A chaque rentrée, on se demande quel sera le grand chantier en cours sur les internets. Quel sera le grand bouleversement à venir ? Le secteur économique qui va qui va être radicalement impacté ?
Je crois que l'année à venir nous réserve quelques surprises du côté des rires et des chants du web des enfants.
Laissez venir à moi les petits enfants.
Depuis mi-2012, Facebook indique clairement et régulièrement son intention de développer un "facebook for kids".
Google vient de son côté d'annoncer (mi-août) qu'il réfléchissait aussi à des outils à destination des enfants de moins de 5 ans : gmail, chaîne YouTube, etc … (voir aussi sur le Wall Street Journal ou chez Presse-Citron)
Enfin, Facebook (encore) vient de lancer un #cromeugnon petit dinosaure pour expliquer et vérifier le réglage de ses paramètres de confidentialité. A voir la tête dudit cromeugnon petit dinosaure, et en croisant ça avec la moyenne d'âge actuelle des utilisateurs Facebook (médiane de 25-34 ans avec vieillissement progressif et constant), on se dit que :
- soit ils nous prennent vraiment pour des télétubbies,
- soit ils visent clairement le public des télétubbies.
Inutile de revenir, je pense, sur les raisons de ce "nouveau" ciblage des enfants. Juste rappeler que cela leur permettra de contourner le très data-frustrant "Children’s Online Privacy Protection Act", et rappeler aussi que du point de vue de géants qui s'accaparent déjà l'essentiel des revenus de la rente de l'économie attentionnelle, les choses sont assez simples : y'a le "Next Big Thing" qui est en fait le "Next Billion" (le prochain milliard d'utilisateurs) et qui va prendre encore un peu de temps … et comme le temps c'est de l'argent, on scrute avec attention le "Net Growth Market" : le prochain marché en croissance.
Pour le Next Billion Users, on en a parlé ici. Et pour le Next Growth Market, ben vous êtes en train de lire un billet sur le sujet 🙂
Car les réservoirs de primo-arrivants du numérique sont assez limités et concernent :
- les pays dits "émergents" (pour lesquels Facebook et Google prévoient d'ailleurs de déployer leurs propres solutions de connexion,d 'accès et de consultation – un genre "d'internet parallèle", en gros "un internet des pauvres")
- les enfants de nos danaïdes démocraties occidentales
- et bien sûr le jackpot, c'est à dire les enfants pauvres des pays dits émergents.
Niveau évolution des médias, disons simplement que le web vient d'entrer dans l'époque de la multiplication des chaînes de télé "pour les chtis nenfants". Comme pour ces dernières, après le temps des 1ères expérimentations et des 1ères bonnes intentions (souvenez-vous de force psychiatres nous parlant des vertus de l'éducation à l'image, souvenez-vous de ces psyditorialistes nous vantant les mérites des télétubbies sur le mode "enfin un programme adapté au développement cognitif de l'enfant", souvenez-vous de la presse rendant compte timidement de points de vue plus radicaux …), viendra le temps non pas des rires et des chants mais de l'abrutissement par l'ahurissement (et réciproquement).
Je me permets juste une courte auto-citation d'un précédent billet sur le sujet :
"Le vrai problème ce sont les grammaires de Facebook. Même en admettant – ce ne sera jamais le cas mais admettons pour l'exemple – même en admettant que Facebook arrête de jouer avec les paramètres de confidentialité et d'exposition comme un psychotique affublé de troubles obsessionnels compulsifs avec les boutons de sa télécommande, même en admettant que Facebook place l'intérêt des enfants avant celui de ses actionnaires, même en admettant que Facebook mette en place des dispositifs de filtrage leur évitant toute surexposition aux évangiles du lol et à la bible des "jeunes femmes russes qui attendent l'amour" et "recherchent des célibataires exigents", même en admettant qu'il soit sain que les premiers pas de la socialisation numérique se fassent dans une mégalopole d'un milliard d'individus, même en admettant que l'essentiel des utilisateurs adultes du site en aient une pratique suffisamment éclairée pour ne pas exposer les enfants primo-arrivants à des tombereaux de mauvaises pratiques, même en admettant que la page Facebook de Nadine Morano soit interdite aux mineurs et aux personnes sensibles, même en admettant que cette ouverture aux enfants soit une idée de Steve Jobs, le vrai problème …
Le vrai problème c'est que soient mises à disposition d'enfants ces grammaires obsessionnelles du désir, du pulsionnel et de la transaction magique : je veux, j'aime, je possède. Et qu'elles le soient comme l'alpha et m'oméga circonscrivant l'ensemble des activités de publication.
C'est qu'elles deviennent leur cadre expressif de base. Le substrat de l'ensemble de leurs interactions sociales. Je veux. J'aime. Je possède. Alors même qu'ils sont à un âge où ils sont censés apprendre à maîtriser leurs pulsions, à sublimer leurs désirs, et à appliquer une échelle de valeur aux transactions morales, affectives mais également marchandes qui sous-tendent les codes de la société qui les verra grandir. Je veux. J'aime. Je possède."
Sur ce faut que je vous laisse, le marchand de sable va passer.
Bonne nuit les petits des internets. Faites de beaux rêves Likes.
Voici venu le temps, du web des enfants …
Je ne sais pas si je laisserai un enfant de moins de 14 ans consulter un appareil connecté à internet sans encadrement. Les plateformes futures destinées pour les « kids » présentent peu d’intérêt pour moi. Comment faisait-on à l’époque ? Déjà pour moi, l' »écran » ça bouffe la vie. Si on laisse faire, c’est sûr que les notions : « Je veux. J’aime. Je possède. » deviendront majeures dans l’éducation et ce n’est pas forcément une bonne chose.
Je pense qu’un logiciel de contrôle parental payant (parce que les logiciels payants offrent une meilleure assistance) irait mieux.
Si Facebook pouvait développer un logiciel du genre plus avancé se serait parfait.