A ma gauche, la France, un ouvrage de littérature jeunesse tiré à moins de 1500 exemplaires, titré "A poil", et dont Jean-François Copé dit Jehan le Prude est devenu le VRP officiel.
A ma droite, le monde, un réseau social de plus d'un milliard de profils qui annonce la possibilité de sortir du choix binaire entre "homme" ou "femme" pour proposer plus de 50 options transgenre différentes. Oui le même site que celui sur lequel on ne peut précisément pas être "à poil", où seule l'entière nudité de nos données ne choque personne. Car nos données sont glabres. Nos données n'ont pas de poils. Les données de la mâitresse à poil n'ont pas de poils.
Moi je m'en fous. Parce que depuis tout à l'heure je suis devenu transsexuel sur Facebook. J'ai menti à 450 amis, dans un monde d'un milliard de profils, sur mon identité sexuelle. Comme des millions d'autres, tout ou partie de mes infos "de profil" sont fausses. Je peux mentir car on ne me voit pas. Je peux dissimuler.
Dans un livre qui s'appelle "A poil", on ne ment pas. On ne dissimule rien. On voit que les maîtresses ont des seins, que les PDG ont un zizi, que les banquiers ont des poils. On lève un voile sur le vrai. On oublie "l'apparence". On apprend à faire avec. A questionner. A mettre des mots sur des poils, des gros ventres, des petits zizis, des seins plus ou moins fermes, plus ou moins gros. Les mêmes poils, seins, zizis que l'on ne verra jamais sur Facebook. Alors, doucement, on trouve sa place. On la construit. Avant la grande migration numérique où ne comptera essentiellement que notre profil "apparent". Que notre capacité à farder le vrai. Jusqu'au jour où l'on se retrouvera … à poil.
Si j'avais le temps, je vous ferai bien un long billet sur la question du genre, de la production des normes sociales, de l'impact d'écosystèmes comme Facebook sur lesdites normes sociales, sur le rôle vital que joue, précisément la publication d'albums jeunesse presque parfaitement confidentiels sur les mêmes sujets, sur la question du politique, du décalage, de la connerie.
Heureusement je n'ai pas le temps. Et heureusement d'autres s'en sont remarquablement déjà chargés.
> Je peux mentir car on ne me voit pas. Je peux dissimuler.
C’est vrai tant que personne ne peut vérifier « l’intime ». Aujourd’hui, des sociétés comme Google ou Facebook « savent » les choses qu’il est possible de cacher (y compris de nous même).
Source approximative : http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0073791