Alors que le gros de troupes étudiants arrive la semaine prochaine dans les universités françaises (près de 3 millions …) beaucoup de sites universitaires et de formations en accueillent déjà depuis 2 ou 3 semaines. C'est notamment le cas des IUT qui ont fait leur rentrée en même temps que le primaire et le secondaire, et ont même, dès la dernière semaine d'Août accueilli des étudiants dans le cadre de leur soutenances de fin d'étude.
Je travaille de mon côté à l'IUT de La Roche sur Yon, site délocalisé de l'université de Nantes. Et je suis en effet en présence d'étudiants depuis le 24 août.
La doctrine universitaire de gestion de gestion sanitaire est un habit d'Harlequin, bariolé de bonnes intentions et rapiécé de précautions élémentaires mais à peu près totalement hors-sol pour une gestion concrète de l'épidémie à court terme et tout à fait délétère dans une perspective de moyen ou de long terme.
En ce qui concerne la distanciation physique.
Précaution qui est sincère autant qu'oratoire : les équipes, toutes les équipes, les personnels techniques et administratifs surtout, mais la majorité des enseignants également, les équipes font tout ce qu'elles peuvent et même au-delà. Elles appliquent dans une urgence absolue des contraintes qui changent du jour au lendemain et elles cherchent en vain du sens dans la succession d'injonctions paradoxales qui leurs tombent sur le poil tous les deux jours. Ici on colle au sol des autocollants supposés manifester un "sens de circulation" pour éviter de se croiser alors même que l'exiguïté des couloirs rend ubuesque et inutiles ces opérations d'affichage. Là on modifie dans l'urgence la "jauge" des salles de TP et TD pour respecter "le mètre de distance". "Même pour des groupes de 30 étudiants ?" Réponse : même pour des groupes de 30 étudiants. "Même si écoles, collèges et lycées accueillent des groupes de plus de 30 élèves masqués dans des salles parfois plus petites ?" Réponse : oui. Alors nous voilà virant tables et chaises dans les couloirs, collant d'improbables autocollants sur celles restantes (la stratégie "autocollant de lutte contre l'épidémie" mériterait à elle seule un article …), ce qui oblige les responsables des emplois du temps à (tenter de) modifier l'ensemble desdits emplois du temps et à se poser d'insolubles problèmes de salles au regard du déficit de locaux par rapport à la population étudiante, le tout dans une urgence et une impréparation qui ne fait qu'ajouter à l'intranquilité globale des personnels. Et alors même que tout cela était en train d'être fait, l'immonde connasse qui fait office de ministre ainsi que les corniauds de la CPU qui sont sa queue basse de comète décident de sortir de leur léthargie coupable en produisant un ensemble de recommandations qui annulent celles de la semaine précédente et reviennent (par exemple) sur les jauges des salles en décidant de n'appliquer le mètre de distanciation sociale qu'à partir de groupes de 60 étudiants. Du. Grand. N'importe. Quoi.
En ce qui concerne la gestion des cas contacts ou positifs chez les étudiants.
J'écris ce billet le jeudi soir, veille du Conseil de défense de ce vendredi 11 septembre. Pour un de nos étudiants cas-contact Covid qui était annoncé en quatorzaine on nous informe qu'un "nouveau logigramme effectif demain" (sic) réduit les temps de confinement (sans nous dire de combien …) et que l'étudiant peut donc revenir. La gestion elle-même des étudiants positifs ou simplement cas contact fut à elle seule pendant ces 15 derniers jours une vaste blague annonçant la future vaste vague de contaminations. Les premiers cas déclarés positifs (et contaminés avant la rentrée) l'ont été 2 ou 3 jours à peine après la rentrée. Que faire ? Dans certains cas on recommanda de ne pas avertir les autres étudiants (du fait qu'ils avaient été en contact pendant 3 jours avec un étudiant positif …) au motif que – selon les recommandations de l'ARS – dès lors que les mesures de sécurité (masques + distances) avaient été respectées, il n'y avait que peu de risques de contamination. Les mesures de sécurité avaient en effet été respectées … en cours. Quiconque a mis les pieds sur un campus peut se faire une idée précise de ce qu'il en est … en dehors des cours. Sans grande surprise (mais sans flambée épidémique non plus à ce jour) on a donc probablement multiplié les cas contacts avec l'aval de l'ARS. Certains évoquèrent aussi le secret médical interdisant de communiquer à une promotion l'info selon laquelle un ou une de leurs camarades était mis en quatorzaine. Ce qui là encore est d'une hypocrisie et d'une bêtise ahurissante : d'abord parce qu'il ne s'agit évidemment pas de faire du Name and Shame en balançant n'importe comment et à n'importe qui les noms de nos étudiants positifs ou cas contact, et ensuite parce qu'il faut vraiment avoir le QI d'une huître morte pour supposer que des étudiants ne feront aucun lien entre l'absence prolongée d'un ou plusieurs de leurs camarades et la situation épidémique en cours.
<Mise à jour> Ce vendredi alors que je suis en train de relire cet article avant publication, nous venons – 15 jours après la rentrée – de recevoir la procédure à adopter, qui permet logiquement d'avertir les camarades de promotion – ce que nous avions fait de toute façon. Mais il s'agit d'une note interne spécifique à la composante. J'ignore quelle est la politique à l'échelle de l'université et si d'autres "notes internes" ont été mises au point dans d'autres composantes. Nous verrons.
En ce qui concerne les masques.
Alors là en effet, des choses sont mises en places. Enfin ça dépend. Enfin pas pour tout le monde. A Nantes par exemple, dans l'IUT où je travaille, personnels enseignants, techniques et administratifs se voient distribués chaque semaine des masques en papier. C'est bien. C'est – toujours le même problème – "sur fonds propres" comme on dit, c'est à dire que le budget masques est pris sur un autre truc plus ou moins essentiel, mais ne tergiversons pas, c'est prioritaire, donc c'est bien. Alors par contre pour les étudiants c'est donc peau de zob, nib, nada, que tchi, que dalle. Ce qui continue de me coller (et beaucoup de mes collègues aussi) dans une colère noire et qui est en outre, sanitairement et au regard de la situation financière desdits étudiants, une aberration.
Mais il y a des exceptions : à l'échelle de certaines composantes (mon IUT notamment), deux masques en tissu aux logos et couleurs de la composante (Branding Uber Alles) – 4 pour les boursiers – ont été généreusement distribués, toujours "sur fonds propres". Et c'est (très) bien. Bon par contre je ne vous cache pas que nous sommes plusieurs à avoir de sérieux doutes sur le niveau de protection offert par lesdits masques.
Le doute cartésien et raisonnable faisant partie des réflexes universitaires élémentaires, il eût été cartésien et raisonnable, devant les interrogations des personnels, d'informer ou de communiquer sur le niveau de protection réel desdits masques en tissu plutôt que sur leur code couleur. Mais bien sûr ce ne fut pas le cas et nous dûmes nous contenter au mieux d'un "mais si mais si c'est conforme aux normes" et d'une simple non-réponse dans la plupart des cas.
A l'heure où un nouveau potentiel scandale sanitaire est en train de voir le jour concernant les masques en tissu non conformes distribués aux enseignants de primaire, je peux d'ores et déjà vous affirmer que beaucoup d'universités vont avec le branding en PLS dans quelques temps si une communication claire n'est pas faite sur ce point.
En ce qui concerne la ventilation.
J'ai écrit un article sur le sujet, reprenant surtout ce que Zeynep Tufekci avait remarquablement expliqué. Je vous invite à le relire. Malgré des alertes répétées, toujours absolument aucune communication ou information claire à ce jour. Rappel : les cours (en amphis fermés et sans fenêtres ou possibilités d'aération réelle) ont repris depuis 15 jours. Comme je suis un garçon plutôt direct, et comme cette question me semble sincèrement absolument essentielle sur le long terme et "vitale" dans l'urgence actuelle qui est celle des capacités d'accueil universitaires et du maintien du présentiel, j'ai directement écrit à ma nouvelle présidente Carine Bernault pour lui demander ce qui allait être fait sur ce sujet. Sa réponse fut concise, la voici en intégralité :
"Bonjour,
Le comité de suivi sanitaire a été saisi de cette question et y travaille.
Avec mes plus cordiales salutations"
Nous étions alors le 31 Août. Nous sommes aujourd'hui le 11 septembre. Et le comité de suivi sanitaire doit … toujours être saisi et toujours travailler sur cette question. Mais pour le reste : aucune communication claire et explicite n'a été adressée aux personnels sur ce sujet.
Alors pour l'instant on fait cours avec les fenêtres et les portes grandes ouvertes dans nos salles de TP et TD, parce qu'il fait super beau et que c'est chouette. Et pour les amphis on a installé des autels sur lesquels on dépose des cierges parce qu'on ne voit pas trop ce qu'on peut faire d'autre.
Blague à part et nonobstant ma prose parfois virulente, je ne suis pas un punk à chiens qui rêve d'abattre le système et de gueuler anarchie en entrant cul nu lors d'un conseil d'administration universitaire (quoique parfois j'avoue …). Je suis plutôt un être raisonnable et pragmatique. J'ai donc parfaitement conscience que faire un audit de systèmes de ventilation et de filtration des amphis à l'échelle d'une université de la taille de celle de Nantes, ça peut être long, et que s'il faut faire des travaux de mise aux normes ou d'adaptation, ça va aussi être un peu long et ça risque également de coûter un bras. Donc je ne suis pas un radicalisé du tout tout de suite. Par contre oui, je considère que n'avoir absolument aucune réponse ou information autre que "le comité sanitaire a été saisi et y travaille" c'est du pur mépris et du foutage de gueule.
Et là encore il ne s'agit pas de me répondre à moi Olivier Ertzscheid enseignant-chercheur à l'université de Nantes. Il s'agit d'informer la communauté universitaire de ce qui va être fait (ou pas fait) sur ce sujet, dans quel cadre, avec quel niveau d'urgence, et sur la base de quels financements. Juste ça bordel. Juste ça sur une question essentielle. Une question pragmatiquement et sanitairement essentielle.
S'il faut faire des cours dans un amphi non ventilé ou équipé de systèmes de filtration inadaptés, soyons tout à fait clairs : j'irai faire des cours dans ce putain d'amphi. Parce que j'en ai besoin et que je pense que nos étudiants aussi et parce que même quand elle ne se passe pas trop mal techniquement l'expérience du distanciel est une catastrophe pédagogique et relationnelle dont chacun a pu faire l'expérience douloureuse. Mais je veux juste le savoir.
Je. Veux. Juste. Le. Savoir.
Et j'ai tout à fait conscience de l'immensité des urgences qui peuvent, particulièrement en cette rentrée, mobiliser les services d'une présidence universitaire ou d'une direction de composante. Parfaitement. J'ai aussi parfaitement conscience que rien n'est pire que le niveau de flottement, de non-réponse et d'approximation auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. Et qu'il pourrait être rapidement corrigé. Mais par pitié, le coup de "la saisine des comités qui y travaillent", pitié mais bordel tout mais pas ça.
Rappelons que sur l'échelle du Yolo, à l'échelle des universités on en est à recruter des contractuels pour (entre autres) poser du film alimentaire sur les claviers des salles d'ordinateur et le changer tous les 15 jours (je vous jure que c'est authentique). Et que sur la même échelle du Yolo en termes de santé publique, j'ai vu passer ce matin sur mon mur Facebook, deux offres de CDD pour recruter de toute urgence des "agents" de prélèvement et de secrétariat administratif pour les 2 seuls laboratoires pratiquant des tests en Vendée qui commencent déjà à être totalement à la ramasse sur les délais et l'organisation.
Heureusement, "nous sommes prêts". Et heureusement aussi, si ma tante avait des roues, ce serait un autobus.
Presque 3 millions.
La semaine prochaine, dans deux jours, Lundi, c'est presque 3 millions d'étudiants qui seront présents sur les campus. Dont pas mal seront très vraisemblablement contagieux sans le savoir, dont beaucoup seront aussi cas contact. Quand cette saloperie d'épidémie a démarré, rien n'était prêt et le pouvoir politique a, sur la question des masques comme sur celle des tests, fait et raconté absolument n'importe quoi au mépris des règles les plus élémentaires de la responsabilité politique et de la déontologie de l'action publique, sans oublier bien sûr le fait d'allègrement se torcher avec le respect de la présomption d'intelligence d'autrui.
Alors je vais répéter : la semaine prochaine, dans deux jours, Lundi, c'est presque 3 millions d'étudiants qui seront présents sur les campus. Dans un grand centre universitaire que je connais bien, celui de Nantes, le délai moyen pour accéder à un test est actuellement de 3 ou 4 jours. Et il faut en compter autant pour, dans le meilleur des cas, obtenir le résultat desdits tests. Ça c'est la situation actuelle. Situation actuelle dans laquelle, je le répète, la plupart des étudiants ne sont pas encore rentrés sur les campus et dans les amphis sans fenêtres ni aération ni filtration adaptée.
Je vous laisse imaginer ce qui va donc se passer à partir de la semaine prochaine. Heureusement que selon l'inénarrable immonde connasse actuellement ministre en charge du supérieur "nous sommes prêts à recevoir les étudiants en respectant les consignes sanitaires" parce que je vous laisse imaginer ce qui pourrait se produire si nous ne l'étions pas. Quant aux autres inénarrables guignols de la CPU (conférence des présidents d'universités) ils défendent actuellement les intérêts de la communauté qu'ils sont supposés représenter avec toute la férocité et la pugnacité d'un poney neurasthénique sous lexomil. Ce qui serait risible si ce n'était pas avant tout dramatique. Donc pardon mais mangez plutôt vos morts.
En ce qui concerne la médecine universitaire.
Médecine universitaire qui, cela n'aura pas échappé à votre légendaire sagacité, est donc, depuis mars 2020 et probablement au moins pour les deux prochaines années (soit le délai raisonnable pour espérer un vaccin ou un traitement) la pierre angulaire de toute la politique sanitaire touchant immédiatement les 3 millions d'étudiants qui peuplent nos campus. Il va de soi que les services de médecine universitaire doivent être dimensionnés pour faire face à l'épidémie, en plus de pallier l'accès aux soins devenu d'ores et déjà impossible (soit financièrement soit techniquement faute de places) pour la majeure partie de nos étudiants.
Or l'état des services de médecine universitaire aujourd'hui dans la 6ème puissance économique mondiale au 21ème siècle c'est celui d'un pays du tiers-monde en termes de moyens, d'un pays du quart-monde en termes d'objectifs, et d'un pays du tiers-monde au moyen-âge en termes de personnels et de ressources humaines. Par exemple sur le campus que je fréquente il y a un médecin présent 2 jours et demi par semaine pour plus de 1600 étudiants. Et on doit faire partie des mieux dotés de ce côté là. Lolilol donc.
L'état de la médecine universitaire, contexte épidémique ou non, c'est juste humainement insupportable et politiquement irresponsable.
On fait quoi gros malin ?
Plein de choses. Mais soyons tout à fait clair : primo c'est essentiellement déjà trop tard, et deuxio cela restera l'équivalent de péter dans une contrebasse en espérant rejouer en boucle les meilleurs solos de Ron Carter si ce "plein de choses" n'est pas pensé et articulé sur le long terme. Voir le très long terme. Ah et aussi bien sûr ça va coûter un bras à la nation. Parce que oui, "c'est (aussi) une question de moyens".
Mais en gage de bonne volonté commençons par les trucs qui ne coûtent rien.
On communique et on informe les personnels et les étudiants de la réalité des situations sur le plan sanitaire (il semble que ce soit en cours c'est acté) mais aussi sur celui des équipements et des infrastructures (là par contre il semble que ce ne soit pas prévu du tout).
On informe étudiants et personnels sur la conformité (ou pas) aux normes sanitaires des masques en tissu distribués (quand on a la chance d'en avoir de distribués). Parce que pour l'instant, c'est lolilol.
On informe les personnels de l'état des systèmes de ventilation et de filtration dans les amphis. Et de ce que l'on va faire pour l'améliorer si c'est nécessaire. Et c'est nécessaire. Parce que Winter Is Coming.
On aurait pu aussi un peu plus anticiper que seulement sur le mode "bon ben on leur dira de mettre des masques et de respecter les distances et ça devrait passer crème et pis s'ils ont des questions on saisira des comités théodules idoines qui se mettront au travail." On aurait par exemple pu (et l'on devrait actuellement) réfléchir à une refonte totale du calendrier universitaire sur plusieurs années glissantes, ce qui dans le contexte de pénurie de moyens actuels, permettrait au moins de ne pas faire comme si tout allait bien se passer en serrant juste encore un peu plus les fesses que d'habitude. Et oui bien sûr que cela aurait plein de conséquences compliquées sur plein de secteurs d'activités subissant déjà un beau bordel. Mais si la doctrine consiste juste à recommander de serrer les fesses (et les étudiants) en espérant que ça tienne, la seule certitude est que cela ne tiendra pas.
Et maintenant les trucs qui coûtent un bras.
On distribue des masques aux étudiants. Chirurgicaux ou en tissu aux normes. Mais c'est un impératif absolu et catégorique. Et oui ça va coûter un bras. Oui. Et. Alors.
Vous vous rappelez du mantra martelé par tous les ministres et sous-fifres patentés à la moindre de leur éructation médiatique ? "Testez testez testez". Mantra qui fut dès l'origine celui de l'OMS et aujourd'hui suivi du tout sauf programmatique "Nous sommes prêts".
"Testez, testez, testez." A ce jour quelles sont les universités qui organisent des campagnes massives et régulières de tests auprès de leurs étudiants ? Et sans ces campagnes massives et régulières de tests auprès d'une population dont tout le monde sait qu'elle est un vecteur premier de propagation et de transmission (et il ne s'agit surtout pas de le lui reprocher parce qu'elle en prend déjà suffisamment plein la gueule), sans ces campagnes massives et régulières pilotées et ordonnées par les universités elles-même avec – bien sûr – l'ARS en relai, comment imaginer un autre scénario que celui d'une recontamination massive et rapide amenant à un reconfinement tout aussi massif et rapide ??
<Mise à jour du vendredi juste au moment de quitter le boulot> Il n'aura pas fallu attendre longtemps : dans mon département d'IUT, un étudiant testé positif et hop une dizaine d'autres s'identifiant comme autant de cas contacts potentiels et hop signalement ARS et hop en attente d'une décision de potentielle fermeture du département. Quand je vous disais que c'était le grand Yolo, nous y sommes. Et nous gérons de petites cohortes d'étudiants très sages et respectueux, dans des conditions matérielles qui ont plutôt tendance à faire des jaloux dans l'ensemble de l'enseignement supérieur. Donc je vous laisse imaginer ailleurs … Naturellement si la plupart des étudiants étaient testés régulièrement et massivement, nous n'en serions pas là avec une fermeture qui nous pend au nez à peine 15 jours après la rentrée. "Testez testez testez". </Mise à jour>
"Recrutez recrutez recrutez." Alors ce mantra là, par contre, il n'est toujours pas à la mode. Et pourtant. Il devient plus que jamais impératif de recruter des enseignants permanents et des personnels administratifs titulaires. Je ne vais pas vous faire un topo sur le taux d'encadrement ou sur la précarisation dans l'enseignement supérieur et la recherche. Mais quand j'écris que Frédérique Vidal est sur ce point également une immonde connasse et l'ensemble de ses prédécesseurs également, vous n'imaginez même pas le niveau de sincérité navrée auquel je me situe. Parce qu'indépendamment de tout le reste, si cette rentrée universitaire présente tous les signes d'une boucherie sanitaire programmée c'est avant tout et surtout parce que nous n'avons ni suffisamment d'enseignants pour gérer les effectifs qui s'annoncent en présentiel, ni suffisamment d'enseignants titulaires pour gérer les hélas fort probables sessions de distanciel. Et qu'accessoirement ça fait 15 ans que ça dure. Et qu'on en a un peu plein le cul.
Autonomie épidémique.
Depuis la funeste loi LRU de 2007, les universités sont en effet aujourd'hui toutes "autonomes". Ce qui donna lieu à quelques moments assez épiques (souvenez-vous …). Chaque crise étant un révélateur, les conditions de cette rentrée Covid sont plus qu'aléatoires puisque chaque université fait en effet ce qu'elle veut et surtout ce qu'elle peut, comme elle le peut, avec quand même ce dernier point commun qui est de ne bénéficier d'aucune aide du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les "notes de cadrage" et autres "décrets" (qu'on attend toujours) dudit Ministère étant ce qu'ils sont, c'est à dire totalement contradictoires, paradoxaux et approximatifs, le foutoir est réellement absolu. La politique de Frédérique Vidal est celle d'une totale défausse comme l'explique au Point le collègue Arnaud Mercier, en des termes bien plus pondérés et diplomatiques que les miens mais en partageant le même constat navré.
On a donc des universités qui recommandent de se faire tester et d'autres pas, des universités qui rentrent en présentiel et d'autres pas et d'autres à moitié ; des universités qui appliquent la distanciation physique tout le temps et d'autres jamais. Des amphis parfois remplacés par 100% de distanciel et parfois simplement bondés comme avant avec juste les masques en plus. Aucune information ou réflexion claire et coordonnée sur les questions essentielles (la ventilation), aucune politique ni moyens pour du testing massif mais ciblé et "in situ" sur les populations étudiantes. On fait ce qu'on peut avec les moyens que l'on n'a pas. Et dans le doute on colle des autocollants partout et on serre les fesses. Ou les étudiants.
Plus que jamais pourtant nous aurions eu besoin d'un cadre de réflexion coordonné au niveau national tant sur l'équipement que sur les calendriers universitaires. Plus que jamais nous aurions eu besoin d'une vision coordonnée sur le long terme. Plus que jamais nous aurions eu besoin de postes pérennes. C'est à dire exactement l'inverse de ce que permet et de ce que vise l'autonomie actuelle des universités. Dans l'urgence de l'affichage, l'orchestre du Titanic avec l'immonde Vidal à la baguette a continué de jouer en balançant les repas étudiants à 1 euro (mais juste pour les boursiers parce que faut pas non plus exagérer dans la bonté). Et on a considéré que pour le reste, les universités et les personnels se démerderaient.
Je vous confirme qu'on se démerde. Je vous confirme qu'on n'y arrive pas. Je vous confirme qu'à ce rythme là les universités seront d'ici moins de 15 jours les tout premiers clusters nationaux massifs.
Pour les étudiants et étudiantes, privés d'université de Mars à Septembre, comme pour les lycéens et lycéennes qui arrivent cette année à l'université, les conditions de ce premier confinement de trois mois (parfois plus) étaient excusables par son imprévisibilité et son caractère nécessairement exceptionnel. Il y avait une situation d'urgence à gérer. Il fallait prendre des mesures d'urgence. Mais ce deuxième confinement, celui qui se profile dans les universités à l'horizon des 15 prochains jours, celui-là va causer des ravages bien plus grands en termes de socialisation, de scolarisation et d'insertion ou d'intégration. C'est d'autant plus scandaleux qu'à la différence de Mars l'année dernière, cette fois-ci tout le monde savait quoi faire et disposait du temps pour le mettre en place ou au moins pour l'amorcer. Au-delà de son discrédit désormais total, les responsabilités du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sont clairement engagées.
Alors n'oubliez pas. Vive l'autonomie. Et puis surtout vive l'épidémie. Qui va prospérer grâce à l'autonomie.
Bonjour, l’état d’impuissance dans lequel je me trouve est abyssal tellement la réflexion collective a disparu au profit des intérêts de quelques uns qui ouvrent des parapluies percés inefficaces mais creusent avec constance leurs sillons de destruction de la fonction publique. Bon courage à toi et merci pour tes écrits.
Merci pour votre article si pertinent. Je suis à la fois effrayée par tant de vérité, et soulagée de constater que la lucidité existe encore chez certains. Je travaille dans une université du centre de Paris, qui se limite à deux vieux bâtiments sans campus déjà bondés en temps normal. Nous reprenons lundi mais avons déjà été avertis par un mail de l’administration qu’il fallait nous préparer à être en difficulté (traduction démerdez-vous comme vous pouvez) car les étudiants sont trop nombreux, même en appliquant les dispositifs hybrides et en dédoublant les cours. Les jauges ne seront donc qu’un mirage. Rien n’a été anticipé. Aucun filtrage à l’entrée de la fac, ce sera donc open bar pour se concentrer dans le bâtiment. J’en ai des sueurs froides. Je suis sidérée du silence de mes collègues, d’un tel déni et d’un tel cynisme.