C’est la faute aux réseaux sociaux

Depuis quelques jours après près la mort de Nahel, le discours politique face aux émeutes part totalement en vrille. Je vais rester sur la partie du commentaire politique qui mobilise mon domaine de recherche, à savoir le rôle des réseaux sociaux (ou des jeux vidéos) dans cette affaire. Emmanuel Macron souligne que certains jeunes seraient intoxiqués, Fabien Roussel propose de couper les réseaux sociaux dans certains quartiers,  Eric Dupont-Moretti et Olivier Véran se transforment en Dolto de chez Wish et distribuent des leçons de parentalité, des préfets leur emboîtent le pas en recommandant de distribuer des claques aux gamins récalcitrants et c’est tout un choeur de politiques qui reprend à l’unisson des arguments étayés il est vrai depuis plus de 20 ans dans tout ce que la France compte de cafés du commerce et de débats de fins de banquets trop arrosés.

Quant à l’idée de « couper les réseaux sociaux » qui là aussi semble faire florès, rappelant les meilleures heures de la castration numérique sauce Hadopi première mouture, non seulement c’est très con, mais ce serait en outre à la fois techniquement impossible et très probablement inconstitutionnel. Mais couper, ça occupe.

Globalement ces gens ne pensent qu’à couper : couper les réseaux sociaux quand ça dérape, couper les allocs aux familles dont les enfants dérapent, couper les subventions aux associations qui font le taff sur le terrain, couper couper couper …

Les mêmes ont une vision de la manière dont les jeunes s’informent et s’organisent qui gagnerait beaucoup là aussi à lire les travaux (parmi tant d’autres) d’Anne Cordier ou de danah boyd. Ils confondent « les réseaux sociaux » (le contenant) et « ce que les gens font, lisent et regardent » (le contenu). Je vous pose ici juste deux extraits de l’entretien d’Anne Cordier dans l’ADN pour vous donner envie d’acheter son livre :

Anne Cordier : En fait, on leur impose une définition de ce qu’est l’information. Il faut absolument que ça porte sur l’actu politique, nationale, voire internationale. C’est évident que ce n’est pas une passion adolescente. En plus de ça, on leur impose la manière de faire. On leur demande de lire la presse écrite sur papier et on les culpabilise en leur disant que tout ce qui passe par les réseaux sociaux, c’est mauvais. Face à cette double contrainte, ils ont très peur de mal faire. À force d’être confrontés à ces attentes, les jeunes finissent par dire qu’ils ne s’informent pas, mais c’est totalement faux. (…) Quand on fait le fil de la journée, on se rend compte qu’ils s’informent tout le temps, mais c’est souvent une activité qui n’est pas conscientisée. C’est aussi souvent une activité en mobilité. C’est bête, mais le fait de ne pas se poser avec son journal dans son canapé, ça fait que l’action de s’informer n’est pas matérialisée. Pourtant ils passent beaucoup de temps à faire des points sur l’actu à travers certains médias très présents en vidéo ou des youtubeurs comme Hugo Décrypte. Il faut aussi sortir de l’idée qu’ils y passent très peu de temps. Ils peuvent regarder des vidéos de plus d’une heure sur des sujets pointus. (…) Ils peuvent être enfermés dans des bulles de filtres, mais ils ont aussi la capacité de fouiller un sujet qui les intéresse en profondeur. Ils mettent le doigt dans l’engrenage et ils vont jusqu’au bout. J’ai été frappé du degré d’expertise et de connaissance sur certains sujets. J’ai un exemple parfait avec un groupe de filles qui étaient à fond sur le sujet de l’interdiction de l’avortement en Pologne et qui allaient chercher leurs infos via des reportages puis comparaient les situations de l’avortement et les droits des femmes dans différents pays. Ce genre de disposition fonctionne très bien quand l’information est partagée et vécue avec d’autres.« 

 

Et puis, toujours dans le même entretien, Anne Cordier rappelle aussi ce fondamental :

« Ce que je trouve difficile, c’est surtout de leur déléguer la responsabilité des pièges tendus par ces applications. Quand on traite les enfants de crétins digitaux, c’est comme si on leur reprochait de préférer les chamallows aux brocolis, ce qui est assez cruel. Face à des entreprises spécialisées dans la captation de notre attention, ils n’ont aucune chance. »

 

Donc couper les réseaux sociaux, c’est aussi couper tout ça. Je le répète, c’est juste complètement con (et techniquement impossible et assez certainement inconstitutionnel, a fortiori si c’est « juste » pour certains quartiers, types de population, etc.)

Allez. Pour vous faire gagner du temps je vous livre donc la conclusion de mon analyse sur le rôle des réseaux sociaux et des jeux vidéos dans les émeutes de ces derniers jours : les réseaux sociaux (et/ou les jeux vidéos) n’y sont absolument pour rien. Voilà.

Alors maintenant allons-y un peu plus en détail.

Il y a une augmentation de la pauvreté et de la précarité. Il y a une brutalisation des rapports sociaux. Il y a une question centrale de l’attention. Du manque d’attention. De son remplacement par la pulsion ou par l’administration algorithmique et statistique. Mais cela les réseaux et médias sociaux ne l’ont pas inventé, ils l’ont « simplement » capitalisé, mathématisé, instrumentalisé, libéralisé. Et beaucoup de ces réseaux sociaux, et beaucoup de comptes influents sur ces réseaux sociaux en font un business comme les autres. Mais le « business de l’émeute » que l’on trouve, en effet sur Telegram ou ailleurs, n’est différent en rien du « Business de l’émeute » des émissions de C8, des chaînes de Bolloré (et de quelques autres), des éditos d’André Bercoff, de Pascal Praud, de Cyril Hanouna, sans omettre les strictement torcheculatoires publications de Valeurs Actuelles et autres naufragés des formes les plus élémentaires de la déontologie journalistique.

De manière plus fondamentale, la crise de notre capacité d’attention n’est pas celle de nos supposées incapacités singulières à se concentrer longtemps, incapacités qui seraient d’autant plus graves, indubitables et insurmontables qu’elles affecteraient « les jeunes ». La première crise de l’attention est une crise politique et structurelle. L’hôpital ne prête plus attention à ses malades et à ses patients ; ou plus exactement la première attention qu’il leur porte est une attention comptable puisque patients et malades sont devenus des « ressources ». Même chose à l’université, même chose dans l’ensemble des secteurs publics puisque les politiques publiques ne font plus attention à ce qu’elles sont mais uniquement aux « ressources » qu’elles administrent en quête d’une « efficience » qui n’a généré depuis presque 20 ans que de nouvelles formes de défiance et d’impatience chez les usagers et de déchéance et d’épuisement chez les praticiens.

En fait ce doit être la faute aux Mangas. Ou à ta mère.

Si ce qui vient de se produire après la mort de Nahel était « la faute aux réseaux sociaux et/ou aux jeux vidéo », alors le pays serait à feu et à sang depuis longtemps car des hordes d’adolescents et d’adultes s’entretueraient depuis des dizaines d’années pour mimer ce qu’ils font ou voient dans les écrans qui sont et font leurs quotidiens. Depuis déjà des dizaines d’années. Il n’en est rien. Je rappelle que les historiens sont également formels sur le fait que la prise de la Bastille s’est faite indépendamment de l’usage des Shoot’em Up de l’époque.

Si les réseaux sociaux et/ou les jeux vidéos avaient une responsabilité dans les troubles à l’ordre public que l’on observe aujourd’hui, alors il faudrait aussi, par exemple, ne pas oublier de pointer la responsabilité des mangas (dont certains comportent des images très violentes, nul ne peut le nier, et où les processus d’identification jouent à plein, personne ne peut le nier non plus). Certains ont d’ailleurs et depuis longtemps établi ce lien. Souvenez-vous de Ségolène Royal dénonçant le danger des dessins animés japonais. C’était en 1989.

Si c’était la faute aux réseaux sociaux et/ou aux jeux vidéo alors ce serait probablement aussi de la faute de la télé. Depuis le début des années 2000, la question de la place de la télé et des industries culturelles est un point central de l’analyse dans des champs scientifiques qui vont de la sociologique à la médecine et à la psychiatrie, en passant par la psychologique et les sciences de l’information et de la communication.

Mais ces discours scientifiques sont presque totalement invisibles aux yeux du politique et invisibilisés dans des arènes médiatiques qui, aux universitaires et aux scientifiques, préfèrent les « experts » qui pour la plupart s’arrogent des titres, des diplômes et des grades qu’ils n’ont jamais eu, et le font avec la bénédiction des éditorialistes de plateaux qui savent que ces « expertises » ne feront aucune ombre à leur agenda idéologique.

Panique morale.

C’est en 1972 que le sociologue Stanley Cohen forge le terme de « panique morale » pour désigner « une réaction collective disproportionnée à des pratiques culturelles ou personnelles en général minoritaires, considérées comme « déviantes » ou néfastes pour la société. » Comme le rappelle encore Wikipedia, « les paniques morales sont généralement nourries par la couverture médiatique disproportionnée d’une controverse. »

Et les premières études expérimentales sur les conséquences négatives de la télévision, notamment pour le développement des capacités cognitives et linguistiques datent également du début des années 1970. Depuis lors, la télévision, puis les jeux vidéo, puis internet, puis les réseaux sociaux n’ont cessé de créer des paniques morales d’autant plus difficiles à combattre dans ces médias que l’attention médiatique réservée à ces phénomènes constitue en soi une garantie d’audience qui littéralement « entrave » l’expression des discours visant à éclairer la nature de ces paniques morales. C’est l’épisode fameux de Bourdieu après son passage télé : « on ne peut pas critiquer la télévision à la télévision ».

La télé, les réseaux sociaux et les jeux vidéos ne sont, bien sûr, pas « sans effets » sur nos comportements sociaux. Mais ils ne les conditionnent que de manière conjoncturelle (selon l’âge et le temps que l’on y passe, selon ce que l’on y fait et comment on l’y fait, selon le contexte familial également) et surtout, ils sont à l’opposé du caractère mono-causal que les discours politiques ou les sociologues de bistrot et de plateau, tentent de leur attribuer après chaque fait divers dramatique, pour les premiers par opportunité d’une ligne de fuite, pour les seconds par pure et crasse bêtise.

Les médias devenant « mass médias », c’est tout aussi massivement que fleurirent les amalgames et approximations. Le seul consensus scientifique documenté et constant depuis plus de 20 ans sur le rapport aux écrans est que les enfants ne doivent pas y être exposés trop tôt et trop longtemps dans leur très jeune âge puisque le temps de construction synaptique, cognitif et psycho-affectif passe, sur le plan du langage et des émotions, avant tout par le rapport à l’autre. Et que la télé (ou les réseaux sociaux ou les jeux vidéos) ne sont pas quelqu’un d’autre. « La télé (…) c’est personne » écrivait Serge Tisseron. Mais de là à affirmer qu’ils en deviendraient délinquants en puissance ou passeraient à l’acte plus facilement, il est un gouffre que franchissent seuls quelques foutriquets prêts à tout pour se gaver à la gamelle de l’audience ou s’abreuver à la source de l’oubli de leurs responsabilités.

Par-delà les médias, sociaux ou non, la question est avant tout celle de la logique économique et politique des industries culturelles dans leur ensemble tant oligarchique qu’oligopolistique, et de la manière dont, comme l’analysait Bernard Stiegler, ce « capitalisme hyperindustriel » flingue les individus et leur désir.

J’ai, après les déclarations d’Emmanuel Macron, pu échanger avec la journaliste Copélia Mainardi dans un entretien paru dans le journal Libération le samedi 1er Juillet. Pour archivage personnel et pour en faire profiter le plus grand nombre d’entre vous, je le republie ici.

Mort de Nahel : « Ces scènes de violence auraient existé même dans un monde totalement déconnecté »

Pour Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l’information et de la communication, la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos virales triées par les algorithmes risque de faire émerger un récit binaire et émotionnel des événements, et ainsi susciter des formes de surréaction.

Depuis la mort de Nahel ce mardi 27 juin à Nanterre, la colère est partout : ces trois dernières nuits, les scènes de violences urbaines se sont multipliées dans le pays, et des milliers de Français ont pu suivre virtuellement l’évolution des événements sur les réseaux sociaux, de TikTok à Snapchat. Pour Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, cette diffusion massive de vidéos traduit une course à la viralité à laquelle se livrent des plateformes férocement concurrentielles. Ce nouveau rapport aux images qui repose sur le «live» ne doit cependant pas faire perdre de vue l’essentiel : ce qui se déroule aujourd’hui relève du fait sociologique et politique, et non numérique ou technologique.

Un récit cohérent peut-il émerger du flot d’images continu et désordonné que produisent les réseaux sociaux autour des événements de ces dernières nuits ?

Eprouver ce genre d’événement à travers une plateforme où l’on a ses habitudes provoque une sorte de fracture cognitive : on sait qu’on ne dispose pas de tous les points de vue, mais la surexposition nous force à nous faire un avis. Cette saturation est propre à la viralité, seul point commun de ces plateformes qui fonctionnent selon des régimes de visibilité bien différents. Cela abolit tout espace de réflexion, d’analyse, de mise à distance. Difficile donc de faire émerger un récit cohérent à partir de ce gigantesque flux, d’autant que demeure le problème des fake news et de la désinformation, rien ne ressemblant plus à une vidéo d’émeute qu’une autre.

Cette confrontation directe aux images est sans doute la différence principale avec les émeutes de 2005.

A l’époque, le rapport aux images était conditionné par un régime médiatique assez classique : des images de presse, assez peu de chaînes d’information en continu, certains rendez-vous incontournables (le JT de 20 heures par exemple). Aujourd’hui, certaines vidéos «live» sur les plateformes permettent de modifier le cours de l’histoire : sans celle de la mort de Nahel, l’enchaînement des faits et du discours médiatique aurait été radicalement autre. Mais le risque de cette diffusion anarchique et massive, c’est aussi que le récit principal soit généré par une organisation algorithmique : donc dans le binaire, l’émotionnel, la surréaction propre au régime de viralité sur lequel ces plateformes fonctionnent.

Emmanuel Macron a évoqué une forme de «sortie du réel» chez les plus jeunes, et expliquait : «On a le sentiment que certains vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués». Le numérique et les consoles ont-ils facilité le déclenchement des violences ?

Ces propos sont désespérants : le discours sur le mimétisme et la reproduction de scènes de violence des jeux vidéo dans la «vraie vie» est une thèse qui ne tient pas la route et n’a jamais été établie scientifiquement. Il y a corrélation mais en aucun cas causalité. Emmanuel Macron tient un «discours refuge» qui n’a pour but que de le mettre à l’abri de ses propres responsabilités. Ces émeutes et scènes de violences auraient existé même dans un monde totalement déconnecté : ce qui se passe actuellement est un fait sociologique et politique, non un fait technologique et numérique.

Les témoins des scènes des nuits dernières semblent parfois moins intéressés par la vidéo en question que par sa diffusion, ou sont à la recherche d’une situation insolite qui provoquerait le «buzz». Assiste-t-on à une sorte de mise en scène, inspirée des codes de TikTok et Snapchat ?

Aujourd’hui, chaque fait d’actualité est instantanément repris avec certains codes TikTok (filtres, musiques dansantes) : l’invasion de l’Ukraine a montré que ces marqueurs de la viralité pouvaient même être appliqués à la documentation d’images de guerre. Les événements des dernières nuits ne dérogent pas à la règle, ce qui est particulièrement déstabilisant, d’autant que certains produisent ce récit pour construire des éléments de notoriété et non pas dans un but de documentation. Deux types de régimes d’images s’affrontent donc : des vidéos «brutes», qui proposent un point de vue externalisé, des scènes filmées pour ce qu’elles sont, depuis la rue ou son balcon. Et en face, des vidéos «point de vue», où l’auteur donne son avis, tient un discours, se met en scène et dans lequel les émeutes sont de simples éléments de décor. C’est à cette seconde catégorie qu’appartiennent l’image insolite et le challenge, inscrits dans l’ADN de TikTok. C’est un élément que les utilisateurs ont métabolisé : un bon challenge fait exploser une vidéo, qui va évoluer en mème, devenir virale. Le même principe se voit aussi sur Twitter, où on vise la recherche du «bon hashtag», celui qui va émerger et s’imposer pour caractériser l’actualité décrite. Chaque plateforme a ses codes et ses attendus.

En face, il y a une dimension hypnotique à ce «scrolling». Cette circulation continue peut-elle engendrer un détachement, une forme de dépolitisation ? Ou à l’inverse, un sentiment d’insécurité ?

Cette interrogation revient régulièrement : c’était notamment le cas quand ont émergé les chaînes d’information en continu. Il n’y a pas d’effet de banalisation, de lassitude ou de déréalisation trop prégnants. A l’intérieur de ces différents espaces – médias sociaux, presse écrite, radio – il y a des types de discours différents, mais chacun travaille pour les autres. Aujourd’hui, le temps réel est devenu une composante non négociable des régimes de circulation médiatique, ce que les plateformes ont très bien compris : elles détachent ensuite ces vidéos du moment de leur diffusion pour les inscrire dans un continuum de viralité, afin de nourrir l’économie attentionnelle sur laquelle elles fonctionnent.

La rapidité des échanges sur ces différents canaux permet aussi la mise en relation de lieux, habitants et militants… Une difficulté supplémentaire pour les autorités ?

Des printemps arabes aux Gilets jaunes, la capacité logistique et coordinatrice des plateformes a joué un rôle majeur dans l’organisation des actions collectives. Mais à l’époque, ces espaces étaient plutôt publics (les Gilets jaunes se retrouvaient au départ sur des groupes Facebook accessibles à tous), et scrutés sans trop de difficultés par les pouvoirs en place, ce qui finissait parfois par se retourner contre les activistes : pendant les printemps arabes, les régimes se sont parfois servis de Facebook pour étouffer les mouvements ou traquer les militants. Aujourd’hui, ces espaces d’organisation sont descendus sous le niveau de l’observable, sur des messageries comme Telegram et WhatsApp, plus difficiles à surveiller car elles relèvent de l’espace privé. En face, les autorités tentent bien sûr de s’adapter, de faire évoluer leurs outils et leviers d’action, de mettre en place des procédures d’infiltration… Et les militants activistes ont parfaitement conscience de cette évolution, désormais partie intégrante de leur stratégie.

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