Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La priorisation des contenus** (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour Majors et grand opérateurs,
Faisait aux usagers la guerre.
Ils ne se déconnectaient pas tous, mais tous étaient frappés :
On en voyait plein d'occupés
A chercher le soutien d'une connexion neutre ;
Nul débit n'excitait plus leur envie ;
Ni libre concurrence ni offre à la demande n'aidaient
ces douces et innocentes proies.
Les FAI se défiaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le roi Google tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que les lobbys ont permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
Mes propres contenus ou ceux de mes vassaux j'ai souvent surclassé,
J'ai aussi collecté et conservé moultes données des usagers, sans qu'ils en soient toujours informés.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense.
Même il m'est arrivé quelquefois de revendre à des tiers ces données,
Ou de les en déposséder.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le vassal Facebook, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, collecter des données de ces usagers là pour en faire publicité, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les vendant beaucoup d'honneur.
Et quant au droit à l'anonymat l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces idées qui sur la société
Répandent idées nazies, incitent à la pédophilie.
Ainsi dit Facebook, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
D'icelui, de Twitter, de Youporn, d'Amazon ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Internaute vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un espace de Peer 2 Peer passant,
Le désir, l'occasion, réseau le permettant, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je partageais dans cette lande des contenus sous droits.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur l’internaute.
Un lobby d'industrie quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit internaute,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Diffuser les contenus d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la fin de la neutralité du net n'était capable
D'expier son forfait en permettant aux gens de cour de promptement déréguler le prix des leurs : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
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** La priorisation des contenus est en passe d'être votée aux USA par la FCC. Ce vote signerait la fin du principe de neutralité du net comme l'explique – notamment – cet article du journal Le Monde.
Troisième fable connectée et troisièmes excuses au camarade Jean. L'original est là.