"NoFollow". Du nom de l’attribut qui indique aux crawlers des moteurs de recherche de ne pas suivre tel ou tel lien. La dernière affaire concernant cet attribut fût celle de l’accord historique entre Google, Yahoo! et Micro$oft pour imposer la mise en place dudit attribut dans les commentaires des principales plateformes de blog, et ce afin d’atténuer le Spam (dans les commentaires). C’était en Janvier 2005. Deux ans plus tard (les bonnes résolutions de Janvier peut être ?) c’est aujourd’hui Wikipedia qui décide d’appliquer le même attribut pour l’ensemble des liens externes (=sortants) de l’encyclopédie. La raison en est simple :
- Wikipedia est l’un des sites faisant "le plus" autorité sur le réseau et est donc doté d’un PageRank de rêve.
- Donc tous les liens sortants "de" wikipedia bénéficient d’un peu des retombées de son PageRank et se trouvent donc faussement "surclassés".
- D’où un très grand nombre de faux liens déposés dans les pages de l’encyclopédie, uniquement destinés à accroître mécaniquement leur propre PageRank.
A première vue, imposer aux moteurs de ne pas suivre lesdits liens permet de résoudre le problème à moindre frais, et devrait endiguer rapidement le phénomène. De plus, même si les liens authentiques se trouvent de facto pénalisés dans leur "notoriété", ils ne le sont en rien dans leur "autorité" puisque continuant de figurer sur des pages qui ont elles-mêmes une très forte valeur d’autorité.
Pourtant, cette mise en place fait débat (comme par ailleurs chaque infléchissement de la politique d’ouverture de l’encyclopédie collaborative, que cet infléchissement soit minime ou radical …). Pour les plus optimistes, ce n’est qu’un léger "coup de canif dans un système de valeur". Pour les plus pessimistes en revanche, ce n’est rien moins que la menace de l’effondrement d’un trou noir sur lui-même (avec wikipedia dans le rôle du trou noir). Le même Nicholas Carr ne fait pas dans la dentelle quand il indique que "l’inexorable essor de Wikipedia en tête des résultats de la quasi-totalité des recherches web les plus simples (…) trahit la promesse fondamentale du web. Elle remplace l’hétérogénéité par l’homogénéité et transforme l’abondance en une pénurié auto-imposée. L’hégémonie de Wikipedia est la preuve d’un échec collectif de la curiosité et de l’imagination." Rien que ça … En même temps, et même si je ne partage pas la tonalité du constat d’échec de Nicholas Carr, il me semble que la mise en oeuvre de cet attribut NoFollow va dans le sens de ce que j’indiquais dans un précédent billet. Au-delà du simple mécanisme d’auto-régulation permettant à un système "ouvert" de demeurer stable et de ne pas s’effondrer sous son propre poids, ce "coup de canif" est une nouvelle étape dans le phénomène de convergence qui marque l’expression et le repérage des autorités cognitives. Ces autorités se rassemblent, se protègent, ne se ferment pas vraiment mais réduisent l’angle de leur ouverture. Elles trouvent leur équilibre. Elles nous proposent un équilibre. Elles ont fait leurs "preuves d’autorité" et elles ont été confrontées à de nombreuses tentatives de détournement (la dernière en date est assez savoureuse), précisément parce que leur légitimité était établie. L’équilibre proposé se situe donc entre l’idéal XVIIIémiste du plus petit nombre d’encyclopédistes érudits et le cauchemar moderniste du plus grand nombre des autarcithécaires. Un équilibre auquel je continue de croire parce qu’aux tentatives de dérégulation massives et disproportionnées il répond par une auto-régulation proportionnée. Parce qu’avant d’être une encyclopédie collaborative, Wikipédia est d’abord et avant tout un palimpseste. Le plus formidable palimpseste produit de la main de l’homme. Un palimpseste technologique à la démesure de la Babel mythologique. Et rien que pour cela, il est la preuve d’une réussite collective "de la curiosité et de l’imagination". Bref, il faut sauver le soldat Wikipedia 🙂 Vous ne croyez pas ?
Update du lendemain : selon la grande prêtresse de l’autorité et de "l’autoritativité" (qui n’a toujours pas de blog, et ça c’est dommage …) : "Par cette mesure, Wikipédia tente de limiter le spam mais aussi de contrôler les effets "automatiques" de notoriété construits sur sa propre réputation. Il s’agit donc bien d’une action d’enracinement de l’éditeur dans sa fonction se manifestant par la maitrise de l’environnement hypertexte dans lequel il s’inscrit."
(initialement via SearchEngineJournal)
olivier,
toute page web n’est-elle pas un palimpseste par nature ? et donc les pages de wikipedia aussi, par la force des choses 🙂
je dirais plutôt que wikipedia est une encyclopédie non achevée, un work in progress, un ‘projet’ encyclopédique avant d’être une encyclopédie.
sur le ‘noFollow’ des commentaires de blog, ça me semble très discutable… pourquoi le ‘noFollow’ n’est-il pas levé quand un commentaire est validé ? ça dénature profondément le fonctionnement et l’utilité des blogs.
et à l’inverse, on pourrait se dire (je ne vise personne hein 🙂 qu’un NoFollow serait parfois utile pour les billets eux-mêmes, tant les auteurs de blogs usent et abusent des loins réflexifs pour arranger leur propre Pagerank* 🙂
pierre
* : leur ‘notoriété’ donc, à ne pas confondre avec leur ‘autorité’ si j’ai bien tout suivi…
oups… je voulais parler des LIENS réflexifs.
Pierre> Non. Affirmer que toute page web est un palimpseste par nature, c’est un peu comme dire que toute page écrite à la plume est un palimpseste par nature, simplement du fait de l’existence de la gomme. Ou de « la possibilité d’une gomme » pour la faire « à la Houellebecq » ;-). Pour paraphraser un ami, le wiki est le premier format palimpsestique né du web. Donc je maintiens.
Ok pour le Work in progress.
Sur le nofollow, je n’ai pas dit que ce n’était pas discutable 🙂
Sur les liens réflexifs, se citer soi-même n’optimise pas (ou si peu) le PageRank.
Juste pour les ignorants comme moi :
http://www.google.ch/search?q=define%3Apalimpseste
« la maitrise de l’environnement hypertexte dans lequel il s’inscrit » : nous pouvons parler d’une économie hypertextuelle personnelle et la prise de conscience se généralise sur le web de l’importance de cette dernière. La tendance de plus en plus répandue à désactiver par exemple les trackbacks sur son blog entre dans cette logique de maitrise de son profil hypertextuel et de production du discours écologique attenant.