IUT : un an après

Il y a de cela très exactement un an, naissait au sein des IUT un mouvement de contestation qui, rejoint quelques mois mois plus tard par celui des universités, allait donner naissance à la crise la plus longue, la plus dure mais également la plus profonde de l'université française.
Un an après, les prédictions les plus alarmistes se confirment. Valérie Pécresse avait fini par nous jeter en pâture une "circulaire" en lieu et place d'un décret qui aurait permis de limiter la casse du financement des formations professionnelles proposées par les IUT. Il s'agissait également de mettre en place, entre les IUT et leurs universités de rattachement des "COM", "Contrats d'Objectifs et de Moyens". Aujourd'hui, soit lesdits contrats ne sont toujours pas rédigés (ou ils ne font que copier-coller le COM type distribué par le ministère), soit ils ne sont pas appliqués. Comme nombre d'entre nous le craignaient, la "circulaire" n'offre aucune des garanties qu'elle était censée préserver.
Le 23 Octobre, l'ADIUT (assemblé des directeurs d'IUT) a publié un énième communiqué alarmant sur la manière dont les "mauvais traitements se propagent". Comprendre la manière dont nombre d'universités ne respectent en rien les engagements envers les IUT que leur avait très vaguement et mollement imposé la ministre. Soit dit en passant, les universités n'ont de toute façon plus les moyens de respecter leurs engagements "imposés" puisqu'elles doivent elle-même faire face au chaotique passage à l'autonomie. Nous l'avions très clairement indiqué, nous en avons aujourd'hui la confirmation.
Précédant et annonçant le communiqué de l'ADIUT, depuis la mi-octobre, soit un mois à peine après leur rentrée universitaire, la colère s'amplifie dans les IUT.
Demain, Mardi 10 Novembre, une délégation de l'ADIUT sera reçue au ministère.

  • "La demande de l'ADIUT, renforcée par l'Union Nationale des Présidents
    d'IUT (UNPIUT), est claire et précise : l'heure n'est plus aux
    demi-mesures, il faut repositionner très rapidement les IUT dans leurs
    missions et établir un nouveau cadre institutionnel leur permettant de
    les assumer en responsabilité. S'il faut quelques mois pour trouver une
    solution, les IUT demandent une mesure d'urgence pour 2010, le retour
    momentané au fléchage de leurs moyens (financiers et humains).
    Les
    directeurs et présidents d'IUT attendent avec une grande impatience la
    date du 10 novembre pour rencontrer la ministre. Ce jour là tous les
    directeurs et leurs chefs de départements se sont donnés rendez-vous
    devant l'Assemblée Nationale à 13h30. Les représentants de l'ADIUT
    demanderont un entretien avec les différents présidents de groupes
    politiques. Ils prendront ensuite le chemin du Sénat et à 16h feront
    une demande identique aux sénateurs. En fin d'après midi, ils
    attendront devant le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de
    la Recherche, les résultats de la rencontre entre Valérie Pécresse,
    l'ADIUT et l'UNPIUT. 
    Personne ne souhaite entamer une période de
    deuil en cette journée du 10 novembre 2009 mais d'ores et déjà les IUT
    prévoient d'organiser une information de tous leurs personnels le jeudi
    26 novembre 2009, à la date anniversaire des premières manifestations
    de novembre 2008. Une manière de prouver, si rien n'a changé d'ici là,
    que la circulaire de Mme Pécresse n'a servi à rien, et que la situation
    s'est dégradée profondément depuis 1 an.
    " (source : communiqué ADIUT.pdf)

Voilà pour le programme. Pour ce qui est de la situation qu'il s'agit de dénoncer, c'est celle que décrit très clairement la carte de France ci-dessous, réalisée par l'assemblée des directeurs d'IUT :

Carteiut
(source : communiqué ADIUT.pdf)

Concrètement, les points rouges se traduisent de différentes manières :

  • "Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 59 IUT qui rencontrent des problèmes avec leurs universités de rattachement, contre 6 au mois de janvier dernier. Refus du Contrat d’Objectifs et de Moyens, centralisation des fonctions et budgets (ou absence de lettre de cadrage budgétaire), ponctions tout est bon, en l’absence d’arbitrage de Mme Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, pour affaiblir les IUT. financières, prélèvement de personnels, voire remise en question des diplômes," (source : communiqué ADIUT.pdf)

La journée de demain ne sera pas décisive. Rien en tout cas à cette heure ne le laisse supposer. Juste l'occasion de "faire entendre", dans les velours feutrés du ministère, que les bases de l'incendie sont intactes, comme est intact l'écoeurement d'une majorité de personnels.

Pour le reste, il faudra voir. La LRU est une remarquable machine à décerveler et à diviser. Il est très probable que demain, Valérie Pécresse partique le sport qu'elle maîtrise le mieux, celui de l'atermoiement et du diviser pour mieux régner. Très probable qu'elle renvoie directeurs et chefs de département à leurs chères études, arguant des 57 IUT dans lesquels, contrairement aux 59 pointés sur la carte de l'ADIUT, tout se passerait bien, demandant encore du temps, le temps que la LRU se mette vraiment en place partout, se défendant de pouvoir intervenir dans les finances des universités (autonomie oblige), promettant de rappeler à l'ordre les présidents d'université n'appliquant pas la circulaire IUT par ailleurs parfaitement inapplicable.

Il est plus que regrettable que l'ADIUT ait attendu la rentrée universitaire pour demander "une mesure d'urgence pour 2010, le retour
momentané au fléchage de leurs moyens (financiers et humains).
", la même mesure qu'étudiants et personnels ont unaniment demandé durant les plusieurs mois du conflit de l'année précédente. L'ADIUT avait à cette époque là préféré rester à la table des négociations au lieu de la quitter quand le rapport de force était très largement en notre faveur (rappelons que les représentants du patronnat – MEDEF en tête – soutenaient à l'éoque très fortement le mouvement de contestation engagé dans les IUT). Auprès d'un nombre très significatif de personnels mobilisés l'année dernière, l'ADIUT s'est ainsi très clairement disqualifiée. Dans le même temps, nombre de ces mêmes personnels savent que, sans mot d'ordre clair de l'ADIUT, le mouvement n'a que très peu de chances de reprendre, parce que nombre d'enseignants-chercheurs ne font à l'IUT qu'un court passage chaque semaine, parce que l'on compte dans les IUT de plus en plus de personnels contractuels et vacataires diffcilement mobilisables (non qu'ils ne souhaitent pas se mobiliser, mais en le faisant ils prennent des risques certains sur la reconduite de leurs contrats), et parce que la dispersion géographique nationale du réseau des IUT est, de ce point de vue là, une faiblesse certaine. La position que prendra l'ADIUT à la sortie de son rendez-vous avec la ministre sera donc observée de près, mais elle ne sera en rien déterminante ou décisive (d'autant que la délégation ADIUT ira au rendez-vous ministériel accompagnée – accompagnant ? – des représentants de l'UNPIUT, partenaire très unanimement discrédité auprès de l'ensemble des personnels …).

Le plus grand danger pour le ministère vient de ce que l'on appelle les ACD, les "assemblées des chefs de département", plusieurs fois par an, ces ACD disciplinaires se réunissent, et c'est d'abord par leur biais que circulent les remontées terrains, là encore très souvent alarmantes. Les retours dont je dispose en provenance de plusieurs ACD sont unanimes et peuvent se résumer en une formule : "on n'y arrive plus". Il ne faudrait qu'une petite étincelle pour qu'un nombre significatifs d'ACD se fédèrent et relancent un mouvement de contestation d'ampleur nationale. Peut-être également qu'un jour les étudiants  en auront marre qu'on leur supprime ici un cours de seconde langue vivante faute de possibilité de recruter un vacataire, là que l'on rogne sur le volume d'enseignement de l'une de leurs matières fondamentales pour cause de non-remplacement de départs à la retraite ou de baisse des crédits, peut-être comprendront-ils l'importance d'une reconnaissance nationale de leurs diplômes aujourd'hui très clairement remise à cause à cour terme. Peut-être. 

Les IUT sont, aujourd'hui plus qu'hier (et bien moins que demain …) en danger. C'est d'autant plus dommage qu'ils disposaient de tout le potentiel pour que l'on tente de transférer leur modèle de réussite à certaines parties et filières de l'université française.

Demain, je ne serai pas à Paris. Je serai en cours. Je vais ressortir le petit badge qui ne m'a pas quitté depuis l'année dernière. Je vais prendre 10 à 15 minutes au début de chacun de mes cours pour tenter d'informer les étudiants de la situation actuelle. Les deuxièmes années auront déjà le contexte, les premières années (ceux-là même dont on nous disaient qu'ils risquaient de déserter nos filières si on ne reprenait pas immédiatement les cours et qui ont pourtant répondu massivement présents) le découvriront d el'intérieur. J'ai pas que ça à faire mais, oui, je vais parler politique. Il paraît d'ailleurs que cela est interdit. Peut-être se trouvera-t-il un député UMP lisant ce billet pour me  rappeler à mon devoir de réserve. On trouve bien un député UMP pour demander au Ministre de la Culture de rappeler la lauréate du prix goncourt à son devoir de réserve.

Aillleurs et d'ailleurs, comme un nouveau signe, la ronde des obstinés repart. Elle tournera tous les lundis de 18 à 20h et vous invite à les retrouver nombreux, lundi 16 Novembre à 18h, place de l'Hôtel de ville.

Le calendrier du mois de Novembre est déjà passablement chargé.

Un commentaire pour “IUT : un an après

  1. J’étais donc à Paris mardi. Bonne ambiance, manif bien sage (trop?), on défile sans bruit, sur les trottoirs, on s’arrête aux feux. V. Pécresse a réaffirmé son attachement aux IUT, nous a rapporté JF Mazouin, président de l’ADIUT. Elle compte même les développer, ouvrir de nouveaux départements! Elle va régler le cas des “points rouges” et…rédiger un nouveau texte!
    Bref, du cas par cas, et un texte de plus, qui, comme la charte d’abord, la circulaire ensuite, ne servira à rien qu’à essayer de calmer momentanément ceux qu’un président d’université a appelé “les excités”. Toi, quoi. Et moi. Entre autres.

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