#inistgate : l’empire contre-attaque

17 jours.

Il aura donc fallu 17 jours, et un tweet qui restera dans les annales de la communication de crise institutionnelle, pour que le CNRS et l'Inist répondent enfin à des questions de journalistes. C'est en l'occurence Aurélie Champagne sur Rue89 qui a "fait le job" et est allé recueillir les impressions de ces messieurs-dames. Le résultat est à lire ici : "Le CNRS, "pignouf" qui pille les chercheurs ?"

Pignoufs.

Sans surprise, le vaisseau amiral CNRS/Inist et l'étoile noire (CFC) se renvoient copieusement la balle. On n'apprend donc in fine que très peu de choses dans l'article mais on à tout de même plusieurs infos (remember la stratégie Monsanto 🙂 et confirmations intéressantes.

Faire traîner. Ils y sont l'un et l'autre bien décidés. "L’Inist-CNRS annonce la publication imminente d’un « document » en réponse à la colère des chercheurs." Nous verrons.

Techniciser. Rendre le débat inaudible et opaque. Un porte-parole de Cyrille Macquart, directeur général de l’Inist-CNRS indique à Rue89 que :

"Les documents vendus et publiés dans des revues et les documents déposés
dans des archives ouvertes sont rarement les mêmes versions : nos
utilisateurs et nos clients veulent des publications “in fine”, validées
et révisées par les pairs. Ça n’est pas le même document. Nous aussi,
nous prônons l’open access.
"


Pardon mais, bullshit.
Tout cela est bullshit. "Rarement les mêmes versions". Oui. Mais occasionnellement les mêmes aussi. Exactement les mêmes. Et pour le reste, le porte-parole fait référence aux préprints.

"Un preprint est une version d'un article scientifique qui n'a pas
encore été publié dans un journal, et n'a donc pas été validé par un
comité d'experts scientifiques."

A ceci près que comme en attesteront nombre des 300 auteurs, directeurs de revues, responsables de collection et autres signataires, pour les articles vendus par l'Inist ET disponibles également en Open Access, bref pour ce que l'on dénonce depuis 17 jours, ce ne sont pas les versions preprints qui sont déposées en archives ouvertes mais bien les versions "in fine", validées et révisées par les pairs". Pour être parfaitement exact, ajoutons que, notamment en SHS (sciences humaines et sociales) les auteurs ne déposent en préprint que lorsqu'ils sont sûrs que leur article est accepté et que le revue par les pairs a déjà été effectuée (sinon ils passent pour des charlots aux yeux de leurs collègues, et personne n'aime passer pour un charlot aux yeux de ses collègues). La différence essentielle entre un "préprint" et une publication "in fine" tient alors tout entière dans le choix d'un double-colonnage ou d'une feuille de style conforme au look et aux normes de mise en page de la revue acceptante.

Mais là n'est pas l'essentiel.

L'essentiel (que nous ignorions et qu'à permis de révéler l'article de Rue89) c'est le pourvoi en cassation de nos petits camarades. Un pourvoi qui en dit long sur leur volonté de sauvegarder le fonctionnement d'un outil "qui ne rapporte rien" (d'ailleurs, comptabilité publique et tout et tout, il est où le bilan comptable précis de Refdoc ??? Faudra-t-il aller le demander à la CADA pour savoir exactement à quelle hauteur cela ne rapporte rien ?) Et qui en dit encore plus long sur le jeu des deux larrons qui s'entendent à merveille pour berner leur petit monde, sur le mode c'est pas moi c'est lui. A ce titre le passage suivant vaut son pesant de "aaargh"

Qui s’est pourvu en cassation ? Le CFC, affirme l’Inist-CNRS.

« Désolé de contredire l’Inist-CNRS », rétorque le CFC. « Le CNRS fait bien partie du pourvoi. »

Après vérification auprès de la Cour de cassation, c’est bien le duo Inist-CNRS qui a déclenché la procédure de pourvoi.

Voilà. Y'a un pourvoi. Donc on peut pas dire que c'est jugé. Ni que c'est illégal. Même si cela a déjà été jugé deux fois comme tel. C'est malin hein ? C'est pas joli mais c'est malin.

Et puis il y a la cerise sur le gâteau.

Qui montre qu'au sein même de l'Empire on ressent de grands déséquilibres dans la force. Quand l'Inist/CNRS explique que "y'a pas d'souci, on est dans les clous, de toute façon, c'est le CFC qui est censé gérer les aspects chiants du droit d'auteur et des autorisations de reproduction, et pour ça on lui file l'aumône (2 euros sur 11 que coûte l'envoi de 5 pages photocopiées)" et que, côté CFC, "le directeur général adjoint Philippe Masseron, réagit aux prix de ventes exorbitants des articles, dénoncés par les chercheurs" comme suit :

« La politique commerciale mise en œuvre par l’Inist-CNRS est le problème du CNRS. Il ne s’agit pas de leur renvoyer la balle, mais en l’occurrence, c’est d’abord leur problème »

On se dit que la guerre psychologique a commencée. Et que l'on sait comment cela va finir 🙂

"La psychologie, y’en a qu’une : défourailler le premier."

 

3 commentaires pour “#inistgate : l’empire contre-attaque

  1. Bonjour,
    Sans vouloir en rajouter, quand on cherche sur tel.archives-ouvertes.fr/ , où sont déposées ce qui semble fortement être la version de soutenance de très nombreuses thèses, on trouve des ce qui ressemble fortement à des versions de soutenances.
    Et il semble également fortement, au vu des notices descriptives, que quand ces mêmes thèses sont vendues sur Refdoc, il s’agisse également des versions de soutenance.
    En gros, c’est pareil. Exactement pareil.
    Et, réaction de l’Inist ou hasard, les thèses que je viens de tester au hasard sont annoncées disponibles sur Refdoc, mais impossibles à commander. Soit c’est un bug, soit ils prennent conscience du caractère critiquable de la vente de certains documents.
    (un exemple : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00689878 & http://www.refdoc.fr/Detailnotice?idmono=185914)

  2. Réponse de l’INIST à ma demande de déréférencement :
    « Suite à votre demande nous vous informons que vos publications ne sont plus signalées dans REFDOC.
    Cependant, nous vous remercions de bien vouloir nous confirmer pas tout moyen à votre convenance que vous détenez l’accord des co-auteurs pour dépublication. »
    Cette réponse favorable veut bien dire qu’un « opt out » est possible. Mais le pb n’est il pas plutôt celui de l’opt in?
    Mes chers co-auteurs, pas plus que moi, n’ont donné leur accord pour figurer dans cette base…
    Ils parlent de « dépublication » pour « déréférencement » : ils n’y comprennent rien ou bien leur communication se fait dans une telle urgence que plus personne ne contrôle rien?

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