Prenez « Notes » : Facebook a quelque chose qui blog

Facebook est en train de tester une nouvelle version de sa plateforme "Notes" permettant de rédiger des contenus "longs". L'outil Notes avait été lancé il y a quelques années par le réseau social mais n'avait jamais réussi à trouver un réel écho chez les utilisateurs de la plateforme.

Un porte-parole du réseau social a confirmé qu'ils "testaient une mise à jour de Notes pour faciliter la possibilité de créer et de lire des contenus plus longs sur Facebook" ("We’re testing an update to Notes to make it easier for people to create and read longer-form stories on Facebook.")

Pour accéder à l'actuelle version de "Notes" il faut cliquer sur son profil, puis sur l'onglet "about" et faire défiler un interminable ascenceur jusqu'à enfin tomber sur la section "Notes".

Notes

Avec un résultat disons … assez … sobre.

Notestest

D'une interface médiocre à l'interface de Medium.

Cette nouvelle version de Notes ressemble étrangement à une autre plateforme qui depuis quelques années rencontre un vif succès pour l'activité d'écriture "longue", je veux ici parler de Medium. Or il y a peu de temps, Teehan Lax, l'un des "chief designer" de la 1ère version de Medium a rejoint les rangs de Facebook. Ceci expliquant probablement cela …

FbnotesCopie d'écran de Facebook Notes ou de Medium ? Dans tous les cas, "The Plateform is The Message" 😉

Comme le souligne Jacob Kastrenakes dans un edito pour The Verge : "Facebook wants you to blog." (voir aussi l'article de Presse-Citron). Facebook veut que vous blogguiez. Facebook veut dépasser la routine des statuts, likes, jeux en ligne et autres "check-in" pour devenir une plateforme de blog.

Tiers-espace éditorial.

Dans le domaine de l'activité de publication textuelle, deux écosystèmes cohabitent aujourd'hui sur le web : d'un côté l'écosystème des "statuts", des textes courts qui renvoient essentiellement à une activité de "signalement" inscrite dans une temporalité de l'instant, et de l'autre les "blogs", dont on annonce régulièrement la mort, mais qui continuent pourtant d'occuper un tiers-espace essentiel dans l'expression de la "démocratie internet", entre le format des grands médias installés et les statuts particuliers auto-référentiels.

On sait que du côté de l'écosystème des statuts, Facebook avait déjà repris – en Juin 2013 – le système des Hashtags mis en place par Twitter.

Dans un vieux billet de décembre 2011, "Extension du domaine de la statusphère", j'étais déjà revenu en détail sur l'importance stratégique pour Facebook de disposer d'un espace de publication "long" afin de mieux pouvoir, d'une part, qualifier et documenter le profil de ses utilisateurs, et d'autre part de renforcer sa logique d'internalités en augmentant ainsi la masse de son centre de gravité au détriment d'autres écosystèmes attentionnellement concurrents (les plateformes de blog donc).

De fait, cette possibilité offerte depuis 2011 de publier des statuts de plus de 63 000 caractères (soit l'équivalent d'une vingtaine de pages word) était donc redondante avec l'existence même de l'outil "Notes". Et la difficulté ergonomique d'accès à "Notes" rendait le recours aux statuts étendus plus naturelle pour les utilisateurs du réseau social.

Si Facebook choisit aujourd'hui de relancer ce qui ressemble à une plateforme de blog "interne", c'est pour les raisons que je viens de décrire, mais c'est également probablement, à terme, un élément de sa stratégie actuelle à l'égard de la presse et des médias, incités à publier "nativement" sur Facebook, leur offrant ainsi un espace à l'ergonomie entièrement revue pour la mise en scène de leurs contenus. De la même manière qu'il est actuellement en guerre technologique et attentionnelle avec Youtube du côté de la vidéo, la stratégie derrière cette nouvelle version de "Notes" est une déclaration de guerre équivalente pour les actuelles plateformes dépositaires de l'activité du temps long de la publication.

"Je n'ai pas eu le temps de faire plus court."

Dans le domaine du texte comme dans celui de la vidéo, on retrouve aujourd'hui à l'échelle de l'écosystème du web cette tension presque ontologique entre les formats "courts" et les formats "longs". Et à l'observer en diachronie on constate là encore à quel point l'émergence d'outils de publication (texte ou vidéo) faisant la part belle à une forme d'ultra-brièveté est, une fois l'effet de mode passé, presqu'immédiatement compensée par différentes tentatives de faire revenir au premier plan des espaces de publication beaucoup plus extensifs. Ce besoin tient à la fois au souci des plateformes de pouvoir jouer sur les deux tableaux (temps long versus brièveté et instantanéité) pour mieux qualifier et cerner leurs audiences, mais également à la nécessité et au besoin des utilisateurs de pouvoir disposer d'outils et de plateformes répondant à des besoins éditoriaux et à des usages radicalement différents.

En relançant la plateforme "Notes", Facebook, à l'instar de ses concurrents (notamment Google), tente donc de jouer sur plusieurs tableaux à la fois : offrir un espace de publication long pour mieux qualifier son audience, proposer une plateforme concurrente aux actuelles plateformes de blog, mais aussi être capable, en jouant sur les internalités, de mieux "indexer" nativement et donc de mieux rentabiliser cette manne textuelle.

The platform is the message.

Dans tous les cas, c'est moins aujourd'hui le "medium" que la "plateforme" qui est, au sens de Mc Luhan, "le message". Et le message de Facebook est limpide : à chaque usage, sa plateforme fonctionnelle dédiée et directement accessible au sein même du réseau social.

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