Le Jeu. Et l'application.
Sur des Ipads fânés, des smartphones vieillis, 
 Pâles, le regard pris, s'agitant, frénétiques,  
 Grimaçant, et faisant de leur bouche entrouverte 
 Tomber un cliquetis de jurons et de cris;
Dans des salles d'attente, dans la rue, sur la grève, 
 L'application leur dit : "il le faut, il est temps", 
 Et des doigts convulsés d'une infernale fièvre,
 Fouillent la poche vide ou le sein palpitant;
C'est dans de vastes stores, où tout est "populaire" 
 Rayonnages entiers qui se paient d'attention, 
 Qu'ils vont télécharger celle qui pour leur plaire
 Leur fera oublier jusqu'à leurs intentions;
Voilà le noir tableau qu'en un rêve nocturne
 Je vis se dérouler sous mon oeil clairvoyant.
 Moi-même, dans un coin, du store taciturne, 
 Je me vis hésiter, froid, muet, enviant,
Enviant de ces gens l'aliénation tenace,
 De ces gamers hagards la funèbre gaieté,
Quand tous gaillardement inondaient mon profil, 
 Là d'une invitation, là d'un exploit bien vil!
Et mon coeur s'effraya d'envier maint pauvre homme
 Jouant avec ferveur à Candy Crush, gagnant, 
 Et qui, soûl de son temps, préfèrerait en somme 
 Acheter d'autres vies, que l'appli ne lui donne !
———–
L'original est là.
