A propos de l’éloignement, des trous du cul, de la novlangue et de la politique migratoire de la Start-Up Nation.

Le 18 Février 2018 à 9h38 du matin, le compte Twitter du @Monolecte a publié la copie d'écran de cette offre d'emploi. 

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L'autre soir j'étais en train de regarder l'émission Quotidien avec une partie de mes enfants. Un jour je vous dirai tout le bien que je pense de l'émission Quotidien et de l'intérêt de la regarder avec ses enfants, mais pas aujourd'hui. Donc ce soir là dans Quotidien, Yann Barthès démontait, comme il en a l'habitude, différents éléments de langage.

Et il y avait de quoi puisqu'un tout nouveau tout beau venait de tomber aussi subitement que la dignité de Laurent Wauquiez du haut de sa fatuité.

Cela concernait les réfugiés : il ne fallait surtout plus parler d'expulsion(s) mais d'éloignement(s). Parce "qu'expulser" c'est un peu trop violent alors "qu'éloigner" c'est presque choupinou. Quand on te parle "d'expulsions" tu vois la réalité, c'est à dire des femmes, des enfants, des hommes aussi, arrachés les uns aux autres et qui pleurent et qui hurlent. Les enfants surtout et les mamans. C'est assez insupportable. Alors que si on dit "éloignement" tu es supposé moins penser à la réalité des expulsions et donc moins la voir, cette réalité.

Donc nous étions le 13 février 2018 et on voyait le ministre de l'intérieur expliquer comment, combien et pourquoi il allait "éloigner" tous ces gens

Eloigner

Du coup comme la linguistique et la langue me passionnent j'ai réfléchi aux glissements sémantiques de la novlangue. C'est passionnant la novlangue. C'est un instrument d'abrutissement très efficace mais passionnant. Par exemple de "femme de ménage" à "technicien de surface", de "concierge" à "agent d'accueil", ou de "ballon" à "référentiel bondissant" et de "crayon" à "objet scripteur", ou bien encore de "vidéo-surveillance" à "vidéo-protection", on voit très vite et très bien quelle est la logique de la réalité sociale ou culturelle que l'on cherche à effacer ou à masquer, quelles sont les populations que l'on cherche à enfumer. Alors bien sûr parfois la novlangue peut avoir des effets positifs. A ma connaissance cela n'a pas été documenté mais on peut éventuellement imaginer que le fait d'être un "agent d'accueil" est socialement plus valorisant que d'être qualifié de "concierge". Pourquoi pas.  

Mais bon, personne n'est dupe très longtemps.

Donc à Lille on cherchait à recruter en "Contrat à Durée Déterminée" (qui est en fait un emploi temporaire et précaire) un "chargé de l'éloignement des étrangers" (qui est en fait un chargé de leur expulsion), qui devait "piloter la gestion des étrangers incarcérés" (c'est à dire en fait remplir un tableau excel avec le chiffre des réfugiés emprisonnés à expulser), et qui devait aussi – formidable ! – "anticiper le calendrier des libérations" (ça fait presque calendrier de l'Avent vous ne trouvez pas ? Encore un coup et on s'attend à voir le papa Noel débarquer dans leurs cellules de prison, pardon, dans leurs "centres de résidence et de reconduite à la frontière"). Et tout un tas d'autres missions ô combien gratifiantes pour la somme de 1600 euros par mois, pendant deux moins donc. 

Seule occurence du mot "expulsion" dans cette formidable offre d'emploi, vers la fin, dans la dernière "mission" : 

"Mettre en exécution les décisions de la commission : arrêté d'expulsion, abrogation"

Bah oui, parce que forcément le vocabulaire du droit continue presqu'obstinément de dire le réel, et à ce jour aucun lobbying linguistique n'a permis de requalifier un "arrêté d'expulsion" en "arrêté d'éloignement" (mais même le bastion du droit finit par céder à la novlangue puisqu'on a déjà des "arrêtés de reconduite" …). 

Alors bien sûr face au tollé ayant suivi la publication de cette annonce parfaitement authentique, elle a été retirée et republiée avec un nouveau titre. Et là accrochez-vous, le "Chargé de l'éloignement des étrangers" est devenu … un "Juriste spécialisé en droit des étrangers". Authentique. Authentiquement cynique mais authentique

Juriste

Du coup pour en revenir au glissement sémantique opéré par Gérard Collomb entre "expulsion" et "éloignement" et à l'offre d'emploi sus-mentionnée, je me suis fait la réflexion suivante, qui tient en trois temps, et que je tenais à partager avec vous. 

Etant donné que ça a l'air de ne plus choquer ni étonner personne qu'on nomme "éloignement" des "expulsions", étant donné que le côlon désigne "le segment du gros intestin situé entre le caecum et le rectum chez les mammifères", et étant donné que le glissement sémantique opéré entre les termes "expulsion" et "éloignement" relève, sémantiquement toujours, d'une approximation par généralisation abusive, il est donc normal et naturel que le ministre de l'intérieur Gérard Collomb soit par approximation et généralisation abusive désormais également désigné sous le nom de Gérard Trou Du Cul. 

D'autant que na nouvelle dénomination fait sens et que c'est ça qui compte : car tous les gastro-entérologues vous le diront, plus on s'éloigne du trou du cul, et plus l'expulsion est compliquée. 

Alors de qui trou du cul est-il vraiment le nom ? A vous de voter. Moi je vote Gérard. Gérard Trou du Cul. Et je souhaite que notre démocratie nous permette de faciliter non pas son simple éloignement mais sa franche expulsion. Pour que la France résolve enfin son problème de Collomb. Un très gros problème.

<Mise à jour> On me signale que la notion "d'éloignement" n'est hélas pas une nouveauté. En 2004 déjà … Et au même moment sur le blog des correcteurs du monde on peut là encore tomber de sa chaise en découvrant le "virage inclusif" ainsi que la distinction entre les "avérés à la rue" et les "non-avérés à la rue". Vraiment ces gens méritent de gagner des séances d'acupuncture à la hallebarde. </Mise à jour>

 

 

4 commentaires pour “A propos de l’éloignement, des trous du cul, de la novlangue et de la politique migratoire de la Start-Up Nation.

  1. À noter que la vidéo surveillance et la vidéo protection sont deux dispositifs distincts relevant de deux textes différents. Quand il s’agit de mettre en place des caméras dans un lieu public, on parle de vidéo protection (et c’est la LOPPSI 2 qui s’applique) et quand il s’agit d’un dispositif similaire dans un lieu privé (entreprise, etc.), Il s’agit de vidéosurveillance, et cela relève alors de la loi LIL de 1978.

  2. Plusieurs choses risibles dans cet article colérique et infantile :
    – Ironique de voir un « maître de conférences en sciences de l’information » biberonner ses propres enfants à la soupe audiovisuelle qu’est Quotidien, c’est le niveau zéro de l’analyse de l’information mais son succès est à l’image de la médiocrité de l’époque que nous traversons.
    – Seconde ironie, c’est le fait que vous vous targuez d’être passionné par la linguistique et la langue tout en ayant le toupet de commencer deux paragraphes par « du coup », ce qui démontre une pauvreté manifeste dans votre vocabulaire ainsi que des faiblesses évidentes dans votre aptitude à choisir avec pertinence des termes (et adverbes, en l’occurrence) adéquats.
    – Vous perdez tous vos moyens dès que l’on parle d’appliquer la loi aux « réfugiés » qui seraient avant tout composés de femmes et d’enfants (or, vous savez pertinemment bien que c’est un mensonge ou alors vous êtes un adepte de la « doublepensée », ce sont très majoritairement des hommes), arguant qu’éloigner n’a pas le même sens qu’expulser. C’est un fait, le seul point sur lequel je suis d’accord. Pour ce qui est du reste… En premier lieu, c’est sous la pression constante des personnes de votre trempe que les médias et personnalités politiques finissent par tout adoucir et par conséquent par tout fausser. Secondement, le choix du terme « réfugié » rentre parfaitement dans ce que vous qualifiez de « novlangue », car le terme qui devrait s’appliquer ici est clandestin.

  3. Attention à la Novlangue 😉 nous ne sommes pas en démocratie mais en République pseudo-Représentative : « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Discours du 7 septembre 1789) Emmanuel-Joseph Sieyès https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel-Joseph_Siey%C3%A8s#Th.C3.A9ories_politiques_et_philosophiques
    Drags, je sais bien qu’il s’agit d’une dénomination légale, mais aucune caméra ne protégera, à-moins d’être équipée d’un système de gaz lacrymogène ou dispositif du genre 😉

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