Michel Zecler. Passé à tabac par des policiers. Sous le regard de plein d'autres policiers. Et le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, expliquant que les policiers ont "déconné".
Les policiers ont déconné. "Mal nommer les choses" disait Camus (les objets en fait) "c'est ajouter au malheur du monde". Et "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément" écrivait Nicolas Boileau.
Non seulement Darmanin ajoute au malheur du monde mais il énonce clairement ce qui se conçoit très bien pour lui : ce passage à tabac est une déconnade, ramenant la réalité d'une violence policière à celle d'un simple bizutage, c'est à dire à un rituel d'intronisation, d'acceptation par le groupe. Quand Gérald Darmanin, quand le ministre de l'intérieur qui est aussi celui de la police, quand il dit pour caractériser une violence policière qu' "il y a des gens qui déconnent", il légitime en simple déconnade les violences passées et à venir de tous les autres "gens", vêtus d'un uniforme de police (notez d'ailleurs qu'il dit des "gens", pas "des policiers", policiers qui comme les violences policières n'existent que dans l'imaginaire des islamo-gauchistes).
Parce que la "déconnade" c'est forcément "pour rigoler". La déconnade c'est ce qui fait que vous faites partie du groupe. Que vous êtes admis dans le grand cercle des déconneurs. Et malheur à vous si la déconnade ne vous fait pas rire. Vous ne serez pas du groupe. Vous resterez hors groupe. Hors champ. C'est sur vous que les coups pleuvront alors, au moins dans leur dimension symbolique.
L'offre d'emploi qui déconne.
Une autre polémique sans rapport apparent est en train de monter. Elle explosera ce soir, demain peut-être dans l'ensemble des médias. C'est une offre d'emploi, parue sur Pôle emploi, diffusée par le rectorat de l'académie de Versailles. Une offre d'emploi pour un CDD de 10 mois. Pour un salaire mensuel de 1900 à 2300 euros sur 12 mois. C'est pour un poste d'enseignant en histoire-géographie. Dans le collège de Samuel Paty. Le poste de Samuel Paty.
(Copie d'écran réalisée le dimanche 29 Novembre à 14h30)
"Débutant accepté" précise l'annonce du rectorat. Du côté des savoir-être professionnels il faudra de la "capacité d'adaptation", du "sens de la communication" et puis aussi être plutôt costaud en "gestion du stress". En effet. On aurait d'ailleurs également pu inscrire cela sur la pierre tombale de Samuel Paty. Il avait une grande capacité d'adaptation, un grand sens de la communication, et dans les derniers jours précédant son assassinat il avait été exemplaire en termes de gestion du stress.
Comme le rappelait Laurence De Cock :
"Vous voulez mesurer le niveau de délabrement de l’éducation nationale ? Eh bien voilà, lisez ça. Le nombre de postes offerts est tellement bas et la profession si disqualifiée (image et salaire) qu’on recrute (sans doute le remplaçant de Samuel Paty) sur Pôle Emploi."
J'imagine que devant l'émoi que cette affaire va susciter, Jean-Michel Blanquer dira probablement demain dans les médias que le rectorat de l'académie de Versailles a "déconné". Et c'est vrai. L'institution a déconné. Elle a une nouvelle fois mis en pratique ce bizutage permanent qui est celui de l'habituation à sa propre incurie.
Que voulez-vous, on ne trouve personne pour passer le Capes d'histoire-géographie. Que voulez-vous, on ne trouve pas de remplaçants. Que voulez-vous "ça déconne". Ça déconne de partout.
Comme pour Michel Zecler hier. Que voulez-vous il s'agit de quelques brebis égarées. Que voulez-vous, ils ont déconné.
Que voulons-nous ? Chaque fois que des profs demandent des augmentations de salaire les gouvernements leur renvoient au visage la chance qu'ils ont d'avoir déjà un emploi stable et des vacances et si peu d'heures de cours par semaine. Que voulez-vous, chaque fois que l'on demande davantage de postes d'enseignants ouverts aux concours après une revalorisation (sinon en effet personne ne s'y présente, à ces concours), les gouvernements nous expliquent qu'on ne va quand même pas créer davantage de postes de fonctionnaires.
Que voulons-nous ? Qu'un étudiant ou une étudiante à bac +3 sans aucune expérience et se résignant souvent à accepter ce genre d'offre pour s'extraire de la misère se trouve aujourd'hui en situation de remplacer Samuel Paty ? Est-ce réellement cela que nous voulons ? Que voulons-nous ? Que des policiers racistes, violents et hors la loi continuent de bénéficier d'un tel sentiment d'impunité pour leurs prochains méfaits et forfaits puisqu'après tout, ils n'ont fait que déconner ? Est-ce réellement cela que nous voulons ? Bien sûr que non.
Nous ne le voulons pas. Il n'est en revanche plus du tout contestable que ce soit très exactement ce que veut ce gouvernement et les quelques autres qui l'ont précédé.
Que cette offre d'emploi du rectorat de l'académie de Versailles soit immédiatement retirée. Et qu'on y colle Jean-Michel Blanquer, dans cette classe du collège de Conflans Sainte Honorine. Que pour 1900 euros par mois et 18 heures par semaine 10 mois sur 12 il aille faire étalage de sa "capacité d'adaptation", de son "sens de la communication" et puis aussi de sa compétence en "gestion du stress". Ou alors mieux, que l'on y colle Gérald Darmanin qui pourra ainsi mesurer le lien si ténu et pourtant si essentiel qui fait des profs comme des policiers, d'authentiques gardiens de la paix. Pas de grands déconneurs non. Des gardiens de la paix. De la paix sociale.
[Edit de 15h27] Le rectorat de Versailles, suite à l'article de Ouest-France et aux – déjà – très nombreuses reprises, vient de publier un rectificatif sur son compte Twitter :
"Cette annonce inappropriée est une maladresse de nos services. Elle a été retirée. Deux enseignants expérimentés, titulaires et volontaires ont été nommés depuis deux semaines pour prendre en charge les élèves de Samuel Paty au collège du Bois d’Aulne."
"Annonce inappropriée". Pour le moins. "Retirée". Dont acte. Voilà pourtant déjà plus de 6 ans, que cette pratique de recrutement des rectorats directement via pôle emploi et dans des conditions révoltantes, sans aucune vérification ou entretien préalable, simplement parce qu'on ne trouve plus personne, voilà pourtant bientôt 10 ans déjà que cette pratique est là. Comme le rappelaient parmi tant d'autres, cet article su Figaro, et le rectorat de Versailles tout particulièrement, et ce depuis 2015. [Edit de 15h27]
Sans déconner.
Déconner. L'étymologie est claire. Déconner c'est sortir du "con", c'est à dire, étymologiquement toujours, sortir du sexe féminin sous l'une de ses appellations les plus triviales. Déconner c'est donc naître. Nous sommes tous des déconneurs et des déconneuses. Mais au collège de Conflans Saint Honorine pour remplacer un collègue décapité, ou quand s'approchent des policiers et que vous n'avez rien d'autre à vous reprocher que votre couleur de peau, alors là oui vraiment, on a beau être des déconneurs, la bamboche c'est terminé.
"Dis donc, tonton, demanda Zazie, quand tu déconnes comme ça, tu le fais exprès ou c'est sans le vouloir ?" Raymond Queneau, Zazie dans le métro, 1959.
L’institution policière est gangrénée par la banalisation de la violence et de l’intolérance raciste..Seules les insoutenables images de l’agression de Michel Zecler,d’une rare violence,ont entrainé une réaction de la hiérarchie policière (la suspension temporaire des policiers).Avant le scandale national provoqué par ces images lesdits policiers étaient maintenus dans leur fonction,Michel Zecler était emprisonné et l’affaire était enterrée.La hiérarchie policière et politique serait bien inspirée de se demander pourquoi la haine raciale est pénalement répréhensible.A moins que ladite hiérarchie ne regrette le temps du régime de Vichy :les policiers n’étaient pas des gardiens de la paix mais des miliciens aux ordres de hiérarques factieux et racistes.