Hellsevier

Je reproduis ici la lettre (publiée et traduite sur le site de Savoirscom1) d'Alexandra Elbakyan, poursuivie en justice par Elsevier Hellsevier pour avoir mis à disposition des articles scientifiques.

La multiplication de ces affaires, l'ineptie totale du circuit actuel de diffusion des productions scientifiques, la rente inacceptable de certains éditeurs et l'absence de réaction de la plupart des universitaires concernés (c'est à dire … tous) continue de me mettre dans une colère noire.

Elsevier

J'en profite pour une nouvelle fois vous rappeler ce que Lawrence Lessig déclarait au lendemain du suicide d'Aaron Swartz :

"Quiconque affirme qu'il y a de l'argent à gagner avec un stock d'articles scientifiques est soit un idiot soit un menteur."

Voici donc la lettre d'Alexandra Elbakyan. Merci à Savoirscom1 pour la traduction de ce texte.

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Cher M. Robert W. Sweet,

Je vous écris pour clarifier certains détails de Elsevier v. Sci-Hub, affaire # 15-cv-4282.

Je suis l’opératrice principale du site web sci-hub.org mentionné dans l’affaire. Il est vrai que via le site web sci-hub.org n’importe qui peut télécharger, absolument gratuitement, une copie de chaque article de recherche publié par Elsevier (Elsevier demande 32 USD pour chaque téléchargement).

Je voudrais clarifier les raisons derrière le site web sci-hub.org. Quand j’étais étudiante à l’université du Kazakhstan, je n’avais accès à aucun article de recherche. J’avais besoin de ces articles pour mon projet de recherche. Un paiement de 32 dollars est tout simplement délirant quand vous avez besoin de survoler ou lire des dizaines ou des centaines de ces articles pour votre recherche. J’ai obtenu ces articles en les piratant. Plus tard, j’ai découvert qu’il y avait de très nombreux chercheurs (non pas des étudiants, mais des chercheurs universitaires) exactement comme moi, spécialement dans les pays en développement. Ils ont créé des communautés en ligne (forums) pour résoudre ce problème. J’étais une participante active dans une de ces communautés en Russie. Là, toute personne qui a besoin d’un article de recherche, mais ne peut le payer, peut faire une demande et un autre membre qui peut l’obtenir l’enverra gratuitement par email. Je pouvais obtenir n’importe quel article en le piratant, et j’ai donc répondu à de nombreuses demandes et les gens ont toujours été très reconnaissants pour mon aide. À la suite de cela, j’ai créé le site web sci-hub.org qui rend simplement ce processus automatique et le site web est devenu immédiatement populaire.

Il est vrai que le site web collecte des dons, pour autant nous ne contraignons personne pour qu’ils en envoient. Elsevier, par contraste, opère un racket : si vous n’envoyez pas d’argent, vous ne lirez aucun article. Sur mon site, n’importe quelle personne peut lire autant d’articles qu’elle le souhaite gratuitement, et envoyer un don est leur libre volonté. Pourquoi est-ce que Elsevier ne peut travailler ainsi, je m’interroge ?

Je voudrais aussi mentionner qu’Elsevier n’est pas le créateur de ces articles. Tous les articles sur leur site ont été écrits par des chercheurs, et les chercheurs ne reçoivent pas d’argent sur ce qu’Elsevier collecte. Cela est très différent de l’industrie de la musique ou du film, où les créateurs reçoivent de l’argent pour chaque copie vendue. Mais l’économie des articles de recherche est très différente. Les auteurs de ces articles ne reçoivent pas d’argent. Pourquoi enverraient-ils leurs travaux à Elsevier dans ce cas ? Ils se sentent contraints de le faire, parce que Elsevier est un propriétaire de ce qu’on appelle des « journaux à haut impact ». Si un/e chercheur/se veut être reconnu, avoir une carrière – il ou elle a besoin de publier dans de tels journaux.

Ce que j’ai écrit ici n’est pas juste mon opinion – ce sujet est largement discuté dans la communauté de la recherche. Par exemple, le chercheur John Willinsky a écrit un livre nommé « The Access Principle: The Case for Open Access to Research and Scolarship » où il parle de ce problème. L’opinion générale dans la communauté de la recherche est que les articles de recherche devraient être distribués gratuitement (accès ouvert), et non vendus. Et les pratiques d’entreprises comme Elsevier sont inacceptables, parce qu’elles limitent la diffusion de la connaissance. En 2012, il y a eu un « boycott d’Elsevier » organisé par l’éminent mathématicien Timothy Gowers pour lutter contre de telles pratiques :

« The Cost of Knowledge » est une protestation par des membres du monde académique contre les pratiques commerciales de l’éditeur de revues Elsevier. Parmi les raisons de cette protestation il y a un appel à des prix plus bas pour les revues et à une mise en avant accrue de l’accès ouvert à l’information. Le principal travail du projet est de demander aux chercheurs de signer une déclaration où ils s’engagent à ne pas soutenir les revues d’Elsevier en publiant, en faisant une revue par les pairs, ou en fournissant un service éditorial pour ces revues. »

Je voudrais aussi mentionner que je n’ai jamais reçu de plainte des auteurs ou des chercheurs, seul Elsevier se plaint de la distribution libre de la connaissance sur le site web sci-hub.org.

Cordialement,

Alexandra Elbakyan,

L’opératrice de sci-hub.org

Texte original : https://torrentfreak.com/images/sci-hub-reply.pdf

Note des traducteurs : ce texte a été traduit littéralement et nous avons conservé les tournures employées par Alexandra Elbakyan qui n’est pas anglophone native.

3 commentaires pour “Hellsevier

  1. Bonjour je ne suis pas du tout chercheur…
    Si je comprends bien les chercheurs cedent leurs ‘droits d auteurs’ (je ne sais pas si cete notion existe) a Elsevier du au prestige historique de cette maison d’édition ? Tout cela sur le resultat de recherches public ? Je suis peut etre naif mais pourquoi simplement ne pas arrêter d’alimenter Elsevier pour plutot alimenoter une base de donnée open source avec tout ces articles ?
    J’ai cherché au hasard sur le net et je suis tombé sur http://www.scirp.org/Index.aspx par exemple.

  2. @Ritch. Vous avez tout à fait raison mais je crois que le problème est parfaitement résumé dans le billet de la fondatrice de Sci-Hub : les scientifiques sont majoritairement d’accord pour dire que l’Open Access (nom du mouvement visant à rendre accessibles lesdits résultats de la recherche, je vous laisse vous documenter) c’est bien, mais les revues dans lesquelles il est intéressant de publier restent sur ces sites payants (on parle de revues à fort « facteur d’impact », ie fortement citées par d’autres revues, pour aller vite). Voilà voilà.

  3. En théorie, les lois françaises et néerlandaises ont un droit d’auteur à vie (et même post-mortem en France). Mais la loi sur la propriété intellectuelle passée à Bruxelles il y a 5 ans est en contradiction avec les lois nationales. Depuis, on a ajouté au mille-feuille le AI Act, qui est en contradiction avec le sus-mentionné IP Act ainsi qu’avec les lois nationales.
    Vite, un chatbot et un cabinet de conseil pour pondre un rapport!!!

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