Facebook devient #Facebook

12 Juin 2013. Facebook annonce l'adoption du #hashtag au sein de son service. On va faire court.

Primo, cela doit nous remettre en mémoire qu'au-delà des arcanes de l'algorithmie opaque de ces environnements numériques, le "clé" organisationnelle des usages repose et reposera toujours sur un vieux machin inventé par les bibliothèques il y a de cela environ 4 siècles : l'indexation.

Deuxio, Frédéric Cavazza explique parfaitement les enjeux et logiques publicitaires qui sous-tendent cette adoption.

Tertio, les #hashtags, sont pour un type qui a effectué sa thèse sur les liens hypertextes (= moi), avec feu les rétroliens (trackbacks), des objets d'étude absolument passionnants et fascinants (si, si). La preuve, pour piger à la fois l'intérêt des #hashtags et les raisons pour lesquelles Facebook s'y intéresse, le mieux est encore de relire ce vieux texte que j'avais commis en 2010 sur le sujet. Comme je suis sympa et comme ça me fera de la visite, en voici un long extrait :

Un hashtag est un mot-clé. Plus précisément, c’est une fonctionnalité
d’indexation liée au service de micro-blogging Twitter. Il s’agit, au
sein d’un message (un tweet), d’un mot ou d’une concaténation de mots,
précédée du symbole dièse (#), et permettant de l’indexer, soit pour
pouvoir suivre l’ensemble des messages ainsi balisés soit pour leur
ajouter un niveau de sens différent. #exemple
Tout comme les
mots-clés ou « tags » des folksonomies, les hashtags participent
pleinement au processus de redocumentarisation aujourd’hui à l’œuvre sur
le web. Eux-mêmes d’ailleurs, se prêtent à de nouvelles scénographies
documentaires. Ainsi le site WhatTheHashtag permet de retrouver la
signification d’un Hashtag ainsi que d’autres informations contextuelles
à son sujet (contributeurs l’utilisant le plus, fréquence d’utilisation
sur les sept derniers jours, mais aussi autres hashtags et sites web
associés).

L’INDEXATION : DU MARQUAGE AU REBOND, DE LA RARETÉ A L’ABONDANCE. 
Hier,
l’indexation était autant une technique documentaire qu’une trace
mémorielle scriptuarisée – et parfois sanctuarisée. Aujourd’hui, avec
l’arrivée des folksonomies, de l’indexation sociale du web contributif,
du temps réel, de la synergie presqu’immédiate entre les temps jadis
distincts de la recherche, de l’accès et de la consultation, elle a
effectuée une mue cardinale. Sans se départir de ses vertus premières, 
elle a désormais pour vocation principale de favoriser la recherche par
sérendipité c’est à dire de faire naître ou d’amplifier la capacité de
rebond inscrite à chaque carrefour de nos navigations sur le web, dans
la plus petite unité d’information disponible. C’est une véritable
ingénierie de la sérendipité qui se met en place.
En d’autres
termes, l’indexation est passée d’une économie de la rareté (rareté du
sens permise notamment pas les différentes techniques de
désambigüisation, le travail sur les renvois), à une économie de
l’abondance où l’on ne se préoccupe guère des « risques » d’ambigüité,
d’homonymie, comptant sur l’aspect massivement collaboratif et ouvert du
processus pour les atténuer ou, à l’inverse, acceptant ces risques
comme autant de chances nouvelles de s’orienter différemment dans de
gigantesques entrepôts de ressources hétérogènes.
Ce
basculement est fondamental : il ne s’agit plus seulement de gérer des
hiérarchies documentaires mais des hétérarchies de ressources et de
parcours.

Indexer : qui, quoi, où, comment ?
Dès lors, l’indexation sociale s’affranchit d’un certain nombre de
savoirs et d’héritages professionnels. N’importe qui peut en effet se
trouver en situation d’indexeur : simples usagers de services,
producteurs ou consommateurs de contenus, novices ou experts. Ensuite,
la granularité des ressources indexables s’élargit considérablement :
au-delà des ressources scientifiques et des objets culturels, c’est
l’ensemble des photos, vidéos, documents de travail, billets de blogs et
autres « profils » sur les réseaux sociaux qui entrent dans le champ
des objets indexables, et ce qu’ils « m’appartiennent » ou me soient
étrangers. Enfin ce sont les finalités et la nature de la tâche
d’indexation qui se diversifient : on peut indexer « à la volée » (en
même temps que l’on parcourt ou découvre des ressources), pour son seul
usage personnel ou à destination explicite d’une communauté d’intérêt ou
de pratique, en parfaite connaissance de cause ou dans une totale
ignorance du sujet ou de l’objet du processus.

L’indexation : industrielle ou sociale ? On
oppose souvent l’indexation sociale, participative, contributive, à
l’indexation « sérieuse » (c’est à dire normée) et à l’indexation
d’abord machinique (informatique) puis aujourd’hui industrielle telle
que pratiquée par les moteurs de recherche. Opposition factice à bien y
regarder.
Ainsi Google, qui revendique et affiche comme l’un des
motto de la firme ne pratiquer « aucune intervention humaine dans nos
résultats de recherche », pratique pourtant sans cesse l’indexation
humaine et collaborative : chacune de nos requêtes couplée à chacun de
nos clics sur tel ou tel résultat issu de cette requête équivaut
littéralement à une qualification humaine du résultat de la requête,
qualification qui sera ensuite intégrée dans l'ensemble des paramètres
algorithmiques permettant, pour l'utilisateur identifié et/ou pour
l'ensemble des requêtes semblables déposées, de faire varier
l'ordonnancement des résultats. Dit autrement, le couple « requête /
activation d'un lien de la page de résultat » équivaut exactement à la
procédure qui, dans les folksonomies, fait correspondre un ou plusieurs
mots-clés librement choisis à une page web.
L'indexation à l'ère industrielle est donc nécessairement sociale.

La suite est là.

 

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