Le séquençage désigne une "méthodologie de laboratoire permettant de déterminer
l’ordre (la séquence) des quatre nucléotides le long d’un fragment
d’acide nucléique".
Les moteurs de recherche, Google en tête, ont déja réalisé au sens propre, le séquençage de l’information, et ce au travers des listes de résultats qu’ils nous offrent suite à une requête, lequel ordre est conditionné au principe de pertinence (dont je répète à loisir à mes étudiants qu’il est totalement subjectif et donc inopérant dans une stricte logique documentaire).
Les moteurs de recherche, Google en tête, sont en passe de réaliser, au sens propre toujours, le séquençage de la connaissance, via la numérisation et le classement (toujours entièrement subjectif, c’est à dire non-objectivable, ou si vous préférez, soumis à la seule loi du marché – prime à l’accès) qu’ils proposent des ouvrages numérisés.
Les moteurs de recherche, Google en tête, sont en passe de réaliser le séquençage du graphe social de l’humanité connectée (voir mon billet et ceux de Jean-Michel Salaun et d’InternetActu)
Les moteurs de recherche, Google en tête, s’intéressent depuis déjà longtemps au séquençage du génome. La puissance de calcul de ces formidables machines et leur infrastructure technique titanesque, couplées au domaine de la génomique, sont assurément un "créneau porteur" (il faut également ajouter à ce tableau la baisse des coûts du séquençage)
Le séquençage et les silos de nature matricielle les autorisant, sont de plus en plus le support de fantasmes orwelliens dont une rapide analyse apaisée indique qu’ils ne sont nécessairement plus de simples fantasmes mais bien au contraire, des horizons chaque jour plus probables de développement.
Avec la centralisation et la maîtrise de plus en plus de données personnelles d’une part, avec d’autre part, la logique de dérive des continents documentaires rassemblant en une entité unique et indexable
des données relavant des sphères publiques, privées et intimes, il reste un domaine encore relativement vierge en termes d’application, mais qui a de fortes chances de ne plus le rester très longtemps : c’est celui de la santé, et plus précisément, celui de la maîtrise des données individuelles de santé à des fins d’auto-diagnostic. En ce domaine, Google dispose sur l’échiquier de plusieurs coups d’avance.
D’abord il y a les nombreuses tribunes et prises de position d’Adam Bosworth déjà rappelées dans ce billet (que je reproduis ici pour un meilleur confort de lecture) :
- "Adam Bosworth, vice-président de la firme reprend sur un billet du blog officiel de Google le texte d’une conférence (.pdf) donnée concernant la politique de santé selon Google, billet et conférence au titre évocateur : "Mettre la santé entre les mains du patient."
(sic …). Avec pour cela 3 objectifs : que les patients soient
capables de "découvrir" le maximum d’informations possibles sur leurs
symptômes (1), qu’ils puissent "agir" pour bénéficier d’un accès direct
à des services pouvant les aider (2) et qu’ils puissent faire
communauté (3) pour apprendre et transmettre aux autres leur propre
expérience (et l’on suppose donc, leurs propres traitements). Quelques
mois plus tôt, cet autre billet du même Adam Bosworth avait en quelque
sorte préparé le terrain : "Comment savoir si vous êtes bien soignés ?"."
Ensuite il y a le rachat de moteurs spécialisés dans le domaine.
Il y a également le fait que la santé "personnelle" est devenue, pour ces grandes firmes, un produit de consommation de masse, et que l’idée de conserver un historique de vos recherches liées à des mots-clés médicaux et de le coupler à la collecte d’informations relevant du cadre d’un dossier médical personnel, cette idée fait clairement son chemin. L’un des nombreux blogs officiel de Google est d’ailleurs intitulé : Google Health Advertising Blog. Un titre tristement programmatique 🙁 C’est d’ailleurs sur ce même blog que l’on a pu lire une attaque en règle du dernier opus de Mickael Moore, Sicko, dénonçant les dérives du système de santé américain et pointant, entre autre, les risques liés à l’entrée des moteurs de recherche et d’une centralisation marchandisée sur le secteur de la médecine personnelle.
Dès le mois de Juillet 2007, Danny Sullivan pointait à son tour la probable mise en oeuvre d’un service de collecte d’informations médicales personnelles sur Google. Le 14 Août, Philipp Lenssen publie les captures d’écran du service. Le 11 septembre, Hubert Guillaud pose la bonne question : "Sommes-nous prêts pour l’atu-diagnostic en ligne ?"
Et puis à cette même période (Septembre 2007), Adam Bosworth, en charge du projet Google Health et l’un des top-managers de chez Google est remercié, et temporairement remplacé à ce poste par Marissa Mayer, vice-président en charge des "search products & User experience". Pas grand chose ne filtre sur les réelles raisons de ce départ. Mais il est probable que la communication péremptoire d’Adam Bosworth sur ces questions ne soit pas totalement étrangère à l’affaire.
Par ailleurs, la santé dans son ensemble ne saurait encore trop longtemps échapper aux problématiques de personnalisation et de "user generated content" du web 2.0, comme le rappelle cet article de l’Atelier.
Alors ?
Et bien alors il est clair que la mise en oeuvre et le déploiement de tels services d’auto-diagnostic est soumis à deux leviers, à deux impondérables :
- celui des mentalités, des résistances individuelles (qui sera à mon avis rapidement levé, la mise en ligne de l’intime et le passage à un traitement industriel des données relavant de cette sphère étant au pire déjà passé dans les moeurs et au mieux perçu comme "non-problématique"), et des résistances corporatistes (médecins). Sur ce dernier point encore, et en observant quelques signaux tonitruants (la publication scientifique médicale financée par la publicité) ainsi que les pratiques courantes de
formationbourrage de crâne auxquelles sont soumis les médecins de la part des lobbies pharmaceutiques qui ont depuis longtemps la main mise sur la formation desdits médecins, il est probable que les choses évolueront rapidement dans la mauvaise direction. - l’autre levier, c’est celui de la course à un standard d’identification pour la gestion des informations personnelles, y compris et avant tout, celle relevant du domaine médical. Or là encore, grâce à une remarquable politique de communication, Google est en passe de reprendre la main sur un domaine où il fit longtemps – et fait encore – figure de mauvais élève. S’il parvient à réunir autour d’une table, à son initiative, ses principaux concurrents et d’autres partenaires pour proposer un standard et une remise à plat des textes existants, il le fera assurément avec comme horizon sa propre logique de déploiement de services, et y gagnera non seulement un avantage stratégique inespéré mais également et tout aussi sûrement une nouvelle virginité en la matière.
Comme disait l’autre : "Nous vivons une époque épique et nous n’avons plus rien d’épique. La musique se vend comme le savon à barbe. Pour que le désespoir même se vende il ne reste qu’à en trouver la formule.
Tout est prêt : les capitaux. La publicité. La clientèle. Qui donc inventera le désespoir ?"
Alors ???
Alors il est plus que probable que Google invente prochainement la médecine personnelle à des fins d’auto-diagnostic. Alors il est plus que probable que la médecine personnelle entra à son tour dans une phase d’industrialisation massive. Alors il est plus que probable qu’en contrôlant directement ou indirectement les deux bouts de la chaîne (publications médicales et/ou visiblité et/ou accès aux publications d’un côté, et contrôle des traitements/diagnostics/médications personnelles de l’autre), et en faisant de la marchandisation publicitaire un modèle unique d’interfaçage, de classement et d’accès à l’information, alors il est fort probable que nous connaissions des lendemains qui déchantent. Voilà ce qu’il advient quand des logiques de service à court terme (et de monétisation desdits services) se substituent à quelques nécessaires, légitimes et préliminaires considérations "éthiques" à moyen terme.