La formation des bibliothécaires me tient à coeur parce que j’enseigne principalement dans un IUT "métiers du livre" dans lequel bon nombre d’étudiants se destinent à l’exercice de ce métier, et parce que ce métier me semble être un point essentiel pour garantir à tous le meilleur accès possible à la culture, à la connaissance, et à la société de l’information. Parce qu’enfin j’ai souvent eu l’occasion de former des bibliothécaires dans le cadre de l’URFIST, ou de la préparation aux concours.
Et parce que si ladite formation souffre de nombre d’insuffisances et nécessite de grands ajustements pour faire face aux réalités technologiques actuelles, la politique de l’actuel gouvernement témoigne (une nouvelle fois ?) au mieux d’une politique à courte vue et au pire d’un réel mépris pour ces métiers là. Je reproduis ci-dessous le communiqué conjoint de l’ABF (Association des bibliothécaires de France), de l’ADBDP (Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt) et de l’ADBGV (Association des directeurs des bibliothèques municipales et intercommunales des grandes villes de France).
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Cinq jours pour former un bibliothécaire, qui dit mieux ?
Des projets de décrets relatifs à la fonction publique territoriale prévoient la réduction de la formation obligatoire avant titularisation à 5 jours. Une « formation de professionnalisation lors de la première prie d¹un premier emploi » est bien prévue, mais elle est réduite à une fourchette de 5 à 10 jours en catégorie A et B et 3 à 10 jours en catégorie C. Quant à la formation continue de 2 à 10 jours par tranche de 5 ans, elle relève de l¹actualisation des connaissances, non de la formation initiale.
De telles mesures ne sont envisageables que si les diplômes requis ou la réussite aux épreuves du concours permettent effectivement de garantir que l’agent susceptible d’être recruté dispose des acquis fondamentaux indispensables à l’exercice de ces fonctions.
Or la filière culturelle a la particularité de disposer de deux niveaux accessibles après des concours généralistes (les assistants de conservation en catégorie B, les bibliothécaires et les attachés de conservation en catégorie A) tandis que deux autres garantissent une formation professionnelle avant recrutement : les assistants qualifiés de conservation de catégorie B (concours externe réservé aux titulaires d’un diplôme technico-professionnel bac+2), les conservateurs (formés pendant 18 mois
après réussite au concours).
Les mesures prévues vont donc aboutir à une filière culturelle totalement incohérente, avec une disparition des acquis professionnels dans les deux cadres d’emplois les plus nombreux des catégories A et B.
Il est aisé de comprendre qu’on ne saurait former un agent de catégorie A ou B de bibliothèques en cinq jours, et demander aux premiers d’encadrer des agents qui eux ont été solidement formés.
La réduction de la formation post-recrutement, qui pèse souvent exagérément sur le fonctionnement des services, n’est réalisable que si les concours généralistes sont remplacés par des concours sur titre.
On ne se forme pas aux fonctions de bibliothécaire, de catégorie A ou B, en quelques jours. Et ceux qui se sont engagés dans des cursus universitaires pour se préparer à ce métier attendent des concours permettant de reconnaître leurs acquis."
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D’autant plus que les 5 jours en question seront vraisemblablement un le tronc commun des fonctionnaires territoriaux.
Formés, mais formés à quoi ?
1. La proposition est scandaleuse, certes, et s’appliquera vraisemblablement à tout fonctionnaire recruté.
2. Mais doit-on faire l’économie d’une réflexion (voire d’une proposition) sur les contenus d’une formation : tronc commun (bibliothèques, centres de documentation), management (direction d’une équipe), formation continue (comment, avec qui ?
Mercure> J’ai écrit : “ladite formation souffre de nombre d’insuffisances et nécessite de grands ajustements”. Donc on est d’accord 🙂
Une conférence et un témoignage intéressants signalés par Alain Pierrot pour se projeter et identifier les compétences à développer :
http://fr.youtube.com/watch?v=q_uOKFhoznI&eurl=http://apprendre2point0.ning.com/video/video/show?id=945551:Video:3622
5 jours c’est un peu du n’importe quoi : la problématique se situe, il me semble, d’avantage dans un processus de formation continue au long cours !
Le Tag (“Rubrique à Brac”) de ce billet colle parfaitement au sujet : la réforme de la formation obligatoire dans la FPT…
Cette non-vision gouvernementale doit interpeler la totalité des “métiers du livre”…
Imaginons un instant le même scénario dans les BU ? Si on laisse passer cela aujourd’hui, demain cela sera quoi ? La fermeture de l’Enssib ?
Voir sur Bibliofrance : Formation obligatoire : migraine et peau de chagrin…
http://www.bibliofrance.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=341&Itemid=1
Il y a là en effet une très inquiétante pente pour la formation des métiers des bibliothèques en France.
Je rappelle qu’en Amérique du nord les formations sont pour la plupart de 2 années. Elles sont certifiées par l’American Library Association. Cet agrément n’est pas une simple formalité. Nous venons de passer l’épreuve à l’EBSI. Un rapport d’autoévaluation de 130p et 1000 d’annexes a été produit, il nous a demandé 9 mois pour sa rédaction. Un comité extérieur est venu ensuite pendant trois jours. Tout le monde a été interviewé : professeurs, professionnels administratifs, responsables de la bibliothèque et des laboratoires, étudiants, présidents des associations, employeurs, retraités, diplômés, doyen et recteur. Ils ont aussi assisté à des cours. Ce comité fait un PV pour le Comité of Accreditation de 20 membres qui lui-même donne in fine son avis et ses recommandations. Chaque année un rapport intermédiaire est produit qui doit répondre aux questions du CoA. Difficile de faire plus précis et sérieux. Peut-être même un peu trop pour le coup, mais je dis cela parce qu’on en sort à peine.
Les bibliothécaires et plus largement les professionnels de l’information sont considérés de ce côté de l’Atlantique comme des professions stratégiques.
De mon poste d’observation professionnelle, je vois que la formation en continu (nouvelles briques de compétences et de savoir-faire) manque sérieusement de cohérence. Y a un Grenelle, là, à provoquer, avec courage et lucidité. A voir l’engouement pour les journées d’étude vs le n’importe quoi des FIA et FAT, on peut se demander qui conduit le train : pas les élus [ secrètement ravis de la diminution de ces journées “perdues”], ni le CNFPT [ça y est , je suis rayé des listes]. Les associations de bibliothécaires ne sont pas entendues, et sur ce point, peut-être un effet de levier à créer …Je transmets
Pas très d’accord pour cette formule de “concours sur titre” car elle ouvre la voie à toutes les formes de combines et de copinages. Et, je suis au regret de le dire, mais cette forme de copinage et de cooptation invisible et frauduleuse est déjà la réalité de beaucoup de concours ITRF dans le milieu des bibliothèques… Je crois, Olivier, que le principe des concours ANONYMES, s’il n’est pas parfait, est encore le meilleur moyen de préserver l’égalité des chances républicaine. Il suffirait juste de modifier le programme et les épreuves de ces concours pour qu’elles tiennent compte de l’actualité et des avancées technologiques dans le domaine des sciences de l’information et des bibliothèques. Pas besoin d’inventer des concours sur titre pour cela.