La clé partout. Et la circonférence nulle part.

La stratégie de Google à l’orée 2006 a eu, au gré des annonces variées et des secteurs concernés, tendance à s’opacifier en se diversifiant à chaque fois davantage. A ceux qui annonçaient le lancement d’un "Google PC", la firme répond en déovilant son "Google Pack", ensemble de logiciels à la mode "Pack Office Internet". Je fus (et reste) de ceux qui maintiennent que Google se positionnera sur l’offre PC "low cost" façon "network computer". Mais avant de revenir là-dessus, refaisons un rapide tour d’horizon des "coups" de la firme de Mountain View en ce début d’année.
La stratégie "Google Pack" tout d’abord qui constitue un cheval de troie idéal pour s’installer sans en avoir l’air sur le marché des OS et accrocher un public qui ne demande rien de mieux que l’alternance (aux outils Microsoft), à condition depouvoir bénéficier de la même assurance de "tranquilité" qu’avec ces derniers et d’une mise à jour à moindre effort. De facto, tous les logiciels nécessaires à ce qui fait aujourd’hui notre accès à l’information et à son traitement sont inclus dans ce "Pack". L’analyse de Didier Durand sur "Media & Tech" en référence  à la théorie de la "puissance du composant par défaut" développée par Hal Varian est à ce propos tout à fait limpide et ô combien éclairante (consulter les liens et les références dans son billet).
Pour tout "cheval de troie" qu’il est, le "Google Pack" ne rapporte cependant pas directement d’espèces sonnantes et trébuchantes (non pas qu’il en ait à proprement parler "besoin" …). Ce qui n’est pas le cas du "Google Vidéo Store", marquant le changement de modèle économique du moteur avec le mise en place d’une solution de téléchargement et de consultation payante de type "vidéo à la demande". Cette stratégie pourrait dès lors s’étendre à d’autres services. Et comme le fait justement remarquer Marc-Olivier Peyer, il n’est pas impossible d’imaginer le lancement d’un Google Book Store, avec comme premier concurrent visé, le site Amazon. En tous les cas, le "marché" est énorme et il est évident que Google n’ambitionne plus seulement d’être le numéro 1 des moteurs grands public mais également de devenir un média de diffusion tourné vers ce même grand public (ainsi les annonces dans le communiqué de presse concernant le service de vidéo à la demande qui s’éternise sur les partenariats avec la NBA – ligue de basket pro américain -)
Après le cheval de troie et la source de nouveaux revenus, reste à déployer de stratégiques partenariats : ce qui est fait avec Motorola tout d’abord, mais également Intel et Dell.
Avec Motorola il s’agit d’être présent (et si possible leader) sur le marché des services à l’usager via cette tendance lourde de l’informatique nomade qui, déjà aux états-unis et bientôt en Europe, fera de nous des utilisateurs encore plus accrocs à leurs cellulaires pour "se" géolocaliser et s’orienter (GPS), pour interroger en ligne les moteurs, trouver une pizzeria pas loin, etc, etc. La bascule dont il est ici question est celle des services de type X-Local et/ou X-Maps ou encore X-Earth  (avec X= Google, Yahoo! et MSN) sur nos micro-terminaux portables.
Avec les grands constructeurs ensuite que sont Intel et Dell. Deux poids lours. Très lourds. En ce qui concerne Intel, Google implante ainsi un peu plus SA technologie, celle de la recherche de contenus. Et ce notamment dans les entreprises et les secteurs professionnels, dans lesquels ses solutions de recherche peinent un peu à entrer, tant Microsoft vérouille le marché.
En ce qui concerne Dell, il s’agit d’une affiliation réciproque autour d’une offre portail.
Mais Google reste Google, et tout en se diversifiant, en conquérant des marchés, des audiences, en se positionnant sur des produits et des services, en n’oubliant pas de faire dans le gadget à la mode (d’ailleurs peut-être pas si Gadget que ça en a l’air … Volkswagen n’est pas Traban …) Google continue de chercher, toujours plus profond. Car seule cette "suprématie" technologique peut lui garantir son positionnement sur un ensemble de secteurs aussi fortement concurrentiels, ladite concurrence ne comptant aucun poids plume, loin s’en faut.
Face à Google, ses deux rivaux et frères ennemis développent également des partenariats et des rachats orientés vidéo et téléphonie mobile tout en s’accrochant parallèlement à leur stratégie de captation. Dernière proie en date : le moteur Technorati qui trouverait bien sa place aux côtés de FlickR et autres del.icio.us dans l’orientation "social search" de Yahoo! mais qui semble également intéresser MSN.
Or donc, quel bouleversement en 2006 ? Les trois grands (GYM) consolident chaque jour davantage leur offre portail autour de services à l’utilisateur très orientés Mass Media et Broadcast. La concentration des acteurs en ces terres n’est certes pas un phénomène nouveau mais qui aurait il y a de cela 4 ou 5 ans pensé raisonnablement que les attracteurs pourraient être les "moteurs" de recherche. S’ils le sont devenus c’est parce qu’ils sont ceux qui connaissent le mieux nos comportements informationnels en ligne (pour pouvoir les "monétiser"), et que nos comportements informationnels en ligne sont devenus (largement) dominants.
Dans cette panoplie de stratégies finalement assez semblables (à l’exception notable de Yahoo!, qui affiche la sienne – social search – avec le plus de lisibilité), dans cette panoplie donc, celle de Google est, somme toute, très pascalienne. Celui-ci (parlant de dieu), invoquait une "sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part". Chez Google, le centre, c’est la technologie de recherche. Elle est la clé. La voûte. L’attracteur historique. Par ses positionnements et ses alliances, Google place un maximum de ces "clés" : sur nos mobiles avec Motorola, sur nos portails avec Dell, sur nos processeurs avec Intel, sur notre environnement logiciel avec son "pack", sur nos habitudes informationnelles avec son "Vidéo Store". A ce titre, le "Google PC" existe déjà. Il ne lui manque plus (mais est-ce bien nécessaire ?) que 4 plaques de tôle pour enserrer ces pratiques et ces habitus qui sont les nôtres. Un monde informationnel rouge, jaune, vert et bleu. Avec à chaque fois notre regard et nos pratiques butant sur cet obsédant logo. Sans qu’il soit pour autant facile d’en dé
limiter la circonférence, le vrai champ d’action. La clé partout. La circonférence nulle part. Mais pour terminer avec Pascal encore : "Il n’est pas certain que tout soit certain." 😉
(Sources : celles dissimulées derrière les liens de ce billet)
(Complément : sur la stratégie des "big three" par Abondance)
(Complément : intéressant article de The Economist revenant sur la personnalité et les ambitions de Larry Page.)

2 commentaires pour “La clé partout. Et la circonférence nulle part.

  1. Dell *.*

    Donc voilà. Pour (à la louche …) un milliard de dollars, la Google Toolbar, ainsi que le Google Desktop seront préinstallés sur les PC fabriqués par Dell. Tous les détails sont dans Zorgloob qui rappelle utilement qu’il s’agit là de

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut