Recrutement de maître de conférences

Comme je vous l’avais annoncé, je suis donc devenu membre de la commission de spécialistes de l’université de Nantes.
Et c’est en ce moment la période d’examen des dossiers des futurs recrutés (ou pas recrutés).
Chaque dossier est examiné par 2 rapporteurs, produisant 2 "rapports" sur la base desquels, la commission réunie en séance plénière, décide ou non de convoquer les gens. La règle est en général la suivante :

  • 2 rapports positifs : on convoque
  • 2 rapports négatifs : on ne convoque pas
  • 1 de chaque : on discute …

D’autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte (nombre de postes ouverts, nombre de candidats ayant candidaté sur un ou plusieurs postes, etc etc.). Chaque concours est spécifique. Mais il est un élément qui devrait être généralisable, c’est la rapport rédigé suite à la lecture des dossiers.
Comme c’est la première fois que je passe de l’autre côté obscur de la force barrière, quelques collègues m’ont fait passer différents exemples de rapports ou de "grilles" servant à produire les dits rapports.
J’en ai fait une petite synthèse, en y ajoutant mes propres ingrédients, synthèse que je vous soumets donc et sur laquelle je suis preneur de vos retours :

  • ceux de collègues ayant cette expérience du recrutement pour m’indiquer quels critères ou quelle grille ils utilisent (ou coment compléter, améliorer celle proposée ici)
  • mais aussi ceux des candidats, pour indiquer quels sont les critères qu’ils aimeraient que l’on prenne en compte et pourquoi, et si les critères retenus ci-dessous leurs paraissent pertinents.

D’autre part si vous avez connaissance d’autres grilles d’évaluation disponibles sur le Net, je prends aussi J’en avais récupéré 2 ou 3 mais elles sont décédées en même temps que mon mac :-(((((

Voici donc la grille en question :

  • Nom, titre et lieu d’exercice du rapporteur :
    • Jean Sol Partre, Maître de conférences en démonologie à l’université des mouettes
  • Poste, n° de l’emploi et affectation :
    • Mcf, n°666, IUT de Plouéguec le vieux.
  • PROFIL (Rappel des éléments importants du profil) :
    • doit permettre de synthétiser en quelques phrases les informations du profil détaillé (qui peut prendre jusqu’à 1 ou 2 pages A4 selon que le profilage du poste est dit ou non "à moustache"
  • CANDIDAT (Nom Prénom, Date de naissance, Emploi occupé) :
    • l’emploi occupé permet par exemple de repérer facilement les candidats "locaux"
  • CURSUS (Diplômes, Thèse (titre, date, mention), Qualif (section)) :
    • a priori – cela est variable selon les sections et selon le nombre de postes ouverts au concours – et même si une qualification dans une discipline vous permet théoriquement de concourir sur l’ensemble des postes ouverts, toutes disciplines confondues, chaque discipline préfère auditionner des gens qualifiés dans la discipline de rattachement du poste. Donc posez vous la question à deux fois avant de candidater sur un poste en informatique (par exemple) avec une thèse en sciences du langage (par exemple toujours). La réponse est en général contenue dans le profil de poste détaillé (qu’il vous faut impérativement chercher à obtenir).
  • RECHERCHE (Publication – chapitres d’ouvrages et revues à comité de lecture -, communications avec actes, autres) :
    • là encore conseil aux candidats : ne mélangez pas tout. Hiérarchisez et distinguez bien les différents types de publications listées ci-dessus. Chaque champ disciplinaire a ses spécificités, mais tous ne possèdent pas de liste "concensuelle" de revues de rang A, B ou C. Visez donc d’abord les revues à comité de lecture, et en tout premier lieu celles du champ de rattachement du poste (je sais, c’est pas facile vu le mode de fonctionnement de la plupart d’entre elles …)
  • ENSEIGNEMENT :
    • Il s’agit ici de voir si le candidat dispose d’une expérience significative d’enseignement. Beaucoup de candidats ont une expérience TRES significative. Inutile pour autant d’entrer dans le détail des toutes les séances de TP que vous avez assurées. Soyez synthétique et rappelez juste les publics (L/M/D), les intitulés de cours, le volume horaire, et les grandes notions/compétences abordées. Tableaux synoptiques bienvenus.
  • FONCTIONS ADMINISTRATIVES :
    • Eh oui … aujourd’hui, la vie d’un enseignant chercheur consiste à fuir la paperasse demande une forte imlication "administrative" (lequel terme est un doux euphémisme pour "bureaucratique"). Vu le nombre d’emplois administratifs qui ont été (et seront probablement encore selon les résultats de Dimanche soir), supprimés dans les universités françaises (et particulièrement les IUT, dont le mode de fonctionnement professionnalisant réclame 100 fois plus de paperasses et de gestion), vu le nombre de postes administratifs supprimés disais-je, certaines journées d’un Maître de Conférences ressemblent furieusement à de l’administratif "pur", ce qui, rappelons-le n’est pas au départ notre métier, ni ce pourquoi nous l’avons choisi (spéciale dédicace aux "Chefs de département" et autres "Directeurs des études" de nos chers IUTs qui pour un plus ou moins modique 13ème mois, se cognent à longueur de journée et d’année une série d’emmerdements, de paperasses et de crises de réunionite aîgues capables de transformer tout idolâtre sarkozyen en suppôt du communisme révolutionnaire. Plutôt de de vouloir à tout prix "prendre en compte" le "travail administratif" dans l’évaluation et la progression de carrière des enseignants-chercheurs (cf le rapport Belloc pour les initiés), il faudrait peut-être voir tout simplement à les laisser faire davantage d’enseignement et de recherche, et à créer les postes administratifs nécessaires. Mais ceci est une autre histoire … Mettez donc dans vos dossiers des responsabilités administratives et/ou pédagogiques. Car il en faut.
  • ADEQUATION AU PROFIL DE POSTE (en général, enseignement, recherche)
    • C’est naturellement le coeur du débat. Un profil de poste c’est un profil recherche et un profil enseignement – et parfois un profil administratif. S’il en manque un des deux, si les deux sont outrancièrement détaillés, ou si vous n’arrivez pas à vous faire envoyer le profil détaillé, méfiez-vous, c’est qu’il y a probablement "baleine sous gravillon".
  • AUTRES REMARQUES (lettres recommandation, classements antérieurs, etc .)
    • Essayez de présenter un dossier "ciblé" : c’est à dire qui ne démarre pas par un CV basique, mais dans lequel vous faites figurer une sorte de "lettre de motivation" ou à tout le moins un petit paragraphe introductif. Et un dossier "adapté", c’est à dire qui montre que vous avez bien pris connaissance du profil de poste détaillé et que vos enseignements et recherches correspondent ou ne sont pas trop éloignés, ou bien alors indiquez la manière dont vous comptez faire pour qu’elles s’en rapprochent (du profil détaillé). Gardez en tête que nous n’envoyez pas une candidature spontanée, mais que vous répondez à une offre d’emploi spécifique.
    • Pour les lettres de recommandation, j’en sais rien … Mais si vous en mettez, n’en mettez pas trop.
  • AVIS POUR L’AUDITION (OUI, NON, A débattre)
    • Le couperet. 2 "oui" et c’est (presque) gagné, 2 "non" et c’est (quasi) systématiquement perdu.

D’un côté : des grilles, des critères, des rapports de rapporteurs … 1 page tout au plus.
De l’autre : des dossiers de candidature. De 30 à 50 pages.

Et derrière ces 50 pages, 5 à 10 ans de vie (depuis le début de la thèse). Un temps que ces 50 pages ne pourront jamais contenir. Un temps qui n’entre dans aucune grille d’évaluation. Celui de l’apprentissage. Du "dépucelage" scientifique. Celui des découvertes. Celui des rencontres, lumineuse ou sombres, mais toujours éclairantes pour le tout frais dépucelé. Celui des échecs aussi. Des renoncements, des sacrifices, des sourires de raison quand le coeur vous commande plutôt le grand coup de pied au cul ou la soupe de phalanges, des cours que l’on accepte pour ne pas avoir à les refuser, d’une charge de travail semblable à celle de 2 profs d’université mais payée 10 fois moins. Le temps de l’omerta sur bien des pratiques n’ayant rien de bien scientifique, les éternelles querelles de chappelle, la cuistrerie de certains, l’incompétence crasse de certains autres, ce que tout le monde sait, ce que personne ne dit. Le petit monde de l’enseignement et de la recherche (qui compte aussi beaucoup de gens biens … rassurez-vous :-).

5 à 10 ans de vie pour un "Oui", un "Non", un "A débattre". Vous voyez bien que j’ai besoin de vos retours.

Voilà voilà, et avec tout ça, j’ai une pile de dossiers à examiner qui m’attend :-(((
Alors à vos avis et commentaires.

Et bon courage à tous pour vos auditions.

10 commentaires pour “Recrutement de maître de conférences

  1. Pour ma part, et malgré ma qualif MCF (2006) et ma passion pour l’enseignement, je suis partie vers l’entreprise qui m’a accueillie à bras ouverts (curieux, non?), fatiguée de devoir faire des dossiers de candidatures normés pour des commissions de spécialistes qui chez les jeunes docteurs, qualifiés MCF n’ont pas bonne presse et sont carrément opaques.
    Pour moi, les enjeux et la stratégie à déployer pour décrocher un poste sont bien éloignés du regard « idéaliste » que je portais sur ce métier et son exercice. Et le pire c’est que j’ai toujours voulu depuis ma première année de fac faire ce métier…
    Alors un merci sincère pour avoir soulevé ce débat et je suivrais avec attention les prochains commentaires sur votre blog…

  2. Encore trop la tête dans le guidon pour bien me rendre compte des critères que j’aimerais voir pris en compte. Mais dans tous les cas, un grand merci pour votre initiative : rendre moins opaques le processus de recrutement c’est à mon avis un grand premier pas vers l’amélioration du processus (et du ressenti des candidats face à ce processus)

  3. Bonjour Olivier,
    Y aurait-il quelque part sur ce blog ou ailleurs, un wiki « Auditions postes MCF section 71 – 2007 » identique à celui que B. Coulmont a concu pour la socio??
    Ca serait précieux pour tous les candidats en attente d’informations…

  4. Caroline> voilà une excellente idée. J’avoue ne pas avoir eu le temps pour cette année mais j’essaierai d’en trouver pour l’année prochaine. En même temps, si quelqu’un d’autre dispose d’un peu de temps 🙂 Faudrait également voir comment récupérer ou « wikifier » les informations déjà disponibles sur le serveur de la guilde des doctorants.

  5. Merci pour toutes ces informations venant de « l’autre côté de la barrière »…
    Je viens de faire mes premiers pas dans le grand monde des auditions, c’est encore tout frais. Un truc dont on avait parlé avec une collègue qui siège dans une CS, c’est qu’à la place de lettres de recommandation provenant de nos chefs, on devrait mettre des lettres de recommandation de nos anciens étudiants… dans l’idéal même, dans un idéal de transparence je veux dire, voire même dans un idéal de logique, à mon sens il serait même bénéfique de se se demander pourquoi est-ce que les étudiants n’ont pas voix au chapitre en ce qui concerne les MCF : ce sont eux qui vont les « subir » avant toute chose. Evidemment ça n’arrangerait pas les bidons de certains puisque ça entraverait certains pratiques souterraines… mais bon, à titre consultatif, je trouve que ça serait pas mal du tout. On peut toujours rêver 😉
    Ah oui, autre chose que j’aurais aimé voir fait : quelques rapporteurs ont pris la peine de contacter les anciens responsables (enseignement et recherche) des candidats dont ils avaient les rapports à faire, afin de discuter avec eux pour avoir un avis réaliste, plus honnête que dans des lettres de recommandations. Mais tous ne l’ont pas fait, ce qui nécessairement est injuste pour les candidats dont ça n’a pas été le cas. Ça serait bien que ça soit systématisé, et à tout le moins, ça serait bien que si le rapporteur est entré en contact avec qqn à propos de la candidature d’untel, il le précise dans son dossier. Sans forcément dire ce qui s’y est dit (manquerait plus que ça, tiens 😉 mais au moins en précisant qui et quand.
    Ah oui ! Une info que j’avais lue quelque part mais que je n’arrive plus à retrouver à présent que j’en ai besoin, peut-être que tu pourras me répondre : à partir de quand exactement est-ce que les CS sont en mesure de fournir les rapports sur les candidatures ? Parce que j’en ai fait la demande sur les 2 postes où j’ai été audutionnée et je n’ai obtenu pour l’instant aucune réponse, alors que je sais qu’ils sont obligés de le fournir à la demande. Ce que je ne sais pas, c’est à partir de quand est-ce que je peux commencer à leur mettre la pression en leur rappelant leurs obligations…

  6. A en voir le wiki socio, ou le post ethno que j’ai créé sur mon blog, ca fonctionnne par la seule mise en reseau des infos obtenus par les candidats eux memes.
    Il sufit qu’un auditionné avertisse de la décision prise à l’issue de la réunion du comité de spé, qu’il la publie, et le tour est joué. Idem pour le classement. Ca permet à tous ceux qui croient etre encore dans la course de ne plus se faire d’illusions quant à l’issue de leurs dossiers.
    Quant à la guilde, elle ne publie pas à ma connaissance des infos de ce type, ou si elle le fait, c’est apres mise à jour du fichier antares. Peut etre que je me trompe, mais je viens de verifier et je n’ai rien trouvé.

  7. Sur la fiche type d’un rapport, on peut trouver aussi une rubrique type « apport spécifique du candidat » et « point négatif ».La synthèse du rapporteur se concluant par « avis favorable à l’audition – oui-non  » est tout de même souvent rediscutée en session, surtout évidemment en cas de désaccord entre les deux rapporteurs. En cas de consensus sur le « non », en revanche, c’est fatal, sauf si un membre de la commission qui connaît le candidat ou le dossier, relève des points forts omis. L’obstacle majeur opposé au bon fonctionnement des commissions de spécialistes est le très mauvais ratio postes/candidatures : en moyenne 1 poste pour 50 candidats dans les commissions que je fréquente. Et environ 5 auditions pour 50 candidats. Si bien qu’au moindre grain de sable (écart par rapport au profil) on repousse le dossier. Conseils aux candidats : tous les mots clés du profil doivent se retrouver illustrés dans le dossier. Il est très important aussi pour l’audition de regarder de près l’offre de formation et le fonctionnement de l’UFR. Trop de candidats font des présentations à partir d’eux, exclusivement, plus que des besoins pressentis de l’UFR. On ne peut pas rendre public le suivi des dossiers : la décision de la commission de spécialistes est entérinée en plusieurs étapes, elle n’est qu’une proposition.

  8. Bonjour Olivier
    Ton blog m’a beaucoup aidée. Notamment lorsque j’ai fait mes dossiers de qualif’.
    C’est vrai que c’est dur d’être du côté des candidats…apparemment du côté commission aussi! J’ai beaucoup aimé ton dernier paragraphe…criant de vérité…ce qui a été dur pour moi c’est d’être en concurrence avec des candidats locaux, moi qui refuse d’en être une et qui ai fuit le département où j’ai fait ma thèse pour « voir autre chose »…heureusement parfois on arrive à faire mieux que le local, ça a été mon cas. Mais je comprends tellement la déception de celui/celle pour qui ça ne marche pas, celui/celle qui a mis tant de coeur, d’espoir et de sacrifice dans chaque candidature.
    Merci en tous cas pour ton blog.

  9. Armoni> Merci pour ton commentaire et surtout … félicitations pour ton poste 🙂 A la lecture de ton blog (que je découvre) je suis convaincu que tu continueras à ta manière à lever un peu le voile sur certaines aberrations universitaires et à tenter de les changer, avec l’humour et la distance nécessaire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut