et algorithmiques liés à la captation en temps réel du plus grand gisement de données de la planète au profit du pragmatique désenchantement d'une performabilité du requêtage qui se doit de renforcer des certitudes plutôt que de satisfaire des curiosités. Les toilettes du transit, le toilettage du traffic, plutôt que le cabinet de curiosités.
Question de préfixe.
Reconnaissance faciale. Reconnaissance vocale. Et la connaissance qui ne peut toujours se construire dans la seule reconnaissance. Qui a besoin de méconnaissances là où d'autres n'ont besoin que de mes connaissances, au double sens du terme (= ce que je sais/fais, ce que savent/font mes "amis").
Et maintenant. Que va-t-on faire ?