C'était la semaine dernière. Très exactement le 12 Mars 1989, date de la parution de l'article fondateur de Tim Berners Lee. La date anniversaire des 25 ans du web. Au-delà des petites querelles sur la vraie date du vrai anniversaire de la vraie naissance du web (cf cet article), un autre anniversaire est lui passé presqu'entièrement inaperçu. C'était l'année dernière. Le 30 avril 2013 nous fêtions les 20 ans de l'entrée du web … dans le domaine public. C'est en effet le 30 avril 1993 que le CERN décide de verser dans ledit domaine public l'ensemble de la technologie (serveur, navigateur, code) qui permet au web d'être ce qu'il est aujourd'hui.
25 ans dont 21 dans le domaine public.
A l'heure où l'on n'a de cesse de reculer constamment et de manière aussi foutraque qu'hypocrite la durée après laquelle une oeuvre a le droit d'entrer dans le domaine public, nos harpagons plénipotentiaires des industries culturelles, les généreux et visionnaires capitaines d'industries d'Amazon, Apple, Google, Facebook, Microsoft etc. sans oublier le camarade Pascal Nègre, tous seraient bien inspirés de se souvenir qu'à peine 4 ans après le premier article qui en esquissait la vision, l'ensemble des technologies du web basculèrent dans le domaine public. Et de réfléchir à ce qu'ils seraient devenus si le web était resté un biotope propriétaire. "On se croit mèche, on n'est que suif."
Le père inquiet.
A l'occasion de cet anniversaire donc, nombreux furent ceux qui, notamment lors du festival South by Southwest, rappelèrent les actuelles dérives du plus universel des médias : hégémonie grandissante des cablo-opérateurs, oligopole à frange du contrôle, transformation en une vaste galerie marchande, neutralité du web, surveillance massive, big bullshit des #BigData, etc.
Quant au père fondateur, il répond aux questions des internautes en chat sur Reddit, veut une charte mondiale pour protéger Internet (qui n'est pas le web), et pose 3 grandes questions pour les 25 prochaines années :
- "How do we connect the nearly two-thirds of the planet who can’t yet access the Web?
- Who has the right to collect and use our personal data, for what purpose and under what rules?
- How do we create a high-performance open architecture that will run on any device, rather than fall back into proprietary alternatives ?"
La petite main.
De mon côté, en juin 1989, je passais mon baccalauréat. Je n'ai rencontré le web qu'en 1995 lors d'un DESS d'informatique documentaire à Besançon. Une dame est arrivée pour 2 heures de cours sur "l'internet". Un écran noir. Des lignes de code. Une session telnet. Et puis l'accès à quelques articles scientifiques. Une révélation. Lors de mon stage de DESS je profite du temps libre pour m'équiper de Trumpet Winsock et passe de longues nuits en IRC. Puis je donne mes premiers cours de programmation en HTML (les frames, la balise <blink> #toussa). Fasciné par les problèmes de l'intertextualité, du partage de connaissances et ne m'étant toujours pas remis de l'orgasme (intellectuel) suscité par la création de mon premier lien hypertexte, j'attaque alors une thèse sur les enjeux cognitifs de l'hypertexte. Pour ma famille et mes amis je deviens le gars qui travaille sur "mais si tu sais, la petite main, quand la flèche devient une petite main". Et voilà.
Le web a 25 ans. Déjà plus de 2000 billets que je ne vous parle que de ça. Je vous en remets juste quelques-uns qui seront ma petite touche personnelle à cette célébration.
Le web : promesse tenue ?
"Le web : promesse tenue ?", 28 Novembre 2012. En ligne sur Ecrans et reproduit pour archivage ici-même. Extrait.
Le web n'est pas la pseudo-démocratie du Pagerank. Le web n'est pas le totalitarisme de pacotille de Facebook. Le web n'est pas un supermarché d'applications. Le web n'est pas un algorithme. Le web n'est pas un programme. Le web n'est pas une application.
Tous ces exemples, toutes ces promesses non tenues, ne peuvent plus être considérées comme autant d'exceptions venant confirmer la promesse originelle du web. Parce que la promesse originelle du web est autre chose. C'est la promesse du "tous propriétaires" "tous co-propriétaires". Que nous puissions tous devenir propriétaires de notre espace – d'hébergement -, que nous parlions tous le même langage – HTML – et que si nous en ressentions le besoin, nous puissions tous, toujours, nous en servir pour y porter notre voix, comme nous seuls entendons pouvoir le faire. Un Homme. Une Page. Une adresse.
Je me souviens que c'était cela, la promesse originale du web.
(…) Lorsque Google s'effondrera, lorsque Facebook tombera, lorsque Twitter se taira, nous comprendrons que la chance offerte par l'invention du web, que le cadeau de Sir Tim Berners Lee, fut de nous y associer tous comme autant de ses bâtisseurs, comme autant de ses bailleurs sociaux. Que nous sommes aujourd'hui 2 milliards et que 4 milliards d'autres nous rejoindront demain. Et ensemble alors, nous tiendrons de nouveau, la promesse du web."
Et pour le reste, pour une approche en diachronie, redécouvrir comment l'homme est devenu un document comme les autres, puis comment nous sommes passés du world live web au world wide wear. Le web quoi. Toute une histoire.