L'autre jour que j'étais en train de donner mon cours de culture numérique à mes étudiants de DUT infocom, et que nous regardions et commentions ensemble une vidéo du camarade Hervé Le Crosnier sur le sujet de la publicité, nous nous sommes arrêtés un instant sur le passage où Hervé décrit les mouvements "anti-pub" et leurs stratégies qui consistent soit en un détournement (le plus souvent parodique) d'une publicité source, soit en un appel à "débrancher" (la télé par exemple), ou à "aller débrancher" (les panneaux lumineux le soir à l'entrée de grandes zones commerciales toujours par exemple).
De là, je réexpliquai l'importance du "détournement" dans le monde numérique. L'importance de pouvoir comprendre les algorithmes pour mieux pouvoir les détourner, indépendamment des raisons ou du caractère judicieux dudit détournement. Et de citer comme exemple le Google Bombing et quelques trous du cul, devenu difficilement praticable, et de rappeler que si l'on pût un temps "bomber" le PageRank il fut et demeure impossible de "bomber" l'Edgerank (algo de Facebook).
Et si l'on ne peut plus rien détourner, ou alors au prix d'efforts inaccessibles au profane, si l'on n'a pas connaissance d'outils de type "adblock" dont la durée de vie et d'efficacité est conditionnée à l'ouverture du code-source du navigateur hôte, alors ne reste plus que la solution de "débrancher". Débrancher son ordinateur, sa tablette, son smartphone.
Or si tout le monde se met à débrancher (oui je sais cela n'arrivera jamais mais c'est juste pour la clarté de ma démonstration, z'allez voir), or si tout le monde se met à débrancher, le modèle économique de régie publicitaire de Google, Facebook et consorts va en prendre un coup.
Il leur faut donc se mettre en quête de supports publicitaires à la fois omniprésents, avec une plage d'exposition maximale, et … indébranchables.
Et là je vous pose la même question que celle que j'ai posé à mes étudiants : "qu'est-ce qui dans votre environnement quotidien, au bureau, chez vous, qu'est-ce qui occupe une place centrale et que vous ne débranchez JAMAIS, ou que vous êtes OBLIGÉS de brancher tous les jours ?"
Et oui. Votre frigo. Votre chauffage (en hiver). Votre chaudière. Voilà pour la catégorie "indébranchables". Et pour la catégorie "débranchables mais obligés d'être branchés une ou plusieurs fois par jour" nous avons vos machines à laver, vos cafetières, vos théières, etc. Et puis aussi, tiens, votre voiture, qui s'arrête de rouler si elle est "débranchée". Ça y est ? Z'avez pigé ?
Frigo, chauffage, chaudière, voitures sont les supports publicitaires idéaux. Indébranchables, omniprésents, temps d'exposition maximal (on passe devant ou dedans plusieurs fois par jour).
Je répète mais avec des liens cette fois. Frigo, chauffage, chaudière, voitures sont les supports publicitaires idéaux. Derrière chaque objet connecté, une mine de publicités, des gisements encore inexploités de temps de cerveau disponible. Et oui. Le rachat de Nest par Google n'a pas pour seule ambition de bâtir notre domicile terminal, mais également de s'offrir le nirvana du support publicitaire : indépassable, inévitable, indébranchable.
C'est pas les autres. L'enfer, c'est la pub.
Ou comment aborder les objets connectés… diantre j’aurais bien aimé être à la place de vos étudiants.
Concernant la publicité et les objets connectés, une vision cauchemardesque est également abordée dans l’épisode 2, « 15 millions de mérite », de la série « Black mirror »… où il faut payer pour passer la publicité.
J’en profite également pour vous remercier de ce flot annuel d’articles qui ne manquent pas de piquer ma curiosité