Google est le webOS. Le WebOS est Google.

La stratégie de Google se dévoile chaque jour davantage (ce qui ne la rend pas pour autant transparente ou prévisible). A lire le début du dernier billet de leur blog officiel, on pourrait penser avoir trouvé la réponse à la question du WebOS : le WebOS sera donc … mobile. L’informatique personnelle disposait de ses terminaux "bureautiques", les terminaux du WebOS seront d’abord nos cellulaires. Ni strictement WebOS (Web Operating System), ni idéalement SOS (Social Operating System), mais plutôt hybride : MOS (Mobile Operating System).  Et bien c’est une erreur.
Comme cela est indiqué dans le même billet, Google n’annonce donc pas le lancement d’un Gphone, d’un téléphone portable "à la" Iphone. Google annonce que l’Open Handset Alliance, va lancer Android : "la première plateforme vraiment ouverte et complète ("comprehensive") pour les terminaux mobiles." De quoi s’agit-il ? Le mieux (et le plus court pour moi 🙂 est d’aller lire le billet succinct de Jean-Marie Le Ray ou celui de Zorgloob. La formule est simple : réunissez autour du développement d’une plateforme de déploiement d’applications "ouvertes" des opérateurs de téléphonie leaders, des fabricants de combinés, des éditeurs de logiciels et des fondeurs. Expliquez-leur que tous réunis ils disposent d’un marché de 3 milliards d’individus (marge basse et en expansion constante), et proposez-leur de s’entendre sur un standard autorisant le développement d’applications pouvant à loisir être embarquées ou déportées vers tout type de mobile afin de mieux se partager les revenus engendrés (probablement) par la publicité ciblée et le profilage marketing qui sera alors possible. Comme le rappelle judicieusement (et avec une pointe d’ironie) Jean-Marie : "Après l’Open Software, l’Open Device, l’Open Ecosystem et l’OpenSocial, voici donc l’Open Platform. Que d’ouverture !" Un monde ouvert. Open world. Et à la différence de Tristan Nitot, je ne croie pas qu’il faudra attendre 10 ans pour savoir si l’Android tuera ou non l’Iphone ou si l’Iphone se ralliera à l’Android. Google vient, à quelques jours d’intervalle, de déployer une stratégie identique d’ouverture et d’alliance : non pas pour éliminer une concurrence momentannée ou pour rattraper un retard supposé (qu’il s’agisse de l’Iphone ou de Facebook) mais pour s’assurer un pré carré inaliénable sur des secteurs actuellement en pleine expansion, et ce pour un bon nombre d’années à venir.
Mais revenons un instant sur le billet du blog annonçant le lancement d’Android : "Our goals must be independent of device or even platform." C’est pour le moins une formule programmatique et qui fait état d’une volonté d’escamotage (au sens propre) inédite. Je m’explique : si l’on enlève les périphériques et les plate-formes de la chaîne informatique que reste-t-il ?? L’essentiel. Le coeur. Le code. Les données. Google. Naked web. Désintermédiation applicative. Le web mis à nu. Et Google dispose en la matière d’une solide expérience. Demandez-donc aux libraires, aux éditeurs et aux bibliothécaires ce qu’ils en pensent …
Et alors ?
Et alors il s’agit là – à mon avis – d’un nouveau signe du déploiement à moyen terme d’un Internet substitutif. L’internet de Google. Un réseau ouvert. Ouvert mais propriétaire. "Tu fais ce que tu veux chez moi, tu y invites qui tu veux, tu t’y comportes comme tu veux mais … tu n’oublies pas que tu es chez moi." Ou plus précisément, moi propriétaire, je mets tout en oeuvre pour te permettre d’oublier que tu es chez moi : en te laissant te comporter à ta guise, en te laissant meubler ou réaménager tout ou partie de ma maison, je t’observe, je t’analyse pour mieux te rendre lisible, perméable, prévisible, pour rendre monétisable chacune de tes actions, chacun de tes comportements. Google n’inventera pas le WebOS. Parce qu’aujourd’hui plus qu’hier, il paraît clair que le WebOS, c’est Google. Et que Google, c’est le WebOS. Les observateurs attentifs et parfois hâtifs du net (dans lesquels je m’inclue) ont eu le tort (et moi avec) de ne voir que le côté applicatif de la chose en essayant d’anticiper sur la stratégie de Google, en essayant de décliner cette stratégie sur des modèles existants, en cédant à la facilité du raisonnement par le calque. Pourtant, et les mêmes observateurs l’avaient depuis longtemps noté, Google n’est pas dans une stratégie d’imitation ou de suiveur. Il est, depuis le départ, dans une logique de rupture. Une logique disruptive. Mais il a l’intelligence (et la capacité) d’accompagner cette rupture, et de se servir de son formidable vivier d’usages et d’usagers, pour la documenter en temps réel. Il n’a cure de créer un autre Facebook, un autre Iphone ou un autre Windows. Google est le net. Ce n’est aujourd’hui plus (seulement) d’une métonymie qu’il s’agit, mais d’une réalité (de plus en plus) tangible.
A moins … à moins que les données mises à nue ne nous sauvent de ce web mis à nu.

<Updates du lendemain>

  • Didier Durand n’est pas d’accord avec moi et avance quelques arguments de poids (financier) qui ne me convainquent pas pour autant, j’essaierai d’y revenir dans un prochain billet …
  • A lire aussi, le billet de Seb (sur Web-Mining.fr), qui est d’accord avec moi et reprend également à son compte l’argumentaire de Christian Fauré (API = DRMs des données) et pointe joliment le risque de devenir autant de simples "locataires de nos propres données" propriétaires, et propriété de Google (ou d’un autre)

</Update>

5 commentaires pour “Google est le webOS. Le WebOS est Google.

  1. Olivier,
    C’est bizarre, en lisant ton billet Open World, j’ai été frappé de voir qu’aucun des éléments listés – Open Archives, Open Access, Open Office, Open Data, Open Source – ne se superposait à cette nouvelle énumération : Open Software, Open Device, Open Ecosystem, Open Social, Open Platform…
    En moins de deux ans !
    A ce rythme, où serons-nous dans 2 ans ? Et combien de toutes ces portes « ouvertes » se seront-elles refermées sur l’utilisateur captif … de son propre gré !?
    En attendant, demain est un autre jour, où Facebook aura son mot à dire.
    Impossible à suivre tout ça, y a des moments où j’ai le tournis, comme perdu dans un carrousel qui tournerait trop vite…
    J-M

  2. Jean-Marie> C’est effectivement assez vertigineux. Difficile de se risquer à une analyse en l’état. Ce billet (et d’autres) est davantage un « relevé d’impressions ». Le bon côté de la chose, c’est que tout ce mouvement (et les commentaires qu’il suscite) est très stimulant intellectuellement 🙂

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