La sagesse des foules ?

Adam Bosworth est depuis 2004 le vice-président "ingénierie" chez Google. Il publie ici un texte intéressant dont je retiens (et traduis) ce paragraphe :

• "La sagesse des foules fonctionne étonamment bien. Les systèmes qui marchent sur le web fonctionnent du bas vers le haut (‘bottom-up’). (…) Par exemple Flickr ne dit pas à ses utilisateurs quel tag utiliser pour leurs photos. Loin de là. N’importe qui peut déposer n’importe quel tag sur n’importe quelle photo. Mais – et c’est la clé – Flickr offre un retour sur les tags les plus utilisés et les plus populaires, et les gens souhaitant attirer l’attention sur leurs photos (…) apprennent rapidement à utiliser ce lexique si celui-ci fait sens. Cela rend le système étonnamment stable. Del.icio.us fait la même chose. Le succès de Google pour rendre les recherche plus pertinentes reposait sur la puissance de cette sagesse populaire (PageRank)…"

A propos "d’étonnante stabilité" j’en profite pour recommander à nouveau cet article (.pdf) intitulé : "The Structure of Collaborative Tagging Systems".
L’un (l’article) comme l’autre (Adam Bosworth) attestent une nouvelle fois du principe d’auto-régulation qui caractérise le fonctionnement d’Internet. Plus précisément on trouve ici ce que Pierre Lévy analysait comme le troisième des 6 principes de l’hypertexte :

• "multiplicité, emboîtement des échelles (« l’hypertexte s’organise sur un mode « fractal », c’est-à-dire que n’importe quel nœud ou n’importe quel lien, à l’analyse, peut lui-même se révéler composé de tout un réseau (…) »)"

A l’échelle de l’hypertexte planétaire comme à celle des tags sur Flickr, il semble que dominent des modes d’organisation fractals que l’on pourrait ainsi résumer (pour les tags) :

• il existe pour tout élément donné (texte, image, document) une série de mots et termes composant le plus petit lexique commun permettant de décrire l’objet ou le document.

Dis comme cela ça paraît simple mais ce sont pourtant, derrière cette phrase, des siècles de mises au point de techniques d’indexation et de classement dans les bibliothèques qui remontent à la surface et, pour ce qui est des siècles à venir, l’interrogation (que je pense) sans fin sur la possibilité d’un web ‘vraiment’ sémantique, c’est à dire s’adossant sur une architecture complète d’ontologies emboîtées (et présupposant une idéelle ‘top-level ontology’).
Quand à ce qui est de la "sagesse des foules", je serai personnellement plus prudent. Car de la même manière que "les technologies (ne) sont (pas) neutres", la sagesse de la foule à aussi montré nombre de ses limites historiques. En l’état, accordons au PageRank de Google et aux systèmes de Tags collaboratifs qu’il constituent tout au plus "le meilleur usage raisonné possible des motifs (patterns) les plus récurrents et/ou les plus apparents de la ‘sagesse populaire‘, ou plus exactement de l’image qu’elle donne d’elle-même."