Depuis son lancement, le site du Décodex lancé par le journal Le Monde est au centre d'une polémique. Les copains de SavoirsCom1 ont – merci à eux – dressé la carte de cette controverse et publient un billet critique mais cependant modéré autour de l'initiative.
La polémique tourne principalement autour des arguments suivants :
- la faiblesse de l'échantillon choisi (600 sites pour l'instant), en effet une goutte d'eau dans l'océan des Fake News, dans l'océan de l'information tout court.
- l'arbitraire des critères : en gros Le Monde collerait systématiquement une pastille verte aux sites de toutes les "rédactions" au sens journalistique du terme et une pastille orange dès lors que l'on ne dispose pas de carte de presse. L'autre arbitraire souligne que l'on pourrait lire dans les sites "verts" différentes connivences liées aux partenariats du site Le Monde.
- l'autorité morale : et là aucun mot de semble trop fort pour certains : on parle de censure, de dictature des élégances, d'inquisition, de nouvel "enfer" (au sens de l'enfer – les ouvrages interdits – des bibliothèques à la grande époque de l'inquisition).
La grille d'analyse proposée par le décodex.
Pourquoi tant de haine ?
Alors oui l'échantillon est faible. Mais il a le mérite d'exister.
Alors oui également il y a des publications en ligne qui ne comptent parmi leurs rédacteurs aucun détenteur d'une quelconque carte de presse mais dont la qualité et le souci de rigueur n'a rien à envier à certaines rédactions.
Alors oui Le Monde lui-même est capable de se prendre les pieds dans les Fake News et n'est pas exempt de reproche en la matière.
Alors oui moi aussi ça me fait un peu mal au cul de voir que Valeurs Actuelles a sa pastille verte et que le journal Fakir écope d'une pastille orange.
Alors oui il existe une liste de 600 sites parmi lesquels certains ont un bon indice de confiance et d'autres sont pointés comme évidents fournisseurs de Fake. S'agit-il pour autant d'un index permettant de blacklister ou d'interdire la consultation de ces sites ? En aucun cas. Chacun reste libre.
Mais quel est l'objet du Décodex ? D'être un outil. Perfectible. Immensément perfectible mais juste un outil.
Mais quel est le sujet du Décodex ? Fournir une liste de sites accompagnée d'un indicateur de fiabilité. La fiabilité de l'indicateur lui-même ou la méthodologie selon laquelle il fut construit peut-elle être discutée et critiquée ? A l'évidence. Doit-elle pour autant être condamnée pour ce qu'elle est ? Il me semble que non.
Et surtout à qui s'adresse le Décodex ? A des spécialistes de l'information et autres litératies numériques ? Non. La cible ce n'est ni les bibliothécaires, ni les professeurs documentalistes, ni, de manière plus générale, les gens déjà "éduqués" aux logiques de publication et de viralité consubstantielles au numérique. Il s'adresse en priorité à des publics "en formation" sur ces questions. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle en complément de l'outil du Décodex, Le Monde met également en place un certain nombre d'actions à destination des collèges et des lycées mais également des kits pédagogiques que chacun est libre de s'approprier. Ou pas.
Le Monde profite-t-il de l'impact de sa "marque" pour donner à cette initiative finalement assez confidentielle (600 sites …) une publicité un peu démesurée ? Probablement. Et alors ?
Qui est contre ?
Ce qui m'étonne encore davantage c'est qu'une partie non-négligeable de cette fronde anti-Décodex vienne du monde feutré des bibliothèques et des acteurs institutionnels de l'éducation aux médias. Ceux qui s'expriment contre le décodex viennent de deux communautés distinctes : soit il appartiennent aux sites qui n'ont pas eu leur pastille verte et ils râlent (et ils ont le droit), soit ils sont des spécialistes du monde de l'éducation aux médias.
Mais là encore qui les empêche de mettre en place ce genre d'outil ? Personne.
Qui les empêche de s'associer à l'initiative du Monde pour l'enrichir et/ou pour affiner l'approche méthodologique choisie ? Personne non plus me semble-t-il.
L'existence de cet outil (le Décodex) remet-il en cause le travail de terrain et l'approche épistémologique que ces collectifs, associations, laboratoires de recherche développent ? Nullement.
L'existence du Décodex délégitime-t-elle l'ensemble de ces professions de l'éducation aux médias en tirant la couverture et la compétence vers les seuls journalistes ? Pas davantage.
N'y a-t-il pas d'autres modèles, d'autres outils, d'autres communautés qui seraient plus vertueux et plus efficaces ? Si. Si, si. Certains existent d'ailleurs déjà. On pourrait, comme le fait SavoirsCom1, citer par exemple Wikipédia, qui fait ce travail depuis le début mais dans une autre optique et à une autre échelle, selon son propre régime de vérité qui n'est d'ailleurs pas si éloigné de celui du Décodex, c'est à dire la vérifiabilité.
D'ailleurs pendant qu'on disserte sur les vertus et les vices du Décodex, la communauté de Wikipédia est au boulot, à sa manière, elle recrée des liens que l'administration Trump a supprimés.
Il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un Fake.
La rapidité de ces prises de position anti-décodex et, parfois, leur violence (bisous Jacques Sapir) me pousseraient presque à défendre le Décodex qui n'est de mon point de vue, je le rappelle, qu'une toute petite goutte d'eau dans l'océan de l'éducation aux médias et à l'information. Chaque tentative de remettre un peu d'ordre dans le désordre documentaire de notre monde numérique me semble devoir être saluée. Même si elle est maladroite, incomplète, concurrente d'autres approches.
Même si l'approche est discutable, même si la masse critique est (pour l'instant en tout cas) ridicule, même si elle reproduit la vision d'une profession qui voit en vert tout ceux qui sont de ladite profession et à tendance à voir un peu tout le reste en orange ou en rouge, je préfèrerai toujours que ce soient des journalistes (je rappelle ici que l'équipe des décodeurs du monde fait quand même depuis déjà quelques années un putain de remarquable boulot), des bibliothécaires, des professeurs documentalistes, des spécialistes de l'éducation aux médias que se collent le travail de trier le bon grain de l'ivraie plutôt que de laisser "les plateformes", "les algorithmes", et les modérateurs exploités aux Philippines s'en charger. Toujours.
Alors arrêtons de déconner. C'est bon. Le Décodex est décodé. Ses sources (les 600 sites) sont publics, sa méthodologie l'est également. Il est utile de documenter la controverse, mais il (me) semble bien inutile de la poursuivre.
(la carte heuristique de la controverse autour du décodex produite par SavoirsCom1)
Arrêtons de déconner. Remettre en cause de manière aussi violente et systématique une toute petite tentative d'y voir un tout petit peu plus clair pour certains publics c'est in fine participer de manière périphérique à la grande vocifération nauséabonde contre "les médias" et alimenter, même à son corps défendant, les faits alternatifs et autres post-vérités.
Arrêtons de déconner, et continuons de décoder. Tranquillou.
Sans compter que la démarche du Monde est finalement assez transparente… ce qui n’est pas le cas par exemple, des manipulations algorithmiques de FB, très opaques : abonnes.lemonde.fr/pixels/article/2017/02/01/facebook-change-de-nouveau-son-algorithme-pour-moins-mettre-en-avant-les-informations-douteuses_5072610_4408996.html
par ailleurs c’est un détail mais valeurs actuelles est passé en orange.
« Qui les empêche de s’associer à l’initiative du Monde pour l’enrichir et/ou pour affiner l’approche méthodologique choisie ? Personne non plus me semble-t-il. »
Olivier Berruyer a bien tenté de discuter avec Le Monde sans qu’aucun argument simple et logique n’atteigne ses interlocuteurs qui ne semblent aucunement prêts à accepter doute et remise en question.
Voir http://www.les-crises.fr/scandale-un-fake-etait-la-source-du-monde-pour-pourrir-ma-reputation-fake-invente-par-bruno-zeni-sur-lemonde-fr/
Bonjour, vous n’évoquez pas différents problèmes, mais je ne vais en citer qu’un, que vous ne devriez pas être en mesure de nier : il faut faire la différence entre une information et un support d’informations. Noter les supports d’informations (donc noter des infos « en masse », but assumé du décodex), c’est à la fois considérer que les sources de ces supports n’ont plus à être questionnées si la note est bonne, mais aussi mettre au pilori des sites dont la note n’est pas bonne (je ne me vois plus recommander à un proche d’aller voir « tel article sur site noté rouge sur le décodex » puisque je sais que mes proches me tiendront dès lors pour être conspirationniste reptilien). Face à des médias présentant des informations de qualité variable (ce qui est extrêmement vrai sur les blogs), il n’y a de pertinence potentielle qu’en l’évaluation des informations au cas par cas. Le problème c’est l’outil lui-même, pas la pertinence des classements réalisés (donc il ne sert à rien de les améliorer)… Au final, y a t il UNE source fiable ? Non. Le Monde attaque-t-il avec sa notoriété des acteurs sans pouvoir de défense équivalents (blogs, comptes twitter ou facebook, sites d’associations …) ? Je crois bien, oui.
La méthodologie du Décodex (si elle existe vraiment) n’a rien de transparent. C’est, il me semble, le fond du problème.
Tant qu’il n’y aura pas de critères fiables, vérifiables et criticables par tout un chacun (et pas seulement par les élus du Monde,) cet outil ne peut avoir qu’un effet pervers. Qui contrôle le thermomètre, contrôle (jusqu’à un certain point,) la perception que le grand public peut avoir du climat.
Donc arrêtons de déconner, le Décodex, à son démarrage, n’a en rien la transparence que Wikipédia présentait à ses débuts (et qui s’est beaucoup améliorée depuis.) Ce n’est pas bon signe. Et c’est là que le Décodex déconne !
Voici un exemple de fact-checking qui devrait intéresser les décodeurs :
https://www.youtube.com/watch?v=elVggMw7vG0
Je ne suis pas d’accord avec ton analyse, qui considère ce travail du Monde comme étant « mieux que rien ». Leur positionnement de « sachants objectifs » est dangereux. Le monde est un journal orienté, comme toute publication. Le fait qu’ils jugent les autres et distribuent un indice de fiabilité qui se veut objectif, donc universel, en discréditant certains autres journaux, pour cause de « non objectivité » (par exemple Fakir), c’est assez révélateur du positionnement du Monde et ça me dérange profondément.
Cf ici, où l’auteur parle de ça mieux que moi :https://grisebouille.net/fakir-contre-le-reste-du-monde/
Pour voir et entendre les acteurs concernés débattre (Ruffin de Fakir, Samuel Laurent des Décodeurs et Louise Merzeau pour SavoirCom1, la dernière émission d’Arrêt sur Images (site nécessitant un abonnement – moins de 5 euros par mois) : http://www.arretsurimages.net/emissions/2017-02-10/Decodex-on-s-engage-dans-une-guerre-contre-les-fake-news-id9534
Daniel schneidermann a montré que Decodex a crée un fake pour justifier une note á un site.
Cette malveillance pleine d’ironie ne suffit-elle pas á enterrer ce projet dangereux?
Sur la méthodologie de l’évaluation, pas la peine de monter sur ses grands chevaux pour condamner Facebook, alors qu’il n’y a pas plus de « méthodologie » ni de « transparence » dans l’approche du Monde. Sur le fond, l’évaluation globale d’un support, que nous sommes nombreux à critiquer lorsqu’elle s’applique aux revues scientifiques, n’est pas une démarche pertinente. Tout comme une équipe de foot qui n’aurait connu que des victoires peut aussi rencontrer l’échec, personne ne peut garantir qu’un organe n’ayant diffusé que des articles irréprochables ne publie un jour un contenu problématique. La seule démarche scientifiquement acceptable est la validation article par article. Le reste n’est qu’une généralisation et une extrapolation sans valeur, qui traduit la position de l’évaluateur plus que la nature du support évalué.
Je suis très déçue par votre analyse ou par votre paresse intellectuelle ? Considérer que cette tentative de validation est : 1. « mieux que rien », 2. qu’elle s’adresse à un public de puceaux de l’information (vous ne le dites pas comme ça) devrait calmer les critiques sous prétexte que les critères d’évaluation sont connus et transparents ?
C’est un peu court non ? Les journalistes du monde sont tellement persuadés d’écrire en toute indépendance d’esprit…
Enfin puisque la démarche vous semble être la bonne et que vous encouragez la multiplication de ce genre d’outil, en voici un autre :
https://www.legrandsoir.info/le-decodex-alternatif-mefiez-vous-des-imitations.html
Silren
franchement je crois que vous êtes victime en cette affaire du decodex du Monde, d’une forme de pensée de survol, tout à fait inhabituelle de votre part.
que vous ne vous posiez pas, par exemple, la question préalable mais » qui va évaluer ces évaluateurs ? « , que vous ne la rapportiez pas à la situation des média « mainstream » en perte de crédibilité est de votre part assez surprenant..
ne prenez pas mal ce reproche ici de naïveté confondante ..car c’est vous, sur ce site, qui nous avez habitué à beaucoup mieux
« juste » un outil ? Peut-être, mais en forme de cheval de Troie pour préparer les esprits à l’idée qu’il existerait une « bonne » information, et une « mauvaise », le tout selon ce schéma archi archaïque du bon grain et de l’ivraie. Bonjour le progrès ! S’en servir qui plus est comme d’un « outil pédagogique », c’est apprendre aux jeunes à se contenter de juger les sites sur leur réputation, c’est-à-dire selon l’opinion la plus répandue qui est rarement la plus juste.
Sur ce coup, vous êtes très décevant, Monsieur le Maître de Conférence, je m’attendais à plus de perspicacité de votre part. Mais bon, vous avez manifestement choisi de ne pas être critique, donc vous ne trouvez aucune critique sérieuse à formuler. Vous craignez pour votre réputation ?