J'ai donc changé de compte Twitter. Je l'avais annoncé et j'en avais expliqué les raisons qui tournaient autour de l'idée suivante :
"Je vais donc fermer mon compte Twitter lorsque j'atteindrai les 10 000 followers parce que j'ai envie d'avoir l'impression que je reste maître des espaces discursifs dans lesquels je m'exprime, pour garder une vague impression d'y être encore libre de m'y exprimer comme je l'entends afin, justement, de pouvoir me rassurer sur le fait que j'y sois entendu. Et que cette maîtrise, en tout cas sur Twitter, passe par une mesure. Et que 10 000 ce n'est plus une mesure mais, à mon échelle, la limite d'une dé-mesure."
Mon arrivée sur le réseau Twitter date d'Octobre 2008. Il m'a donc fallu presqu'exactement 10 ans pour atteindre 10 000 followers.
En plus des raisons expliquées dans cet article, le "pari" et l'étude que constitue ce changement de compte (au titre de l'observation participante) est de mesurer le ratio entre une audience bâtie sur des phénomènes de popularité éphémères (dans mon cas, le dernier en date est la reprise de mes articles sur les Gilets Jaunes et les passages médiatiques – radio, télé, presse écrite – qui ont suivi) et l'audience "réelle et raisonnable" liée à une communauté d'intérêt, de pratique ou de pensée.
Au moment où j'écris ces lignes (16 décembre 2018), je pense que l'audience "réelle et raisonnable" de mon compte se situe davantage autour de 2000 ou de 3000 followers qu'au-delà des 10 000. Nous verrons bien si j'ai raison ou tort 🙂
<Spoiler Alert> Nous sommes le 26 Février, je reprends l'écriture de cet article, et mon nouveau compte est à … 2867 Followers 🙂 </Spoiler Alert>
La bascule s'est effectuée le dimanche 16 décembre dans la soirée. La première "difficulté" fut d'arriver à créer un nouveau compte sans avoir à donner une nouvelle adresse mail ou un nouveau numéro de téléphone. Heureusement, Twitter accepte – pour l'instant – un simple alias Gmail en guise de nouvelle adresse. Mais cette difficulté renvoie une nouvelle fois à l'individualisation extrême qui verrouille l'usage de ces écosystèmes. Naturellement ce n'est pas compliqué d'ouvrir une nouvelle adresse mail pour ouvrir un nouveau compte, mais très vite on tombe sur la quasi-obligation de donner un numéro de téléphone "pour la sécurité", et là c'est quand même plus compliqué de changer de numéro de téléphone … Donc bref, un simple "alias" Gmail et hop c'est parti.
Deuxième "souci", je voulais pouvoir rapidement réimporter les quelques 670 comptes que je suivais et qui constituent pour moi la vraie valeur ajoutée de l'utilisation de Twitter (dans mon usage en tout cas). L'essentiel de ma "veille" passe désormais par l'agrégation de ces 600 comptes. Et là le petit plug-in "Mass Follow" disponible pour Chrome permet en deux minutes d'aspirer et de réimporter l'ensemble des comptes suivis. Petit moment de doute ne sachant pas si cette activité suspecte allait être détectée et punie par Twitter, mais bon, c'est passé.
Que faire de l'ancien compte ?
On me suggère (assez régulièrement) de ne pas supprimer mon premier compte. Et ce pour ne pas "perdre" tous les tweets et liens afférents. Certes. Mais 41 400 tweets valent-ils la peine d'être conservés ? Ceux qui méritaient (à mon goût en tout cas) une forme de sédimentation l'ont trouvé sur ce blog. Et pour le reste … Quel intérêt de conserver la totalité de nos conversations, saillies, commentaires ou réflexions d'un soir ? Vieille question déjà traitée dans ces colonnes en 2010 😉
L'autre raison (de ne pas supprimer l'ancien compte) est d'éviter que quelqu'un ne vienne "piquer" le nom "@affordanceinfo". Mais là encore, même si on s'attache forcément aux noms de comptes qui sont nos marqueurs et nos empreintes, nos traces virtuelles, je n'ai pas non plus envie de devenir une "marque" ni d'en déposer une, c'était même l'une des raisons de ma migration.
J'ai donc récupéré mon archive Twitter et je vais prochainement supprimer définitivement le compte @affordanceinfo (que j'ai pour l'instant passé en "privé").
Observations chiffrées.
Dimanche 16 décembre. Je commence à rédiger cet article. Changement de compte tard dans la soirée.
Lundi 17 décembre : à 11h j'ai déjà récupéré 730 followers, essentiellement les gens que je suivais et qui ont donc vu mon nouveau compte s'abonner au leur et se sont abonnés en retour. Le nouveau compte créé a été invisible (introuvable) pendant quelques heures, le temps que Twitter le valide et le laisse apparaître, et peut-être aussi le temps qu'il vérifie l'activité "anormale" d'import de plus de 600 followers. Le cap du premier millier de (ré)abonnés est franchi dès 18h ce lundi.
- Décembre.
- Mardi 18 décembre : à 16h j'en suis à 1311 abonnés. Ça se tasse 🙂
- Mercredi 19 : 1590 abonnés => Jeudi 20 : 1709 abonnés => Vendredi 21 : 1792 vers 23h. Premier optimum atteint. Dimanche 23 midi : 1871.
- Une semaine donc, semaine de vacances, pour récupérer quasi-automatiquement le premier millier et demi d'abonnés.
- Mercredi 26 décembre midi : 1899 => Vendredi 28 décembre : 1916 => Samedi 29 décembre : 1935
- Janvier.
- Dimanche 6 Janvier : 2011
- Deuxième semaine et trêve des confiseurs, la remontée plafonne.
- Mardi 8 Janvier : 2088 (publication du billet sur Leetchi et le philosophe abruti, billet pas mal relayé)
- Mercredi 9 Janvier : 2159 => Jeudi 10 Janvier : 2178 => Vendredi 11 Janvier : 2200 => Dimanche 13 Janvier : 2217.
- Je verrouille l'ancien compte (passage en privé, j'aurais du faire ça dès le début en fait).
- Lundi 14 Janvier : 2252 => Mercredi 16 Janvier : 2309 => Mardi 22 Janvier : 2373 => Lundi 28 Janvier : 2440.
- Février.
- Dimanche 3 février : 2543 => Dimanche 24 février : 2851.
Quelques enseignements.
Audiences invisibles. J'ai été frappé par le fait que les "audiences invisibles" (comme dirait danah boyd) sont aussi, sur Twitter, des audiences très fortement contextuelles : on a tendance à suivre quelqu'un sur la base d'un seul tweet qui évoque quelque chose chez nous sans auparavant avoir la curiosité de regarder s'il raconte régulièrement des trucs susceptibles de nous intéresser, d'où une sorte de longue traîne de followers qui globalement se moquent bien de ce que vous pouvez raconter et vous suivent par effet d'opportunité davantage que par intérêt réel.
A titre perso, la "règle" que je me fixe pour suivre un compte est de d'abord balayer l'équivalent de 2 ou 3 pages écran de ses derniers gazouillis. Si 2 ou 3 attirent mon attention en plus de celui qui m'a initialement amené sur ce compte, alors je deviens un de ses followers.
Cécité contextuelle. Autre remarque, ces audiences contextuelles sont aussi des audiences qui ont du mal à identifier un contexte plus large que le tweet qui déclenche leur suivi : ainsi, malgré les modifications du bandeau et de la bio de mon ancien compte, et bien que j'ai indiqué – me semble-t-il assez clairement – le changement, celui-ci continue de glaner des followers. Etrange.
Effet de persistance. Non seulement les gens continuent de s'abonner à mon ancien compte mais la plupart de celles et ceux qui ont vu le changement et sont venus s'abonner au nouveau compte ne se désabonnent pas de l'ancien. Dark Pattern ou flemmasse cognitive (ou un peu des deux), je m'aperçois que moi-même je ne fais quasiment jamais le ménage dans les comptes que je suis pour me désabonner de ceux qui ne m'intéressent plus. Et davantage qu'un effet de sédimentation c'est là surtout un procédé d'agglutination souvent nuisible à notre routine et à notre capacité attentionnelle.
Attachement paradoxal. Ma volonté de changer de compte pour rester maître de mon espace de parole est sincère et je crois en tout cas l'avoir argumentée. Mais pour rester totalement sincère il faut aussi avouer que j'ai regretté de ne plus posséder la puissance de feu d'une (relative) notoriété de 10 000 followers pour être en capacité d'alerter sur un certain nombre de trucs qui me hérissent, notamment la question de l'immonde projet "Bienvenue en France" porté par Frédérique Vidal.
Impact sur le trafic. Je n'ai pas observé de décrochage significatif ou de baisse sensible dans les statistiques de fréquentation d'Affordance (le blog). En revanche le "bruit" occasionné sur Twitter à chaque parution d'un nouveau billet s'est considérablement réduit. Il est donc probable que la plupart des signalements et reprises sur Twitter se faisaient indépendamment de la lecture des billets signalés. Traduction : les gens retweetent sans lire le contenu associé au tweet qu'ils retweetent.
Le tweet comme une phéromone. Un phénomène déjà largement documenté dans ces architectures de la viralité que sont les réseaux sociaux, et où ce qui compte et prime n'est pas ce que l'on partage mais le fait de le partager pour produire un marqueur social agissant littéralement comme une phéromone : l'information transmise et partagée ne vaut que par la capacité d'influence sur les comportements de celles et ceux en orbite dans le cercle gravitationnel immédiat du partage.
Je vous laisse désormais avec ces considérations ego-twitteriennes et ne viendrai vous en reparler que le jour où j'aurai de nouveau atteint les 10 000 followers sur AffordanceInfo2.
Bonjour
Serait-il possible d’avoir un flux informant de vos changement successifs de comptes twitter à venir ?
Respectueusement.