Suite du billet de l'autre jour. Je m'étais arrêté à la page 7 du document mis en ligne par l'ARL (.pdf). Les 13 pages restantes concernent le "volet bibliothèques" de l'accord passé par Google avec les éditeurs. On y apprend que :
- Google délivrera un PAS (Public Access Service) gratuit à toutes les "bibliothèques publiques" (nous verrons ci-après que la dénomination a son importance …) qui en feront la demande. A partir de là il sera possible de consulter le texte intégral des ouvrages de la zone grise depuis les postes informatiques de ladite bibliothèque.
- Avec ce PAS, si vous voulez imprimer des pages, on Google vous demandera une somme "raisonnable" (sic) : "A user can print pages of material viewed on the PAS terminal for a “reasonable” per-page fee"
- Pour déterminer ce qu'est une "bibliothèque publique", et pour le secteur de l'enseignement supérieur, Google se base sur la classification Carnegie. Si vous ne correspondez pas aux critères de ladite classification, Google pourra vous offrir 1 PAS pour l'équivalent de 10 000 étudiants. Si vous êtes dans les critères de ladite classification, ce sera 1 PAS pour 4000 étudiants. Et si vous en voulez plus ? "Google (…) can agree to expand the PAS service by making additional terminals available for free or an annual fee, but the settlement provides no further details on the terms for this expansion." Donc ce sera possible. Et ce sera gratuit. Ou pas. Ca dépendra. Ce sera du cas par cas. Qui à dit "diviser pour mieux régner ?". Bref, faudra négocier avec Google.
Bilan ? C'est un PAS de plus vers un pas de trop. Je connais un certain nombre de marchands du temple de l'édition scientifique qui vont ressentir comme un léger malaise à voir l'ombre du géant de Mountain View venir s'étendre inexorablement sur leur pré carré. Car après la PAS, vient l'ISD (Institutionnal Subscription Database). Et oui.
- l'ISD c'est le fait que chaque institution va pourvoir acheter, toujours pour les mêmes oeuvres de la zone grise, un abonnement institutionnel pour offrir l'accès à l'ensemble de ces textes à l'ensemble de ses usagers. C'est à dire le principe même des bouquets numériques que contractent actuellement les bibliothèques (universitaires notamment) avec les grands éditeurs scientifiques. Cet accès aura naturellement une durée limitée et devra être périodiquement renouvelé.
- OK mais combien ça va coûter ces abonnements ? Et bien, là encore, c'est Google et lui seul qui va algorithmiquement fixer le prix. Enfin pas tout à fait. C'est Google et le Book Rights Registry (BRR), c'est à dire le fameux registre d'enregistrement des oeuvres encore sous droits. Sauf qu'en l'état, il faut rappeler que c'est Google qui crée et finance seul ledit BRR et que l'on ne sait rien de ce que sera sa composition … Et donc, les critères pour déterminer le prix d'un abonnement institutionnel sont : "the pricing of similar products and services available from third parties; the scope of the books available in the ISD; the quality of the scan (sic …); and the features offered as part of subscription." Plus loin on apprend également que le prix : "will be based on the number of full-time equivalent (FTE) users. For higher education institutions, FTE means full-time equivalent students."
Moralité : c'est ce que l'on appelle vérouiller ses positions. Phase 1 : google crée le marché. Phase 2 : Google prend le marché. Phase 3 : Google en fixe les règles. Phase 4 : Google n'a plus qu'à ramasser les copies les contrats … Parce que dans toute cette histoire, vous n'avez pas oublié qu'au départ il y avait le projet Google Books … un projet dans lequel des bibliothèques confiaient à Google des ouvrages dont certains font partie de la fameuse zone grise. Et c'est là que commence la lecture des dernières pages du document de l'ARL. Dans le prochain billet, je vous raconterai comment Google va réaliser le coup du chapeau. C'est à dire faire finalement payer aux bibliothèques l'accès aux ouvrages de leur fonds propre.
A suivre 🙂
(Temps de rédaction de ce billet : 1h00)