La sagesse des foules est l’un des "paradigmes" du web 2.0. L’idée est que le collectif "flou", c’est à dire ayant simplement en commun un intérêt (partager des informations par exemple) ou une pratique (tagguer des photos par exemple), permet d’optimiser un certain nombre de processus, au rang desquels l’indexation, le classement et la recherche d’informations. In fine, certains y voient (ou tentent d’y voir) la possibilité d’une réelle valeur prédictive (la valeur prescriptive étant depuis longtemps avérée dans le marketing de masse)
Quelques principes selon son principal "théoricien", James Surowiecki, journaliste économique et auteur du bestseller éponyme (Wisdom of Crowd), d’où il ressort que ladite sagesse des foules est d’abord un éloge de la diversité. Une sorte d’iségoria prédictive et incarnée.
- Collectivement les gens en savent plus que ce que les gens en haut croient.
- Un groupe avec un QI moyen plus faible sera meilleur pour résoudre
un problème qu’un groupe de gens avec un profil homogènes et un QI
moyen plus élevé, grâce à leur diversité (origine, expérience, âge,
formation…).
- Avec un groupe homogène, plus les membres parlent, plus il devient stupide.
- Il faut encourager les désaccords et les opinions dissonantes.
- Les leaders doivent diminuer lors propre influence dans un
processus de résolution de problèmes et éviter de s’entourer de gens
qui pensent comme eux, - La diversité est la clé d’une foule intelligente, la diversité à deux niveaux tout particulièrement :
- Perspective (la façon de percevoir un problème)
- Heuristique (la façon de régler un problème)
- Les groupes sont plus intelligents quand les gens agissent individuellement.
L’algorithme de Google serait l’exemple parfait de ce phénomène de sagesse des foules, en permettant de synthétiser en une
fraction de seconde l’opinion des internautes et en mettant de
l’ordre dans le chaos. Soit la quintessence instantanée et sans cesse renouvellée de l’iségoria : mécanique, algorithmique, "motorisée". Ces derniers propos ayant d’ailleurs été confirmés dès 2004 par Adam Bosworth, à l’époque vice-président ingénierie chez Google.
(Source : les points en italique sont la reprise de la prise de notes de Guillaume Brunet, lors de la conférence de James Surowiecki à la dernière journée Infopresse)
Cher Monsieur,
je trouve sujet à confusion l’utilisation du concept de « foule ». La foule est par définition stupide et dangereuse: son intelligence est inférieure à l’intelligence moyenne de ses membres.
Dans le réseau électronique, les individus restent « à distance » les uns des autres. Cette distance qui permet la réflexion, l’adhésion ou le refus – et la collectivisation, si l’on peut dire, de l’intelligence.
Cordialement
Marc> concernant votre premier paragraphe, c’est précisément l’inverse que montre l’ouvrage mentionné. Je vous renvoie donc à sa lecture.
Sur le second paragraphe, OK même si cette mise à distance implique également un désengagement qui peut dans certains contextes être problématique (nombre de sociologues ont écrits sur ce sujet)
Cordialement aussi
J’ai bien ce billet qui nous offre un éclairage singulier sur les différents mécanismes de la collaboration ou du travail de groupe.
La dernière assertion : « Les groupes sont plus intelligents quand les gens agissent individuellement. » mérite réflexion et sans doute quelques exemples pour être comprise.
On pourrait cité également Howard Reingold http://www.transfert.net/a9068
Ou Pierre Levy pour l’intelligence collective http://www.journaldunet.com/itws/it_plevy.shtml
À une époque, je me suis intéressé à la bêtise collective, dans un but plus humoristique et personnel que scientifique.
Par exemple, dans une grande surface, j’ai remarqué qu’après leurs achats, la majorité des gens rangent leurs chariots sur la file la plus longue. Peu se soucient d’équilibrer les files de rangement. Résultat : on se trouve souvent avec des files courtes, voire complètement vides, et une ou deux très longues, que le personnel de la grande surface doit parfois rééquilibrer manuellement plusieurs fois par jours.
Autre exemple amusant : lorsqu’il y a une entrée dans un lieu très fréquenté avec une dizaine de portes à battants alignées (souvent vitrées), la majorité passe par les deux ou trois portes déjà ouvertes par l’utilisateur précédent. Très peu ont l’idée d’en ouvrir une nouvelle pour aller plus vite.
J’en avais une petite collection du même genre mais elle ne me viennent pas à l’esprit au moment ou j’écris.
@Ouinon
Très juste et amusant. Par contre sur votre 2ème exemple, passer par une porte qui vient de servir garantit qu’elle fonctionne. Une porte « abandonnée » est peut-être la mémoire d’un échec enregistré par un passant oublié depuis (donc à éviter), qui se serait trouvé face à une porte bloquée, réorientant le trafic vers une porte en bon état (un peu à l’image des fourmis qui affinent leurs trajets en fonction des feromones laissées par les précédentes). Dans ce cas il s’agirait bien d’intelligence collective.
@Mardi : raison de plus pour essayer d’ouvrir une nouvelle voie, pour « guider » plus efficacement les suiveurs en réduisant le flux important sur les 2 ou 3 portes déjà utilisées 😉
Mais effectivement, il me semble que la notion de risque est importante au sujet de l’intelligence collective. Je me souviens vaguement d’un documentaire qui expliquait cela à propos des militaires (ou même des civils) qui étaient prêt à tuer à partir du moment ou ils couraient des risques de pénalité. Le système militaire justement… je n’ai pas lu le livre mais j’aimerai bien savoir ce que James Surowiecki en pense en terme d’intelligence collective.
Dans « la sagesse des foules » il y a sagesse et foule 😉
1) sur la sagesse, je sais pas. Comme vous le soulignez, on trouve que l’on peut donner autant d’exemple pour que contre.
2) sur la foule en revanche il me semble que c’est clairement un abus de langage. Il n’y a pas de foule sur Internet. Au départ, c’est un rassemblement physique de population.
Donc parler de la sagesse des foules (pour en gros désigner quelque chose qui touche à l’intelligence collective) me paraît être un contresens et un slogan pour gogos 2.0.
Dans ce que vous relevez tout cela tient plus du public que de la foule pour reprendre les oppositions canoniques de Tarde ou de Park (et bien d’autres).
La « sagesse des foules » est plus que le paradigme du Web 2.0, c’est celui de la science. Un résultat est qualifié de scientifique quand précisément il est accepté par le groupe des pairs. On y encourage la diversité de points de vue et la discussion (la dispute le cas échéant) est recommandée. Les décisions ne sont pas prises d’autorité mais par consensus. Il n’y a pas de leader, il n’y a que de bons résultats et les résultats scientifiques sont le résultat d’une diversité d’individus.
C’est aussi la position de l’éthique de la discussion d’Habermas.