Service de presse : Wikipédia

J’ai reçu il y a déjà longtemps l’ouvrage "Wikipedia : média de la connaissance démocratique" paru chez FYP éditions. Il s’agit d’un ouvrage à plusieurs mains (12 au total) avec Marc Foglia comme contributeur principal. Voici mes notes de lecture …

  • L’introduction dit bien l’enjeu et la difficulté de cerner le phénomène Wikipédia : "sans doute faudrait-il inventer un mot pour désigner celui qui n’est ni lecteur, ni auteur, ni éditeur, ni usager, et tout cela à la fois. L’inadéquation de notre langage est le signe que quelque chose de nouveau est apparu."
  • Un grand nombre d’angles d’analyse sont abordés dans l’ouvrage, dont celui du fondement "politique" de Wikipédia : "Le libéralisme collectif est une forme de rationalisme avant d’être un collectivisme."
  • L’occasion également de rappeler quelques évidences avec un joli sens de la formule : "En inaugurant un système de production low cost avec lequel aucune encyclopédie existante ne peut rivaliser, elle a bouleversé les circuits traditionnels de l’édition encyclopédique."
  • Plus loin également et sur un autre coeur de polémique : "L’évaluation scientifique se métamorphose en consultation collective."
  • Jolie formule également à propos de la fondation Wikimedia, celle d’un "ordre mendiant de la connaissance."

Côté polémique, l’idée qui m’a le plus fait "cogiter" est celle avancée par l’auteur principal d’un "flat knowledge" (p.124) pour désigner un "savoir qui ne fait aucune priorité entre ses éléments". L’argument est ici correctement présenté et débattu mais on y retrouve la vieille antienne des anti-wikipédia se désolant de retrouver en un même corpus des articles sur la critique de la raison pure et sur Jean-Claude Van Damme. De mon côté je crois tout au contraire que rien n’est plus en relief que Wikipédia. Je crois même qu’aucune réalisation intellectuelle humaine depuis l’aube des temps ne peut s’enorgueillir d’un tel niveau de relief, de profondeur. Cette profondeur n’a rien de philosophique, elle est tout au contraire symptomatiquement pragmatique. C’est une profondeur de projet. Une profondeur d’écriture. La profondeur du formidable palimpseste à l’échelle planétaire que recouvre le projet Wikipédien. "Un palimpseste technologique à la démesure de la Babel mythologique." si vous m’autorisez l’auto-citation 🙂 Bref rien de plat en la matière. La platitude est en revanche à chercher – et c’est d’ailleurs dans cette direction que nous amène l’ouvrage, mais pas assez explicitement à mon sens – la platitude est en revanche à chercher, disais-je, du côté des usages. De la focale sans profondeur de champ que nous mettons en place en utilisant le moteur de recherche du site Wikipédia. Mais une fois dans LE contenu, le relief s’impose à nous dans toutes les dimensions du texte et dans toutes les possibilités d’exploration de l’hypertexte.
Au final donc, deux regrets :

  • l’ouvrage est complété par les résultats d’un sondage Opinion Way sur la perception de Wikipedia, sondage qui ne nous apprend rien (mais alors vraiment rien) et dont les résultats ont du tomber alors que l’ouvrage était déjà dans les rotatives vu la manière dont il est mis en page.
  • l’absence d’une bibliographie explicite (les références sont noyées à la fin de l’ouvrage au milieu des notes) avec à plusieurs reprises des affirmations qui gagneraient à être plus directement "sourcées".

Mais un ouvrage qui se lit vite et bien, et dont – ce qui n’est pas le moins important – la lecture est agréable nonobstant les inévitables cassures qu’entraîne son écriture à plusieurs mains. Le tout avec une argumentation parfois un peu rapide mais toujours stimulante et qui ne tombe jamais dans le travers de la polémique inutile.
Merci donc au service de presse de FYP éditions 🙂

Un commentaire pour “Service de presse : Wikipédia

  1. Bonjour,
    je vous remercie pour cette appréciation. J’en profite pour vous dire que je suis un lecteur presque régulier d’Affordance 🙂
    Il faudra m’expliquer davantage en quoi Wikipedia donne du relief aux connaissances exposées. W réalise une promesse qui fait partie de l’ADN d’Internet : celui des balayages courts, des circuits ultra-rapides et des réponses quasi immédiates. L’Internaute suit le chemin le plus court entre son désir (la « requête ») lancé sur Google et la réponse, obtenue sur Wikipedia. Auparavant, une encyclopédie offrait un ordre en même temps que des connaissances, mais cet ordre, il me semble qu’on ne le trouve plus, voire qu’on ne le cherche plus.
    Concernant le sondage Opinionway, on a là un vrai sondage effectué sur un échantillon représentatif des Internautes français. Il apporte la preuve empirique du succès écrasant de W dans l’opinion publique française connectée. Ce résultat n’était pas prévisible, au regard de toutes les critiques et les doutes que l’on peut lire au sujet de « l’encyclopédie libre ».
    L’image de Wikipedia est excellente, avec un taux d’opinions favorables de 92%. Ce taux concerne les internautes qui connaissent Wikipedia, soit 83% de la population des Internautes français (qui représente environ 60% de la population française). C’est un résultat dont on ne peut sous-estimer la signification. De même, 87% des Internautes français qui connaissent Wikipedia font confiance aux articles qu’ils peuvent y lire. Je pense que ce chiffre (avec ses déclinaisons par âge, catégories professionnelles, orientation politique, etc.) apporte une donnée à prendre en compte dans les débats.
    Bien cordialement
    Marc Foglia

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