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L’ensemble du patrimoine écrit planétaire étant désormais numérisé, les
supports physiques ont été dématérialisés. Bob Toile, matricule Z3950,
né le 5 septembre 2008, prend ses nouvelles fonctions chez Amazoog
France.
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2038. Paris. Il est 9h00 quand Bob Toile franchit les portes de l’entreprise Amazoog France. Il vient d’être nommé BuMPS : Business Manager of Participatory Streams. Son poste consiste à coordonner la diffusion de l’ensemble des flux de données entrant et sortant de l’entreprise. Et pas n’importe quelle entreprise. Amazoog possède l’ensemble des infrastructure du second réseau : Networld2. L’internet de 1ère génération est mort.
Comme tous les BuMPS, William commence par apposer sa main sur l’interdesk : une table de travail interfacée et interactive. Grâce à la reconnaissance biométrique implantée dans l’interdesk, et aux datapuces sous-cutanées de Bob, il voit instantanément s’afficher ses trois Lifestreams, les trois brins de son ADN numérique. Laissant de côté son Personal Stream (PES) et son Public Stream (PUS), il ouvre son Business Stream. L’interdesk recompose alors instantanément l’ensemble de ses données professionnelles : coordonnées, messages, agenda, tâches, projets mais aussi toutes ses interopdocs en cours (INTERactions OPératoires DOCumentées). Son bureau est juste au dessus de l’archithèque** intégrée d’Amazoog France. Sept cent téra-octects transitent ici chaque jour. Ils sont une centaine comme lui à coordonner l’ensemble. Entre eux ils se baptisent les « aiguilleurs ». Grâce à l’infrastructure gigantesque dont dispose Amazoog, chaque information, chaque donnée, chaque échange, chaque interaction est stockée en permanence. Bob et ses collègues s’occupent spécifiquement de l’aiguillage des échanges et des interactions. Les anciens « documents » n’existent plus. Entièrement dissous dans la colossale mémoire de Networld2, ils ne sont plus qu’un flux de données en mouvement perpétuel. Mais grâce au travail de Bob ils peuvent être « instanciés », recomposés, reconfigurés à chaque instant, pour être basculés en affichage personnalisé dans l’interdesk du profil qui en fait la demande.
A 13h, Bob descend dans l’archithèque. Chaque succursale d’Amazoog en possède une, de taille variable (bien que toujours colossale). La température y est artificiellement maintenue à 7 degrés pour éviter toute surchauffe. Les murs de ce gigantesque local sont en effet constitués d’un seul et unique interdesk. L’archithèque d’Amazoog France est spécialisée dans la gestion des flux historiques et littéraires. L’ensemble du patrimoine écrit planétaire étant désormais numérisé, les supports physiques ont été dématérialisés. Networld2 les contient tous, et peut sur simple demande les traduire dans toutes les langues parlées sur la planète. Parmi l’ensemble des supports physiques, seuls les livres sont encore systématiquement conservés par enfouissement. A l’échelle de la planète, les réserves d’enfouissement représentent l’équivalent d’un continent comme l’Amérique du sud : à 100 mètres sous terre, d’immenses entrepôts de titanium affichant un degré d’hygrométrie adapté à la conservation du papier. Les anciennes bibliothèques ont été remplacées par des guichets individuels de visionnage répartis dans toutes les rues des grandes villes, pour les gens ne pouvant pas s’offrir d’interdesk personnel. Ces guichets permettent d’adresser une demande d’accès aux différentes archithèques : Bob et les aiguilleurs récupèrent la demande, l’apparient au Personal Stream du profil qui l’envoie et retournent un flux composite avec les éléments nécessaires. Une zone de l’archithèque est réservée aux versionneurs. A l’inverse des BuMPS ils n’ont pas la possibilité d’interférer sur la circulation des flux. Leur travail consiste à maintenir des flux stabilisés et en nombre suffisant pour satisfaire aux requêtes les plus courantes adressées à l’interdesk central.
Vers 18h en sortant du travail, Bob jette un œil distrait au fronton du bâtiment d’Amazoog où scintille la devise de la firme. « Your Lifes. Our Memory. »
Vos vies. Notre mémoire.
**Clin d’oeil et excuses à Jean-Michel Salaün à qui j’emprunte, pour le détourner, le concept d’archithèque.
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Texte "de commande", paru dans la revue Documentaliste, Sciences de l’information, vol. 45, n°3, Août 2008, p.82
You welcome!
Est-ce à souhaiter ?
Oui nous y sommes, les fonctionnalités futuristes en moins.
Il faudra un Montag ou un Sam Lowry pour se rebeller.
Le jour où…a volé ma mémoire.