Je ne suis pas le seul à le déplorer et/ou à m’en inquiéter, mais nos chers moteurs sont de plus en plus de formidables machines à profiler, à nous profiler. Bizarre trajectoire à la réflexivité non désirée qui place l’usager à la place de l’objet recherché. Je m’explique …
/ Moteur de recherche /
Au commencement il y eut le "reverse searching" ou "recherche inversée" permettant de savoir quels sites pointaient vers le vôtre. Excellente et originelle fonctionnalité du "réseautage social", celle-ci se démocratisa peu à peu, les divers métiers de la veille, du référencement et tout le petit monde du web marketing s’approprièrent de bon droit ladite fonctionnalité, qui atteint aujourd’hui sa systématique apogée dans les outils de recherche de blogs qui valorisent à outrance le nombre de liens entrants sur votre site/blog (confondant au passage autorité et notoriété). Bien. Reverse searching donc. Pour savoir quel site pointe vers quel autre. "Je est un autre" … Moteur de recherche. Inversée.
/ Moteur de divination /
Puis, la "socialisation" des requêtes peinant à franchir un difficile passage à l’échelle, on se mit à réfléchir à des recherches de plus en plus contextuelles, tellement contextuelles qu’elles pourraient devenir implicites … pas encore de télépathie ou de guidage par ondes cérébrales mais, tout de même, l’idée que l’on pourrait récupérer des réponses intéressantes sans même avoir à poser la question.
Alors vînt le temps de la base de donnée des intentions. Car pour proposer des réponses sans que les gens n’aient à poser de questions, il faut un minimum les connaître … Moteur de divination donc.
/ Moteur de prestidigitation /
L’arrivée de Google et de son PageRank, la démocratisation de l’accès à Internet, la démocratisation des pratiques de recherche, l’uniformisation des différents espaces jadis distincts de l’Internet (News, Usenet, Forums, sites …), ces indices avec d’autres autorisent l’entrée dans un âge d’or de la recherche d’information. Cet âge d’or atteint, le premier épisode – technologique – de la guerre des moteurs se termine ou est à tout le moins relégué au second plan pendant qu’une autre guerre se profile à l’horizon documentaire du web : celle de notre profilage. Et pour livrer cette guerre, à l’inverse de celle de la technologie, nombres d’armes, et des plus redoutables sont déjà fourbies. Car le marketing est aussi une science, ne l’oublions pas. Inexorablement et, de manière très habile, presqu’anecdotiquement, on découvre chaque jour de nouveaux outils dont le dernier en provenance des laboratoires de MSN permet d’établir un profilage sociologique en fonction des requêtes. Et c’est là que la prestidigitation opère. Une nouvelle science, celle de l’escamotage. Escamoter la recherche comme finalité, pour faire de l’usager la première de toutes les finalités. Après avoir cherché qui me cherchait en me liant (moteur de recherche inversée), après avoir deviné ce que je pourrais chercher (moteur de divination), voilà qu’en cherchant je deviens non pas l’objet de ma recherche mais la recherche elle-même. "Ma" recherche, LA recherche (sur les moteurs) n’est plus que la longue traîne d’un processus d’instrumentalisation aux fins d’un marketing comportementaliste planétaire. Je cherche … pour que l’on puisse me sonder. Autrement dit, ma recherche n’a de valeur et d’objet que tant qu’elle permet d’alimenter l’économie (massivement) parallèle du requêtage et de ses liens sponsorisés, marketés, fléchés, prévendus, survendus, jusqu’à la nausée.
On vit une époque formidable. Il ne manquerait plus que les médias traditionnels se vendent au marketing politique et nous serions dans de beaux draps 🙁
Salut Olivier,
J’ai tenté une mise en perspective de tes remarques :
http://grds04.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/2006/06/29/46-biens-ou-services-gratuits
Jean-Michel> Merci de cette mise en perspective qui m’éclaire sur ma propre pensée 😉 La double articulation entre « bien » et « service » d’une part et « gratuit » et « marchand » d’autre part est effectivement le meilleur angle d’analyse. Dans la lignée de ton billet, il faudrait, du point de vue de ces « objets » que sont les moteurs de recherche, approfondir l’ensemble des relations de ce « carré sémiotique ».
Recherche émotionnelle
Après le moteur de divination, après le moteur de prestidigitation, après la recherche conversationnelle ambiante, voici venu le moteur d’émotion, ou plus pompeusement, l’ère de la recherche émotionnelle. En fait un tout petit gadget marketing déniché …