Prenez trois des plus grosses machines financières de la planète. Et leur ambition de s’intéresser aux livres et à leur mise en ligne. Après le temps du bluff ("Je numériserai plus vite et plus que toi"), après le temps du bug ("Si j’affiche un chiffre, vous n’irez pas vérifier, hein ?"), viendra le temps du "beautiful", de l’achèvement, de l’usager. Ce temps semble venu.
Prenons donc Google books et l’annonce de son nouveau visualiseur. Manue s’y connaît, Manue est exigeante, et Manue n’hésite pas à invoquer la presque perfection. Dixit :
- "un zoom avant-arrière
- un tourne-page pour les amoureux du livre "à l’ancienne"
- un ascenseur vertical, avec chargement progressif des pages, pour les amoureux de la lecture dans Word
- un affichage "plein-écran" pour plus de confort
- un système de palettes refermables pour les différents services (notice, achat en librairie, etc.)
- une table des matières en mode texte (parfois un peu limitée, mais bon, elle existe)
- un lien vers un service de recommandation et vers Google Scholar et toujours …
- une interface simple et intuitive
- le téléchargement de l’ouvrage complet en PDF
- la recherche de mots dans le livre."
Nous sommes alors le 21 novembre. Que croyez-vous qu’il arriva ? Le 6 décembre, Microsoft annonce le lancement de Live search books. Comme le souligne Olivier Andrieu pour ce dernier service, la grande inconnue reste celle du droit d’inventaire et du nombre précis (ou approximatif) du nombre d’ouvrages effectivement disponibles … Suivant en cela les pas de son glorieux aîné, Live Search Books donne dans l’opacité totale. Différence notable cependant d’avec le même glorieux aîné, Live Search Books (appelons-le LSB) ne livre que des ouvrages libres de droits, puisqu’il s’appuie sur le travail de numérisation mené par Internet Archive et ses partenaires de l’OCA. Mais, via les contrats spécifiquement négociés par Microsoft avec quelques universités, on devrait voir apparaître dans LSB des ouvrages ne figurant pas dans le fond de l’OCA.
Et Yahoo! me direz-vous ? Et bien il semble qu’il ait fort à faire avec une assignation en justice pour concurrence illicite (ça existe ?) à propos d’un éventuel service Yahoo!books. L’assignation provenant de … Google. Cette affaire est assez étrange, je l’ai trouvée relayée sur TechCrunch mais n’ai pas pour l’instant davantage de sources ou de documents originaux. Si Google s’attaque à Yahoo! sur ce créneau, pourquoi n’assignerait-il pas de même Microsoft ?? Bref, si vous avez des infos là-dessus je suis preneur … En attendant, revenons à nos deux autres compères.
Après quelques test rapides, le comparatif Google/Microsoft tourne au net avantage du premier. Mais ce que je retiens de tout cela, le point qui me semble le plus essentiel, plus encore que la "presque parfaite" nouvelle interface du service Google Books c’est l’intégration en son sein du service Google Scholar par le biais d"un système de recommandation. Car, chers lecteurs de ce blog, vous finissez par un peu me connaître. Ma monomanie évangélisatrice à l’adresse des bibliothèques et de leurs catalogues peut ainsi se résumer :
- la révolution catalographique est en marche.
- Il faut servicialiser le catalogue et
- tirer toute la puissance des systèmes de recommandation qui deviennent des adjuvants primordiaux dans toute recherche d’information ou de livre (phénomène de sérendipité).
Or cette intégration de Google Scholar dans Google Books, outre qu’elle réunit deux "continents" documentaires jusqu’ici bien arbitrairement scindés (que serait la littérature "savante" sans la littérature tout court ??), cette intégration disais-je, marque une étape décisive pour les trois points sus-cités.
Ce genre de page en est la preuve : pour une édition des oeuvres d’Aristote dans Google Books, on affiche :
- les ouvrages liés (du même auteur),
- une liste de mots-clés (assez étranges au demeurant, faut que je me renseigne pour voir d’où ils les sortent …)
- des ouvrages qui citent celui recherché
- des ouvrages/articles universitaires/académiques en lien avec celui recherché.
Je voudais pas faire ma Manue, mais du point de vue de la recherche, de la visibilité documentaire (et en excluant les -très – importantes limitations dues aux inconnues sur le nombre d’ouvrages de chaque service), on est quand même pas loin d’une sorte d’idéal. Voilà en tout cas de quoi alimenter la toute dernière polémique à propos d’une certaine pratique de l’édition numérique.
Pendant qu’avance inexorablement le modèle marchand de la bibliothèque, modèle auquel même ses plus ardents détracteurs finissent par trouver au moins l’avantage d’exister et d’innover, l’empreinte de la BNUE se fait de plus en plus diffuse, éthérée, absente, telle une arlésienne numérique. Et l’Unesco réfléchit à un (énième ?) projet de bibliothèque numérique mondiale, centrée sur les documents rares. Tempus fugit. Verba volent scripta manent …
(Voir aussi : Vidéo de Brewster Kahle – Internet Archive – disant tout le mal qu’il pense de Google Books)
(Sources : sous les liens 😉
Deux ans après l’annonce de Google et après bon nombre de vaines polémiques sur le droit d’auteur, le prétendu vrac, la touffe, le bouquet,… aborderait-on enfin les questions de fond et les véritables enjeux de l’innovation proposée par Google, la fouille plein texte ?
Enfin ! A part ça, je n’ai pas d’info sur la liste des mots-clés proposés par Google Search Book. Mais je ne vois nulle part les livres du même auteur (?) ni même ceux où l’ouvrage en question serait cité (??).
En revanche, on attend avec impatience l’enrichissement de la rubrique « livre sur des sujets connexes », quand la base contiendra 11 millions d’ouvrages :o) Il me semble assez clair que rien ne sera manipulable sans le recours aux traditionnelles classifications…
Un mot pour s’amuser un peu : une bonne partie du livre de Jean-Noel Jeanneney est lisible en version anglaise sur Google Book Search :
http://books.google.fr/books?vid=ISBN0226395774
Cliquer sur ‘Aperçu’… une bonne moitié du bouquin est lisible, par tranche de 5 à 10 pages. Difficile d’imaginer que l’éditeur n’ait pas donné son accord…
Pierre> Concernant les « vaines polémiques », je vous accorde que certaines le furent, mais d’autres m’ont au contraire semblé salutaires. « rien ne sera manipulable sans le recours aux traditionnelles classifications… » a moins qu’ils n’utilisent l’extraction de mots-clés à la manière d’une gigantesque nuage de mots pour guider la navigation. Ou une combinaison des deux.
Pour le reste en général et Jean-Noel en particulier … « seuls les imbéciles … » 🙂
Manue aurait pu au moins nous signaler ça aussi sur son blog… J’ai découvert ça vendredi à la BnF :
http://maquette.bnf.fr/labs
Pour la démo :
http://maquette.bnf.fr/labs/scenario/Europeana.html
Rien n’est encore fonctionnel, ça permet juste de juger des intentions et du ‘look’… un peu tapageur à mon goût.
Less is more.
Beautiful ? Oh, les gouts et les couleurs…
🙂
En tant qu’ancien secrétaire général du comité de pilotage BNUE, je suis intéressé par votre blog, et pense que vos lecteurs seront aussi intéressés par le mien http://www.bibnum.info (voir aussi le rapport BNUe au Ministre http://www.bibnum.net)
La réussite des initiatives de google et de micrososft ne peuvent guere etre des surprises.
les contenus libres de droits pour le livre sont nombreux. Dès lors que ces entreprises y ont un accès, commence le coeur de leur métier, la technologie.
A l’inverse, les bibliothèques qui ont ces ressources à disposition et qui les gèrent, doivent inventer ou solliciter aupres de prestataires les technologies necessaires à la valorisation de leurs fonds documentaire.
Alors chaque structure se pique d’etre une grande bibliothèque numérique :
Gallica pour la BNF bien sur débuta le bal national. Vint ensuite l’inist, puis persée, sans compter les nombreuses initiatives de structures municipales, ou universitaires.
Chacune réinventa la poudre dans son coin pour valoriser son fonds.
Je n’ose imaginer ce qu’il adviendra quand les normes changeront et que ces bibliothèques imparfaites à leurs débuts, devront passer au w2.0 voire au w3.0…
http://lbellier1.free.fr/spip/spip.php?rubrique3