Depuis quelques temps déjà, le recteur de l’université de liège tient un blog.
Il y défend, depuis longtemps déjà (billet de mai 2006), des positions courageuses et "pro" open access.
Son dernier billet sur la question montre qu’il a tout compris à l’intérêt de mettre en place un archivage institutionnel ouvert : notoriété de l’établissement, pérennité des accès, outil de pilotage "assez fiable" des personnels et des budgets.
Il a aussi compris que du côté des éditeurs (qui ne sont souvent pas aussi aveugle qu’ils veulent bien le laisser croire), les obstacles sont loin d’être insurmontables : "82% des éditeurs autorisent maintenant l’autoarchivage en libre accès après 6 mois ou un an." (Et, rappelons-le, il est toujours possible de déposer l’article dès que sa publication est acceptée, en demandant de ne le rendre visible qu’après 6 mois ou un an, ce qui permet aux métadonnées de l’article d’être, elles, instantanément visibles, lesquelles métadonnées sont souvent largement suffisantes.)
A peine son dernier billet publié donc, voilà notre recteur apostrophé gentiment en commentaire par LE héraut de l’Open Access, j’ai nommé Stevan Harnad himself, lequel lui-demande avec la taquinerie dont il est coutumier, pourquoi donc est-ce qu’il ne franchit pas l’ultime pas … l’obligation d’autoarchivage pour l’ensemble des chercheurs (politique mise en place par moins de 10 universités dans le monde à l’heure actuelle).
La situation actuelle de l’Open Access est à un tournant que l’échange entre le recteur et le héraut illustre parfaitement :
- après une phase d’évangélisation, de sensibilisation,
- après les early-adopters,
- après une phase de démonstration qui atteste, études à l’appui (.pdf), que la visibilité des publications n’est pas remise en compte (argument historique du camp des "contre"), bien au contraire,
- après une phase de déploiement d’environnement logiciels stables permettant l’auto-archivage,
- après l’harmonisation des protocoles et des procédures (OAI-PMH),
- après une phase de lobbying pétitionnaire,
- après avoir pris garde de ne jamais baisser la garde, sous peine de coups-bas …
… vient le temps de la contrainte. Il me semble que nous ne pourrons désormais avancer qu’en radicalisant les positions, comme le rappelle par ailleurs souvent Stevan Harnad. Et à ce titre, la réflexion du recteur de l’université de Liège me semble courageusement exemplaire : l’auto-archivage s’il n’est que "recommandé" se heurtera systématiquement à des manques : de temps, de motivation, de formation, de conviction …
Il faut en bon Keynesien, "amorcer la pompe" en instituant le caractère obligatoire de la contribution de chacun à la "bibliographie institutionnelle" (qui en plus facilitera les comptes de ceux qui souhaitent en tenir …) pour instituer ensuite l’obligation à l’auto-archivage pour TOUS les chercheurs d’une université.
En ces temps de changement de présidence à l’université de Nantes, je serai curieux de savoir quelles sont, en la matière, les positions et opinions des deux actuels aspirants candidats. S’ils lisent ce blog … les commentaires leurs sont ouverts 🙂
Se priver de ce thème de campagne, ou pis encore, s’abstenir de prendre une position claire, équivaudrait à passer à côté d’un enjeu majeur pour l’université (et la recherche) de demain.
(d’autant que ce serait l’occasion pour une université française de se classer facilement dans les 10 premières mondiales ;-))
Update : Je suis d’autant plus preneur des commentaires de Ronald Guillen et d’Yves Lecointe (les candidats), qu’après lecture de leurs déclarations d’intention sur l’intranet de l’université, il n’y a pas une seule ligne sur la question de l'(auto)archivage.