Appel pour une autre réforme du service public d’enseignement supérieur et de recherche

(Communiqué et pétition du collectif Sauvons la recherche)

"L’enseignement et la connaissance sont
importants parce qu’ils définissent ce qui, à travers les siècles, a
fait de nous des humains, et non parce qu’ils peuvent améliorer notre
compétitivité mondiale
", ainsi s’exprimait récemment D. Faust,
présidente de l’université de Harvard. Comme l’université française a
assumé depuis vingt ans un quasi-doublement des effectifs étudiants
sans moyens suffisants pour accompagner cette évolution, elle se trouve
aujourd’hui en grande difficulté pour remplir les missions de
production et de transmission des connaissances qu’implique une telle
vision. Pour améliorer cette situation, de nombreuses propositions ont
été formulées par la communauté scientifique. Mais le gouvernement les
a ignorées et a tiré argument des difficultés réelles de l’université
pour transformer complètement, brutalement et sans réelle
concertation, l’ensemble du dispositif national de recherche et
d’enseignement supérieur, afin que celui-ci puisse être géré comme une
entreprise, afin qu’un objectif majeur de l’enseignement supérieur soit
la professionalisation immédiate, et que la recherche soit avant tout
finalisée et à court terme.

L’urgence aurait dû être d’investir massivement dans
les universités, y compris en moyens humains. Mais l’urgence pour le
gouvernement a été la mise en place de la LRU (Loi libertés et
responsabilités des universités), c’est-à-dire un cadre (l’autonomie
des universités) qui lui permette d’accélérer un désengagement
financier, tout en masquant cette démarche par des effets d’annonce.
Cette autonomie verra un fort accroissement des pouvoirs attribués aux
présidents d’université, qui auront en particulier la haute main sur
les processus de recrutement de personnel, au mépris de la norme
internationale, qui recommande un recrutement par des pairs compétents.

L’autonomie scientifique des universités ne sera qu’une
façade dans une construction dirigiste et centralisée entièrement
contrôlée par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), imposant une
recherche sur projets à court terme, sans prise de risque, sur les axes
détaillés établis par le ministère, avec un nombre croissant de
personnels précaires. Ce dispositif de contrôle du champ scientifique
par le politique est complété par l’AERES, agence d’évaluation
entièrement constituée de personnalités nommées.

Les phénomènes de concentration de pouvoirs sans
contre-pouvoirs seront aggravés par la disparition programmée des EPST
en tant qu’organismes de recherche ayant une politique scientifique
autonome, en particulier le CNRS, principal vecteur d’une recherche non
finalisée sur le long terme privilégiant la pluridisciplinarité et la
prise de risque. Les UMR (Unités Mixtes de Recherche, dépendant d’une
université et d’un organisme de recherche), représentent l’endroit où
peut s’articuler une vision nationale et internationale assurée par les
organismes de recherche, et la dimension locale qui relève de
l’université de tutelle. Cette articulation permet de coordonner
l’effort de recherche dans chaque champ disciplinaire et dans le
contexte international. La commission d’Aubert prépare aujourd’hui la
suppression de fait de cette double tutelle, et s’apprête ainsi à
casser un système qui a fait la preuve de ses vertus structurantes.

Face à ces mesures qui nous paraissent inadaptées et dangereuses, nous demandons :

- Pour
les acteurs de la recherche et de l’enseignement, une véritable
autonomie scientifique et pédagogique par rapport au politique (qui
n’implique aucunement un désintérêt pour les demandes de la société).
Contrairement à ce que la référence à l’autonomie des universités veut
laisser croire, cette autonomie-là leur est refusée.

- Un
renforcement du partenariat entre universités et organismes de
recherche, en maintenant le principe d’une double tutelle (locale et
nationale) sur les unités mixtes de recherche.

- Une
répartition complètement modifiée des affectations de moyens pour
l’enseignement supérieur et la recherche prévues dans le budget 2008.
Il faut diminuer les crédits affectés à l’ANR et au Crédit Impôt
Recherche, pour augmenter ceux versés aux laboratoires par le biais des
établissements (universités et organismes de recherche).

- L’octroi
aux universités d’un financement par étudiant équivalant à celui des
classes préparatoires, des BTS et des écoles professionnelles. Un tel
soutien public est la condition indispensable pour pouvoir renouer avec
l’ambition de démocratisation scolaire et pour que le financement privé
ne conduise pas à un contrôle des activités d’enseignement supérieur et
de recherche par le privé.

- Un
plan pluriannuel de création d’emplois (chercheurs,
enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, administratifs) afin
de pouvoir renforcer l’encadrement pédagogique en premier cycle, sans
recourir à des heures supplémentaires : il importe d’augmenter le temps
que les enseignants-chercheurs peuvent consacrer à la recherche, pas de
le diminuer ! La moitié de l’augmentation du Crédit Impôt Recherche
suffirait pour mettre ce plan en place.

Nous demandons que les principes défendus ici soient
pris en compte, et se traduisent dans les faits par un changement net
de la politique menée actuellement. Nous demandons que soient
clairement explicitées les perspectives d’évolution de notre système,
et que toute nouvelle décision engageant son avenir soit précédée d’une
concertation avec les instances véritablement
représentatives des personnels. Dès à présent, nous nous attacherons à
animer le débat sur ces questions auprès de nos collègues et
concitoyens. Prochainement, un bilan sera fait de la prise en compte de
ces demandes, notamment par la commission d’Aubert, et à travers les
budgets affectés aux universités et aux organismes de recherche. Si ce
bilan ne fait pas apparaître les garanties indispensables et que se
confirment les menaces sur l’avenir des organismes de recherche, nous
mettrons en oeuvre d’autres moyens d’action pour stopper cette
évolution.

Pour signer la pétition.

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