Google private Life : The Wall.

Quelques infos et commentaires un peu en vrac autour de l'ogre préféré …

Des photos et des hommes …

Google a mis depuis quelques temps en ligne l'intégrale des photos du magazine Life, y compris les clichés non publiés par le célèbre magazine. Un appétit insatiable, un fonds documentaire qui semble inépuisable et … un mur de fortification du "GoogleNet" qui se construit pierre après pierre. Lesdites photos par exemple ne sont pas indexables par d'autres moteurs de recherche comme le signale Philip Lenssen. On pourra m'objecter que puisque les frais incombent à Google et que l'initiative de la mise en ligne lui revient, il n'est pas aberrant que celui-ci s'arroge certains droits. Sauf que. Sauf que ces photos relèvent d'une dimension clairement patrimoniale. Elles sont un bien commun. Et à ne pas y prendre garde, en ce domaine documentaire comme en d'autres, on risque de se retrouver avec un acteur privé en situation de diffusion et d'exploitation exclusive de tout un tas de biens communs de l'humanité. On constatera que c'est dommage. Mais il sera déjà trop tard. Il existe pourtant bien d'autres approches … Mais encore faut-il que les bibliothèques pourvoyeuses aient les moyens d'en être à l'initiative …

"Rendre l'information universellement accessible" … et après ?

Ce mur infranchissable aux autres (moteurs) que Google est progressivement en train de bâtir autour de son corpus, de "son" web, est symptomatique d'un renversement dans la philosophie l'idéologie de la marque, ou à tout le moins d'un retour à un principe de réalité comptable. Renversement déjà remarqué par plusieurs analystes. Je crois que le temps du "tout service, tout gratuit" chez Google sera bientôt révolu. Plus globalement, je crois également que le gimmick "rendre l'information universellement accessible" sera prochainement remplacé par un autre. Jusqu'ici Google ne nous avait pas habitué à préserver un pré carré de manière aussi ostentatoire. Attitude d'autant plus étrange que l'on ne peut pas dire que la concurrence motorisée soit à son apogée. Alors quoi me direz-vous ? La faute à la crise ? Je ne pense pas. Je pense que Google à atteint (ou n'est pas loin d'atteindre) "son" objectif : rassembler en une même sphère d'indexabilité des documents, des informations, des biens communs et patrimoniaux de l'humanité, mais également des comportements, des intentions de navigation, de l'intime (cf ma presque mondialement célèbre "théorie de la dérive des continents documentaires"). "Organiser l'information et la rendre universellement accessible". L'information EST organisée. Les dépêches de l'AFP sont estampillées "Hosted by Google", les photos de Life ne sont consultable QUE dans Google, nos emails personnels sont scannés mot après mot par Google pour pouvoir nous afficher des publicités contextuelles, dans les fables d'Esope on peut désormais lire "Le filigrane Google contenu dans
chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre
projet et leur permettre d’accéder à davantage de documents par
l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le
supprimez en aucun cas.
" L'information EST organisée. Elle est effectivement universellement accessible. Universellement accessible par chacun d'entre nous SUR les serveurs de Google. SUR le GoogleNet.

La recherche est le centre et les services la périphérie. Mais faut se recentrer.

Maigre rayon de soleil dans cet horizon sombrement Googlien, le même Google annonce l'abandon de son projet Palimpsest (voir ici, ou ) dont l'ambition était tout simplement de permettre aux scientifiques du monde entier de stocker gratuitement leurs données volumineuses sur les serveurs de Google, en les rendant du même coup partageables et accessibles pour les autres scientifiques du monde entier … et accessoirement pour Google. Vous avez dit "bien commun" ?
L'abandon de ce projet n'est d'ailleurs pas isolé. Le moteur "dont le centre est partout et la circonférence nulle part", une formule qui fut à l'époque l'une des clés pour comprendre la stratégie d'entrisme de Google, semble avoir besoin de se repossitionner "autour de" ses services centraux au prix d'un nettoyage des services périphériques. Après Lively et Palimpsest, ce sont Google Video, Google Mashup Editor, Google Notebook, Google Catalogs (service qui eut son importance pour le développement de Google Book Search), Dodgeball et Jaiku qui sont abandonnés ou arrêtés par Google (voir à ce sujet les billets de Zorgloob, Francis Pisani, Philipp Lenssen …). Google se recentre donc autour de la recherche, et en particulier de la recherche "universelle" (voir le White Paper signalé par Steven Arnold), nouvelle clé de voûte de son écosystème de services.

A quelque crise malheur est bon …
La crise économique boursière n'est certainement pas étrangère au recentrage de l'ogre de Mountain View. Mais je crois qu'elle n'en est pas la cause profonde, elle n'en est que le déclencheur structurel. "L'occasion" de passer, en 2009, à une nouvelle étape de déploiement, peut-être à une nouvelle stratégie. Il n'est d'ailleurs pas innocent que l'on voir récemment refleurir la rumeur du Google Drive (souvenez-vous), un espace de stockage "personnel", en ligne. L'information EST organisée. L'information est universellement accessible SUR les serveurs de Google. Particuliers, entreprises mais aussi institutions et demain peut-être états s'y retrouvent. En 10 ans, les habitudes sont acquises. Pour la plupart d'entre elles irrémédiablement. Devant l'omniprésence du moteur, devant la qualité des services offerts, devant l'ancienneté des usages individuels et collectifs que l'on en fait aujourd'hui, qui, oui, qui serait prêt à lâcher Google au profit d'autres services si ce dernier proposait un accès payant à certains de ses services ? Peu de gens à mon avis. Alors bien sûr nous n'en sommes pas encore là, mais s'il fallait cette année encore jouer au jeu des prédictions, je dirai que du côté de Google, l'année 2009 sera celle de l'établissement de sa suite bureautique en ligne comme principal sideman du moteur de recherche. Et que pour s'installer définitivement dans les habitudes, il ne manque plus à la suite bureautique en ligne qu'un espace de stockage personnalisé en ligne. Je crois donc qu'on verra bientôt apparaître le fameux GDrive, dont la rumeur court depuis déjà deux ans … GoogleNet pour l'infrastructure, GoogleWeb pour le guichet unique d'accès à l'information avec son moteur (Google) et son navigateur (Chrome qui vient de sortir de son statut "béta"), GoogleOS pour les usages, usages eux-mêmes archivés dans la ruche mondiale du GoogleDrive.

"… dont le centre est partout, et la circonférence nulle part." comme disait l'autre

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Et puis aussi …
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  • Sur le sujet des photos de Life – mais sous un tout autre angle, voir la tribune d'Augustin Besnier dans Le Monde, lointain écho de préoccupations déjà abordées ici et là
  • De manière plus anecdotique, Google offre également la possibilité de télécharger le dictionnaire Littré développé en version open source. Il n'est certes pas le premier à le proposer mais la concentration de services offerts et l'effet de marque jouant à plein, qui se souviendra demain qu'il ne fut pas le premier à le proposer et que l'initiative ne lui en revient pas ? Qui d'ailleurs ira télécharger le Littré ailleurs que depuis Google ?
  • Et puis malgré tous les risques qu'il fait peser sur nous, il y a ces éclairs de génie, ces outils dont la puissance nous émerveille au sens propre, et qui nous laissent entrevoir toutes les potentialités des mises en abyme que permet le web : je parle ici des 14 toiles du musée du Prado qui sont visibles en très haute résolution via Google Earth. Vagabondages vous explique tout, ainsi que Le Monde (et son portfolio dédié). Je ne vais donc pas en rajouter une couche, juste un petit cadeau bonus pour d'autres approches de la perspective muséale : le mur d'images d'ArtScope, avec, (deuxième petit cadeau bonus), en toile de fond, une empreinte de plus en plus forte de ces technologies y compris pour le grand public et sur des corpus non nécessairement patrimoniaux ou artistiques, tel le site "Zoomorama", qui permet de mettre en ligne
    des photo en haute définition avec là encore des effets de zoom proprement vertigineux. De la larme de Saint-Jean à l'infinie navigation du monde telle qu'elle se déploie dans Google Earth, de 1435 à 2009, derrière cette technologie, derrière ces 14 toiles c'est toute la dimension et toute la puissance dilatoire du web qui se donne à lire, toute la courbure si particulière de l'espace-temps internet, de notre espace-temps numérique, de notre macroscope.

(Temps de rédaction de ce billet : 2h45)

4 commentaires pour “Google private Life : The Wall.

  1. Les tribunaux existes, les lobbies aussi, pourquoi ne pas réagir au cas par cas…
    Les archives du magazine life sont il vraiment bien commun, font il partit du domaine public?
    Si oui Google n’a aucunement le droit compte tenu de sa puissance et de son monopole à enfermer le bien public, et empêcher les autres moteurs de recherche de les indexer…
    Cela parait normale est pas difficile a porter en jugement ou pression.
    Si les archives sont privé, le domaine public est tellement large que ce n’est pas grave…
    Google est bâti sur une “escroquerie” le googlenet, de quel droit une société indexerai tout l’information sur ces serveurs? Pourquoi je n’aurai pas le droit moi aussi de tout “téléchargé”
    Dans ce cas je rejoins l’idée de thomas, la création d’une organisation international qui indexerait et sauvegarderai le web qui demanderait ses services a Google Yahoo…
    Ou alors une organisation qui sauvegarderai tout le web avec sa propre techno, afin de protéger notre patrimoine et contrecarrer Google dans ses plans diaboliques

  2. Je suis tout à fait d’accord avec la substance du billet, mais l’utilisation d’arguments fallacieux comme éléments à charge le dessert un peu. Ainsi, citer le projet dictionnaire-le-littre comme exemple, alors que c’est un projet développé par un individu qui n’a pas grand chose à voir avec google (titcouille.mandriva@gmail.com), à part le fait qu’il utilise des services fournis par google (gmail et code.google, plate-forme d’hébergement de code comme sourceforge ou gna.org par exemple).

  3. En réponse à “salut”, tout le monde a déjà le droit de tout télécharger, la question est plutôt d’avoir les ressources pour le faire (bande passante et stockage).
    Il y a, par exemple, l’Internet Archive (http://www.archive.org/), qui est une société sans but lucratif.
    À mon avis, sur la question des archives du Life Magazine, la grande question est celle-ci: est-ce que Google a obtenu une exclusivité qui empêcherais d’autres de faire la même chose? D’accord, Yahoo/Flickr ne peut pas indexer directement la collection telle que numérisée par Google, mais est-ce qu’ils ont le droit de faire la même chose et de la numériser eux-même?
    Si oui, alors la contribution de Google est strictement positive, comme tout individu ou société est libre d’ignorer l’existence de l’archive hébergée par Google, se retrouvant volontairement dans la situation “pré-Google”. Il y a peut-être des terrains d’entente intermédiaires, comme peut-être obtenir une license auprès de Google en échange d’un tarif pour aider à couvrir le coût du travail de numérisation (ce qui pourrais être moins cher que de faire le travail à nouveau).
    Si non, je serais plutôt porté à commenter sur les motivations lucratives du Life Magazine lui-même, pour avoir accepté une telle entente, au moins autant que Google pour l’avoir proposé.

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